Le court métrage «Old Phone number» du Saoudien Ali Saeed a été programmé dans la section «Pays invité des JCC», l’Arabie saoudite, pour cette 39e édition. Cet opus nous a interpellé tant il sonde, avec un certain regard, les rapports amoureux, voire humains tout court.
Le film s’ouvre à l’intérieur d’une vieille voiture où un homme barbu filmé de dos est en train de conduire sur un fond sonore de psalmodies du Coran que diffuse la radio.
La vue qui se révèle à nous, à travers le pare-brise, n’est pas dégagée, elle est obstruée par de vieilles bâtisses de la ville. On aperçoit le visage de l’homme, à la quarantaine bien tassée, dans le rétroviseur intérieur de la voiture, c’est que l’homme semble tourné vers son passé.
Pensif et tourmenté, il arrête la voiture, prend son portefeuille duquel il sort un bout de papier rouge tout fripé sur lequel est inscrit un vieux numéro de téléphone (d’où le titre du film). Avec son vieux portable, il appelle le numéro mais personne ne répond. La sonnerie du téléphone déclenche chez lui un désir de se libérer de son passé et de faire rédemption.
Au fait, Hamad (Yacoub Al Farhane), le personnage central, est en pleine introspection et rétrospection due à la crise qu’il connaît au beau milieu de sa vie. Il quitte donc son travail, rompt avec ses anciennes connaissances et décide de se rendre à La Mecque afin de faire rédemption et de tracer une nouvelle voie, une nouvelle vie.
Après s’être lavé et purifié, on le voit en vêtement de pèlerin conduire sa voiture sur une route en plein désert qui est filmé de manière authentique sans exotisme aucun.
Dans la lumière spécifique du désert, tirant vers les couleurs jaune et brun, les souvenirs d’une ancienne relation remontent et obsèdent l’esprit de Hamad qui ne résistera pas longtemps à son passé amoureux. Hamad confrontera Maia (Oum Kalthoum Sarah Bard) sur le palier de l’appartement de cette dernière, sous prétexte de lui rendre une somme d’argent qu’elle lui a prêtée et quelques cadeaux qu’elle lui avait offert. C’est dans cette atmosphère en clair/obscur qu’il affrontera son passé dans un âpre face-à-face avec Maia qui ne manquera pas de lui reprocher son hésitation, son incertitude, voire son manque de courage et son incapacité à assumer leur relation amoureuse. A ses yeux, Hamad est resté un enfant qui s’exprime par des objets (photos, cadeaux, cassettes) alors qu’elle aurait souhaité qu’il vive pleinement sa passion.
Ainsi, dans «Old Phone number», la femme s’avère un personnage moteur positif qui nous révèle la personnalité de Hamad tout en lui faisant prendre conscience de son manque d’audace et de son indécision par une réplique qui résume, judicieusement, tout le film.
Car, quand Hamad s’interroge d’une voix désemparée, sur la raison de tout ce qui lui arrive, Maia lui répond : «C’est parce que tu t’arrêtes toujours au milieu du chemin». Et c’est là la particularité de ce court-métrage qui se dénoue et révèle clairement son enjeu dans sa dernière réplique. Le personnage féminin, dans cet opus, dénonce le statu-quo dans lequel se fige Hamad, ce qui l’empêche d’avancer et de vivre pleinement ses sentiments et d’aller jusqu’au bout de sa passion. Autrement dit, elle lui fait prendre conscience de son immaturité. Le film se clôt sur le personnage central filmé de dos, tel un loser perdu et défait, dans le pénombre du palier de Maia.
On pourrait, côté filmage, reprocher au réalisateur, Ali Saeed, de ne pas avoir, dans la deuxième partie du film (dans l’immeuble), varié les angles de prise de vue et les valeurs de plans comme dans la première partie. Toutefois, l’ensemble est bien mené et tient la route. Interprété avec justesse par les principaux acteurs, ce court-métrage saoudien nous interpelle tant il sonde la mémoire et la complexité des rapports amoureux, voire humains tout court.