Impact des changements climatiques sur l’agriculture | Mohamed Ikbal Souissi, Président de la Chambre Nationale de l’Agriculture Biologique et du Tourisme Vert (CNABTV) et membre du Conseil Scientifique de l’INAT, à La Presse : «L’optimisation de la distribution de l’eau peut contourner l’effet du climat»

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«Il est certain que notre pays est déficitaire en eau. Des solutions pour atténuer ce manque existent, mais malheureusement elles ne sont pas appliquées. En premier lieu, le grand gaspillage et la stagnation absorbent un grand pourcentage de l’eau consacrée à l’agriculture. Le filtrage et l’assainissement dans les règles de l’art des eaux usées pour leur utilisation sont inexistants».

La Tunisie fait face à un stress hydrique qui est devenu apparent, particulièrement durant ces dernières années, avec un déficit pluviométrique assez élevé. Quel impact aura cette situation préoccupante sur la production agricole et la sécurité alimentaire du pays ?

Je confirme en tant que technicien pratiquant : la sécheresse et la pénurie d’eau impactent négativement sur les rendements de notre pays. Le facteur de l’eau n’est qu’un paramètre parmi d’autres. En effet, des maladies ravagent nos végétaux suite au changement climatique et l’élévation de la température, telles que le charançon rouge pour les palmiers, l’exilila pour l’olivier et l’attaque de figue de barbarie par la cochenille. Les conséquences sont donc négatives et l’impact sur notre production est clair. D’où l’impérative nécessité de mettre en œuvre une panoplie de solutions pour pouvoir dépasser ce problème.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le climat demeure si important dans l’équation agricole et alimentaire en Tunisie ? La météorologie serait-elle finalement la seule gardienne des performances du secteur?

 La majeure partie des solutions arables en Tunisie dépendent de la pluviométrie. Les périmètres irrigués représentent un faible pourcentage des superficies cultivées. Les aléas climatiques impactent automatiquement sur la production agricole. Mais le savoir-faire, la bonne gestion de l’eau, le choix de la variété adaptée, l’utilisation du système d’optimisation de la distribution de l’eau aux plantes peuvent contourner l’effet du climat.

Comment les pouvoirs publics aident-ils les agriculteurs à faire face aux grands défis de la transition écologique ? À quoi pouvons-nous nous attendre dans les années à venir ?

L’Agence de vulgarisation et de formation agricole (Avfa) peut aider à préparer les agriculteurs à appliquer des méthodes rationnelles pour minimiser l’impact du changement climatique sur les végétaux et la production, à travers des films documentaires de vulgarisation et des sessions de formations.

Par ailleurs, les organismes professionnels agricoles sont loin de remplir leur rôle d’encadrement, d’assistance et de sensibilisation des agriculteurs, exception faite de l’Utap qui ne manque pas d’apporter de  l’aide aux jeunes agriculteurs.

Dans les années à venir, nous devons passer par des périodes difficiles  marquées par une augmentation des prix, une pénurie de produit, mais le génie humain et la générosité de mère-nature me laissent optimiste et certain que les solutions seront là au moment opportun.

 Comment les impacts des changements climatiques se traduisent-ils en termes sécuritaires, notamment pour la population ? Quelles solutions et quelle stratégie doivent être préconisées face à l’impact de ce changement climatique sur l’agriculture ?

Les changements climatiques vont de pair avec l’augmentation de la température. Tout l’écosystème sera impacté. Il faudrait dès maintenant nous préparer à voir, le même jour, les quatre saisons. Il y aura une prolifération des insectes et même la production agricole va changer. Des changements et des décisions politiques doivent être pris d’urgence, à titre d’exemple l’interdiction de l’exportation de produits consommateurs d’eau tels que les tomates, les melons, les agrumes et les raisins… C’est une exportation indirecte de notre eau douce. Il est préférable de l’orienter vers la production de blé, fourrage, ‘’aliment pour bétail,’’ pour garantir un minimum de lait et de viande et ne pas être complètement dépendant de l’importation de maïs et soja comme aliment pour les animaux. Il faut utiliser aussi une variété de semence adaptée à nos conditions bioclimatiques.

Les ressources en eau du pays sont soumises à plusieurs contraintes : impact du changement climatique, gaspillage, pollution des ressources… Qu’en est-il de la consommation du secteur agricole ?

Il est certain que notre pays est déficitaire en eau. Des solutions pour atténuer ce manque existent, mais  malheureusement elles ne sont pas appliquées. En premier lieu, le grand gaspillage et la stagnation absorbent un grand pourcentage de l’eau consacrée à l’agriculture. Le filtrage et l’assainissement dans les règles de l’art des eaux usées pour leur utilisation sont inexistants.

Pour conclure et en fonction de votre expérience pratique, y a- t-il des solutions urgentes qui peuvent changer cette situation difficile ?

Eu égard au changement climatique, le déficit en eau est une donnée sur laquelle il faut agir pour vivre avec cette contrainte. Par conséquent, il faut un plan de communication pour toute la population pour la préparer à comprendre certaines conditions exogènes à la volonté de l’Etat telle que le rationnement de l’eau potable. Il est primordial de revoir le code des eaux, d’aménager impérativement les mines en ‘majel’ et stocker l’eau principalement des inondations afin de constituer des réserves lors des pénuries. L’avantage de cette technique est d’éviter l’évaporation d’eau pour une éventuelle utilisation en cas de besoin. Il est essentiel aussi d’intégrer l’agriculture de précession et les startup dans les programmes d’innovation, pour développer l’économie et la gestion d’eau si on veut sortir sans grand dégât de cette turbulence.

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