Hausse des prix du Zgougou : Entre boycott et rupture de stock !

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Une semaine nous sépare de la célébration du Mouled. Les préparatifs de l’assida devraient commencer. Cependant, dans bien des quartiers, les effluves de la fête semblent fades. C’est que le prix du «  zgougou »  — ou graines du pin d’Alep —  connaît une flambée sans précédent.

Chaque année, le prix de cet ingrédient de base de l’assida grimpe, mettant les consommateurs dans l’hésitation : succomberaient-ils à la tentation, en dépit d’un prix assez élevé ou tiendraient-ils bon pour boycotter ce produit sollicité, généralement, une fois l’an ? Or, cette année, le prix a atteint son paroxysme puisqu’il varie entre 52  et 56 dt le kilo !

Dans une épicerie fine située au Bardo, pas une graine de « zgougou » disponible ! Il ne s’agit nullement d’une position d’opposition à la vente d’un produit qui suscite encore et toujours la polémique, bien au contraire. Dans ce point de vente, fréquenté massivement par des consommateurs ayant assez de moyens pour se permettre des friandises, le « zgougou » en vrac est en rupture d stock ! «  A chaque arrivage, les clients en recommandent. Le stock est rapidement épuisé en dépit d’un prix qui n’est point à la portée de tous. D’ailleurs, à chaque célébration du la fête du Mouled, la consommation s’avère être soutenue, et ce, quel que soit la mercuriale des prix du zgougou et des fruits secs », souligne une vendeuse.

Ne pas céder aux spéculateurs !

Soit ! Cela dit, dans les quartiers populaires, où les budgets des ménages sont assez limités, c’est une tout  autre paire de manches. En effet, en se rendant au petit marché de la cité Ibn-Khaldoun, à Tunis, l’on constate une inhibition inhabituelle des préparatifs de cette fête. Ici, les commerçants tout comme les clients y font la sourde oreille. «  J’ai décidé de ne pas assurer l’approvisionnement en zgougou, cette année ! C’est une décision de sagesse, d’ailleurs…Si j’en achète, je risque de ne pas pouvoir le vendre par la suite puisque rares sont les clients qui daigneraient en acheter à 52dt le kilo », indique Jamel Ayari, commerçant d’épices et de produits alimentaires divers.

Il semble même tolérer la sensible hausse des prix des amandes lesquels sont passés de 28dt à 31dt. «  Le pignon chinois est à 140dt le kilo ; celui dit baldi est à 135dt le kilo », renchérit-il. Néanmoins, le prix du zgougou, lui, lui semble inacceptable. « Pour le moment, nous, les petits commerçants, nous nous sommes, spontanément, mis d’accord sur le boycottage. Il s’agit d’une prise de position qui s’impose. Dernièrement, poursuit Anouar, un autre commerçant d’épices et de produits alimentaires, des responsables de la défense du consommateur ont dénoncé la hausse des prix du zgougou qui vont de 52dt à 56dt. Ils ont indiqué que les grossistes l’on payé à seulement 17dt voire 18dt le kilo tout au plus, il y a  à peine quatre mois. Aussi, refusons-nous de céder aux spéculateurs ».

Pour ce commerçant, faire pression sur les fournisseurs serait grandement utile. «  Ils finiront par  baisser le prix. Sinon, je conseille vivement les consommateurs d’opter pour les noisettes dont le prix n’excède point les 43dt », ajoute-t-il.

Hors budget

Tout comme les commerçants, certains Tunisiens résistent à la tentation, faute de moyens ! C’est le cas de Wassila Ayari, qui avait l’habitude de célébrer le Mouled en faisant l’acquisition d’un pot  de préparation de zgougou dont le poids est de cinq cents grammes, à seulement vingt dinars. «  Cette année, la pâte de zgougou se vend à 26 et à 28dt les cinq cents grammes. Je trouve que c’est inaccessible pour bon nombre de ménages desquels je fais partie. Si le prix persiste, je me contenterai, simplement,  d’une assida à base de farine », avoue-t-elle, frustrée.  Salwa Oueslati se trompe d’adresse !

Cette marchande de jouets en plastique bon marché nous prenait pour des représentants d’associations de micro-crédits …Interrogée sur les préparatifs du Mouled, elle semble revenir de loin ! «  Croyez-moi, je les ai complètement oubliés ! De quels préparatifs du Mouled parlez-vous ? Les gens comme moi se préoccupent, chaque jour, par quels moyens arriveraient-ils à acheter un peu de poulet pour donner goût à la marmite. La vie devient trop chère. Tout le monde n’a d’autres obsessions que de profiter de la situation. Pourquoi en arriver là, je l’ignore », dit-elle, amèrement.

Faisant ses courses au marché, Chahinez Hadded, une jeune maman, aurait pu s’aligner parmi ceux qui boycottent le zgougou sauf qu’une réserve, mise dans un élément de sa cuisine depuis le Mouled de l’an dernier,  sauve la situation. «  Il me reste un pot de pâte de zgougou de l’an dernier ainsi qu’environ cinq cents grammes de graines en vrac. Sinon, je ne dépenserai jamais près de soixante dinars uniquement pour l’achat du seul ingrédient de base de l’assida », confie-t-elle en ayant une triste pensée pour les démunis qui se trouvent privés de tout…

Jamais, sans l’assida !

Certes, mais les bons vivants, eux, ne reculent devant rien ! Certains pères de famille  vivent dans l’ici-maintenant et se débrouillent, tant bien que mal, pour que leurs enfants ne manquent de rien. C’est le cas de Sofiene Massoudi, un marchand de légumes, qui compte acheter le zgougou, quel qu’en soit le prix. «  Pas question de laisser mes enfants dans la frustration ! A quoi sert de serrer la ceinture ? L’heure n’est plus à faire des économies. D’ailleurs, la plupart des Tunisiens qui se déclarent partants pour le boycottage finiront par s’adonner aux préparatifs à la veille de la fête », déclare-t-il, franchement.

En quittant le petit marché de la cité Ibn Khaldoun, l’on remarque l’absence du jeune marchand de produits d’actualité ; un jeune qui a pris l’habitude de vendre des parapluies au mauvais temps, des couteaux et des planches à l’approche de Aid al Idh’ha, des jouets et des ballons à l’approche de Aid il Fitr et des bols en verre à l’approche du Mouled…

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