
Chahrazed Fekih a appelé son exposition «Merveilles et Emerveillements». Et il est vrai que c’est un monde «réanimé, repeuplé et rationnellement merveilleux. Un monde, le Nôtre, auquel vous, vivants humains, vivants parmi les vivants, appartenez pleinement», auquel elle nous permet d’accéder.
Gracieuses mantes religieuses, bourdons bougons, scarabées sacrés, mouches saintes-nitouches, nous sommes au pays des merveilleux insectes de Chahrazed Fekih. Un univers d’élytres, de pattes délicatement griffues, d’ailes aériennes. Les insectes que l’on a l’habitude de classer comme nuisibles, et de chasser, à coups d’éventails ou d’aérosols pour la plupart du temps, s’avèrent plus accueillants que nous. Ils nous invitent dans leur univers magique, galerie «Le Violon Bleu», transformée pour un temps en une serre animée.
L’artiste a appelé son exposition «Merveilles et Emerveillements». Et il est vrai que c’est un monde «réanimé, repeuplé et rationnellement merveilleux. Un monde, le Nôtre, auquel vous, vivants humains, vivants parmi les vivants, appartenez pleinement», auquel elle nous permet d’accéder.
On ne sait quel miroir nous a fait traverser l’artiste, mais c’est un miroir magique qui change les proportions, nous fait minuscules humains face à ces nouveaux maîtres de l’univers, transforme l’appréhension en admiration, et la répulsion en grâce.
La finesse de son travail, la délicatesse de son trait, travaillé à l’encre de Chine, selon la technique du fil à encre, ou d’un pinceau que l’on imagine à un seul poil, font de ces «portraits » d’insectes, inspirés des planches anciennes, un travail d’entomologiste.
«Chahrazed Fekih nous avait fait prendre conscience d’un monde…, celui auquel nous n’accordons généralement pas d’importance ni d’intérêt, celui du minuscule», écrit Edia Lesage.
Et il est vrai que ces valeurs inversées, ce changement de perspective, nous plongent dans un certain vertige.
C’est dans la très belle vidéo que propose l’artiste que cela est le plus sensible : personnages de la mythologie et insectes dansent une danse lente et hypnotique. Et on pense à tous ces contes d’enfants qui cachent en fait des histoires pour adultes : Gulliver, le Petit Poucet, Alice et tant d’autres dont les héros changent de taille et sont confrontés à un univers animal, amical ou menaçant.
Rien de menaçant chez Chahrazed Fekih, du séduisant plutôt : le scarabée est d’un bleu magnifique, la mouche est rouge, la cigale est verte et la guêpe est jaune. Les couleurs éclatent et les insectes, «enfin reconnus », sont parmi nous.