Accueil Economie Karim Amous, fondateur du groupe financier «Smarteco», à La Presse : «Acheter une voiture devient un projet d’investissement pour le Tunisien»

Karim Amous, fondateur du groupe financier «Smarteco», à La Presse : «Acheter une voiture devient un projet d’investissement pour le Tunisien»

 

Aujourd’hui, un bon nombre de produits de première nécessité connaissent des hausses vertigineuses aggravées par les circonstances internationales nouvelles, essentiellement la guerre en Ukraine. Plusieurs secteurs se trouvent dans l’impasse, comme l’automobile qui a connu des augmentations choquantes. Plus de détails avec Karim Amous, fondateur du groupe «Smarteco» spécialisé dans le conseil financier, l’assistance à la levée de fonds et dans l’accompagnement à l’international. Interview.

Quel est l’état actuel du secteur automobile en Tunisie ?

Le rythme des immatriculations en 2022 a été soutenu via les mécanismes de supports et d’incitations des institutions financières qui offrent même des véhicules à 0% d’autofinancement. En plus de cela, le gouvernement tunisien a promulgué dans sa dernière loi de finances des clauses incitant l’importation de véhicules hybrides supprimant 50% des droits de douanes et même 100% de ces droits pour certains types de véhicules. Une bonne nouvelle qui incite les gens à s’orienter vers les véhicules amis de l’environnement, mais trop chers à l’acquisition. Un arbitrage doit être effectué pour se décider.      

Pensez-vous que le métier d’expert automobile va souffrir de la crise économique ?

Certes, la souffrance d’un secteur va impacter négativement tous les intervenants sur ce secteur, notamment les experts conseillers, mais force est de dire que c’est le rôle de ces experts de proposer des solutions qui vont sortir le secteur automobile du gouffre. Dans des interviews antérieures, nous avons proposé de travailler plus sur les composants automobiles (pièces de rechange), car le parc roulant dans le pays devient de plus en plus vieux, et aussi à investir plus dans les startup proposant des solutions innovantes pouvant résoudre des problèmes aux constructeurs automobiles. Nous avons même évoqué le cas de l’un de nos clients, une tannerie iAnnovante  qui propose du cuir traité de façon biologique pour les sièges des  autos et des  avions. Cette usine basée à Sfax exporte  actuellement vers l’Europe et l’Amérique. Ce sont de tels des forons comme ça que nous devons  encourager et financer. Des sociétés qui enjolivent l’image de marque de la Tunisie à l’étranger et qui drainent de la devise.

Le secteur automobile compte parmi les moteurs de l’économie tunisienne, qu’en pensez-vous ?

Lorsqu’on sait que les exportations des  pièces de rechange fabriquées en Tunisie couvrent 175% des importations en matière de véhicules, nous déduisons que le secteur automobile en Tunisie est bien bénéficiaire, avec un taux de couverture important. Ainsi, il est incontestablement l’un des moteurs de l’économie tunisienne.

Où sommes-nous aujourd’hui dans le marché de la voiture ?

Avec l’effet de  l’inflation et de la dégradation de  la  parité  dinar-dollar et dinar-euro, acheter une  voiture devient pour  le Tunisien un vrai projet d’investissement. Un véhicule  moyen coûtant 50.000 dinars va consommer 10 ans de salaires d’une  personne payée au Smig en Tunisie. Alors que  ce même véhicule coûtera à un Français moins d’un an de Smic. Est-ce que ça vaut le coup toute cette ruée  vers  les  véhicules neufs, alors que  le Tunisien manque  de moyens de subsistance ?

D’après vous y, aura-t-il des réformes qui seront apportées prochainement au secteur ?  

Ce  que  je propose solennellement au gouvernement actuel, c’est la  suppression de  la clause qui interdit l’importation de véhicules âgés de plus de 5 années. Ainsi, on pourra  importer des  véhicules  en bon état de marche  de l’Europe, qui a une obligation de muter vers les véhicules hybrides  et électriques dans les années à venir.

Se débarrasser des véhicules consommant l’énergie fossile sera une nécessité  pour ces pays. Les  prix vont baisser drastiquement et nous  pouvons avoir de très bonnes occasions. Ce sera, certes, moins d’entrées  en matière de frais douaniers et un casse-tête pour les concessionnaires automobiles tunisiens, mais  l’effet social sera là. Avec cette mesure, beaucoup de facteurs vont considérablement changer, notamment, un plus important  pouvoir d’achat, plus d’investissements, moins de  migration clandestine, plus de sentiment d’appartenance et surtout la reprise de la confiance du peuple envers  son gouvernement.

La plupart des fabricants parlent de l’arrivée de véhicules électriques sur le marché tunisien, d’ici à 2050. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

On parle beaucoup de véhicules électriques, amis de l’environnement, sans émission de CO2, mais on ne  parle jamais du fait que ces  véhicules marchent, comme les  téléphones  mobiles, avec des batteries rechargeables. Arrivées à un certain âge, ces batteries ne sont  plus rechargeables, et ici, on ne jette pas uniquement la batterie, mais tout le  véhicule, car la batterie, indissociable, englobe  toute la plateforme inférieure de l’automobile. On commence à voir affluer des photos venant  de plusieurs pays qui nous ont devancé dans l’utilisation des automobiles électriques, montrant des «cimetières» de véhicules électriques qu’on ne peut plus utiliser, car leurs batteries sont à plat… Sans  parler de l’effet encore plus dévastateur d’une batterie  jetée  en pleine nature, sur l’environnement, de véhicules dits «amis de l’environnement»… A moins que l’une des  startup, que nous espérons tunisienne, ait trouvé une solution pour  contrecarrer ce problème, je reste personnellement  sceptique quant à la réussite des véhicules électriques  dans  notre pays.

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