Accueil A la une La fête du Mouled, une tradition spirituelle qui résiste aux aléas des temps modernes

La fête du Mouled, une tradition spirituelle qui résiste aux aléas des temps modernes

La Rue d’Espagne, une rue très fréquentée du centre-ville, connaît une forte dynamique commerciale, à l’approche du Mouled, fête religieuse commémorant la naissance du prophète Mohamed, qui sera célébrée cette année le 8 octobre 2022.

Un grand nombre de tunisiens en quête des ingrédients de la crème de graines de pin d’Alep (Assida de Zgougou), mettent traditionnel purement tunisien préparé spécifiquement pour le Mouled, font la queue devant les commerces d’épices et de fruits secs qui se succèdent le long de cette rue. Ces derniers exposent à profusion, en cette période de l’année, les graines de pin d’Alep, qui, contrairement à plusieurs autres produits, ne connaissent pas de pénurie.

Hassine, propriétaire d’un commerce qui date des années soixante-dix, semble habitué à la grande affluence que connaît la rue d’Espagne à l’approche du Mouled,  » On va servir tout le monde et vous aurez tous le plaisir de savourer l’Assida avec vos familles  » rassure-t-il ses clients, lesquels sont soucieux de faire au plus vite leurs achats. Hassine reconnaît toutefois, que  » le Mouled n’est plus ce qu’il était, il y a quelques années « .

Les clientes, elles, examinent la qualité des graines de pin d’Alep avant de les acheter, mais la majorité d’entre elles se contentent d’en acheter un seul kilo, le pouvoir d’achat des Tunisiens ne permettant plus des dépenses non essentielles.

Le prix du kilogramme de Zgougou varie cette année entre 25 et 30 dinars alors qu’il oscillait entre 30 et 35 dinars l’année dernière, contrairement aux prix des fruits secs nécessaires pour décorer l’Assida, qui ont flambé. Le coût de l’Assida du Mouled varie entre 80 et 180 dinars, selon le nombre des membres d’une famille, a indiqué à l’Agence TAP, le président de l’Organisation tunisienne d’information des consommateurs (OTIC), Lotfi Riahi.

Il a considéré que le citoyen tunisien est toujours très attaché à la célébration des différentes fêtes et Aïds, malgré la montée des prix et la détérioration de son pouvoir d’achat, mais qu’il est devenu plus conscient de la nécessité de rationaliser sa consommation face à une conjoncture économique difficile.

À la Cité Ibn Khaldoun, un quartier très peuplé de Tunis, les commerces d’épices et de fruits secs connaissent également, une forte affluence. Abir, gérante d’un célèbre commerce dans ce quartier, surveille les vendeurs pour s’assurer de la satisfaction des clients, tout en essayant de ranger les marchandises renversées par le grand mouvement dans le magasin. Elle a indiqué que la majorité des clientes ont opté pour les préparations qui facilitent la cuisson de l’Assida.

Le sociologue Abdessatar Sahbani pense que la célébration de la fête du Mouled est devenue  » un phénomène social global  » qui implique toutes les catégories sociales et toutes les régions du pays, étant ancrée dans l’imaginaire collectif comme un rituel spirituel qu’il faut préserver.

D’après Sahbani, « le Tunisien n’est plus prêt à se passer de ce met traditionnel. Le fait de le préparer à base de « zgougou » ou de noisettes, est devenu un rituel qui rime avec vantardise sociale et aussi avec appartenance à la communauté. C’est désormais, une forme de festivité qui montre la position sociale des individus et leur adhésion à la société ».

La célébration de l’anniversaire du Prophète, appelé en dialecte tunisien « El Mouled », remonte au XIXe siècle, à l’État fatimide, qui était précurseur, selon Zine El Abidine Bel Hareth, président de l’association « Tourathouna « .

L’État Hafside a préservé les manifestations de la fête du Mouled, mais les festivités étaient réservées à la haute bourgeoisie et ne dépassaient pas le cadre des palais, développé le responsable.

Durant le règne de l’Empire ottoman, les manifestations de la célébration de l’anniversaire du Prophète ont cessé d’avoir un caractère aristocratique et se sont répandues partout. Elles se sont traduites par plusieurs rituels, dont les acclamations, le Takbir et la glorification du Messager de dieu.

En Tunisie, la préparation de ce met à base de zgougou remonte à 1864, durant la révolution de Ben Ghdhahom, quand le pays a sombré dans une grande crise économique qui a engendré famines et pandémies.

Avec l’augmentation des impôts exigés par le Bey, le peuple, déjà appauvri a été contraint  » d’inventer  » des solutions alternatives pour subvenir à ses besoins alimentaires. L’Assida de zgougou a été parmi les alternatives inventées par les pauvres, c’était un met initialement, destiné à eux, a rappelé Bel Hareth.

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