La présence des Italiens en Tunisie remonte bien avant l’arrivée des Français et de l’instauration du Protectorat. Beaucoup d’Italiens s’installeront en Tunisie déjà au XVIIe siècle, ils sont des intellectuels, riches commerçants, opposants politiques…
L’un des plus puissants et riches commerçants italiens de Tunisie fut Andrea Antonio Serra, qui quitta définitivement Naples, sa ville d’origine pour Tunis, les raisons de cette expatriation furent d’ordre commercial. En effet, la famille Serra était en relation d’affaires avec la Régence de Tunis ayant déjà exporté différentes sortes de laines d’Italie vers la Tunisie et c’est précisément en tant que négociant et petit entrepreneur qu’Andrea Antonio Serra apportera ses capitaux en Tunisie pour commencer son activité commerciale dans le domaine de la laine.
Devenu ami avec G. B. Felice Raffo, ex-esclave monté aux plus hautes dignités de la Cour beylicale, pour l’intérêt de celui-ci, Antonio Serra obtint le contrat de fourniture des laines du «Monopole Beylical» pour la confection des fez. En 1797, Antonio Serra épousera Maria Lombardi, née elle aussi à Tunis et descendante d’une vieille famille tunisoise. L’activité et le commerce de la laine s’étendirent jusqu’en Espagne, même si cela fut la première grande crise pour l’entreprise des Serra. Deux grands navires chargés de laine en provenance d’Espagne furent capturés par des pirates barbaresques d’Alger. C’est ainsi que le commerce de la laine sera interrompu pour être remplacé par le commerce des huiles.
Après le décès d’Antonio Serra, son jeune fils Felice s’installa à Sousse, ville florissante pour l’oléiculture et port d’exportation de l’huile d’olive, nouant de nombreux liens avec des notables tunisiens et européens de la ville. Ces qualités furent immédiatement reconnues par le Roi des Deux Siciles et en 1826, à seulement 23 ans, Felice Serra sera nommé agent consulaire à Sousse, par Sa Majesté le Roi du Royaume des Deux Siciles. Cette nomination comme agent consulaire, en plus d’être un honneur, fut aussi une charge de grande responsabilité, en raison du grand nombre de sujets de Sa Majesté de la Maison de Bourbon-Siciles qui travaillaient dans la «tonnara» de Monastir et de l’intense trafic de navires commerciaux qui venaient charger de grandes quantités d’huile d’olive à destination du Royaume des Deux Siciles. En 1826, Felice Serra épousera Limbania Mainetto, fille du Génois Giobatta Mainetto et nièce du Sarde Bartolomeo Caimarino, descendant de la plus ancienne famille européenne de Sousse. Sa femme apporta en dot environ 9.000 plaques d’or qui lui permirent d’intensifier les échanges commerciaux entre la Tunisie et le continent européen, d’acheter de nombreuses oliveraies et de construire un somptueux palais qui devint plus tard hôtel, sous le nom de «Sousse Hotel», sans négliger les importantes relations avec les plus puissants de Tunis comme le comte Joseph Raffo, ministre d’Ahmed et Mohamed Bey, avec Gnecco, Sicard, Bessis, Chapelier, Fabre et Monge, et à Sousse avec Scemama, Giacomo Pistoretti, Antonio Caimarino, Filippo Ghio, Carlo Moro et tant d’autres familles puissantes de l’époque. Pour ses qualités humaines, Felice Serra sera adoré par tous, Musulmans, Juifs et Chrétiens, et plus particulièrement par les Maltais, Français et Italiens de Sousse, cela lui valut l’épitaphe gravée sur sa tombe dans l’ancien cimetière chrétien de Sousse qui rapportait : «Il fut aimé».