Il y a un côté inconditionnellement romantique dans le match qui opposera ce soir la Tunisie au Brésil. Le football est un formidable exhausteur de sensations. La passion déraisonnée et déraisonnable. L’attachement qui fait autant de bien que de mal, mais surtout tomber dans l’ivresse des rencontres inattendues et des épopées mythiques. On se sent aujourd’hui privilégié d’avoir vécu à une époque où le Brésil dominait le football mondial. Ce qu’il se passait sous nos yeux, avec la Seleção et toutes les générations de joueurs hors du commun, était unique, indescriptible et, bien entendu, inoubliable.
Regarder le Brésil jouer, c’était avoir la conviction que tout était différent avec la technique de ses joueurs, leur intelligence, leur imagination, leur originalité. Un état d’esprit dans le foot et une équipe inaccoutumée, qui avait le secret de faire plier toute l’institution footballistique. On avait toujours droit à un lot d’émotions à nulles autres pareilles. Les moments forts s’imposaient. Sous le maillot brésilien, il y avait toujours des joueurs capables de se transcender et d’ajouter sans cesse une dimension à la valeur de toute l’équipe. Tout ce qu’ils faisaient, tout ce qu’ils suscitaient était une bénédiction pour le football.
On pensait que les années allaient quelque part effacer les souvenirs de la grande soirée de 1973 au stade d’El Menzah. Non, les moments forts du match Tunisie-Brésil, les prouesses de génie des Rivelino et de ses coéquipiers, mais aussi de Mohieddine Hbita, le Pelé arabe, et du grand Attouga, sont encore gravés dans notre mémoire. Lorsqu’on s’installe aujourd’hui et que l’on se rappelle, il y a de cela un demi-siècle, nous restons convaincus que les joueurs de cette époque-là avaient le talent, l’étoffe et la classe des joueurs d’exception. Le potentiel et la technique pour être les meilleurs dans tout ce qu’ils entreprenaient.
Ces grands moments forts, c’était hier, mais c’est aussi aujourd’hui avec la nouvelle confrontation au sommet entre les deux équipes. Et ça sera assurément un moment où il faut encore profiter de ce qu’il se passera sous nos yeux. Car demain, on risquerait d’attendre encore longtemps pour voir de nouveau la Tunisie défier le grand Brésil. Le rêve de toute une vie…
Alors, profitons comme il se doit de cette deuxième confrontation amicale entre la Tunisie et le Brésil et qui est de nature à apporter un peu de douceur à un flux d’habituels constats moroses, lourds et inquiétants au sein de la sélection.
Source de joie et de plaisir, le football est un monde à part. En soi. Pour ne pas dire entre soi. Avec ses propres règles. Il suit sa propre logique, son propre tempo. Tout n’est que circonstances. Faut-il encore préciser que l’on respire ici un air plus léger que dans d’autres matchs.
Entre le principal, l’utile et le superflu, l’on aimerait que la sélection tunisienne ne cherche pas, dans ce genre de match et face à un adversaire d’une envergure exceptionnelle, à produire des scénarios préfabriqués. Si un match comme celui de ce soir se prépare tactiquement et se gère souvent par la réflexion, il se gagne aussi et surtout par le goût du risque et le panache. Les joueurs ne sauront être soumis aux restrictions tactiques excessives, voire à la dictature du résultat. Dans le jeu que la sélection est appelée à développer et dans un élan destiné à déconstruire les préjugés, la marge de liberté des joueurs devrait être importante. Personne ne saura leur interdire de croire jusqu’à l’impossible, de faire pas seulement ce qu’ils peuvent, mais aussi ce qu’ils veulent.