Les élections législatives anticipées ont été marquées, samedi, par un taux de participation considérablement faible, remettant en question l’intérêt des Tunisiens pour la vie politique
face à une crise politique, sociale et économique qui risque de s’aggraver.
Selon les affirmations de l’Instance électorale, le taux général de participation au scrutin législatif du 17 décembre 2022 a atteint 8,8 %. C’est ce qu’a annoncé le président de l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie), Farouk Bouasker, sur la base de résultats officiels préliminaires.
Et d’expliquer ce faible taux par le nouveau mode de scrutin, le boycott imposé par la majorité des partis politiques et surtout «l’absence d’argent politique qui pourrait influencer l’opération électorale».
Farouk Bouaskar a reconnu également que de nombreuses violations du silence électoral ont été constatées, notamment sur les réseaux sociaux et sur certains sites électroniques. «Ces violations n’ont pas eu d’incidence sur la transparence et l’intégrité du processus électoral de ce samedi 17 décembre», a-t-il expliqué.
Ce faible taux de participation est un record en Tunisie post-révolution. En 2019, lors des élections législatives, le taux de participation avait quand même atteint les 41%. Il faut dire, également, que beaucoup de Tunisiens qui ne sont pas allés voter, samedi, évoquent un manque d’intérêt pour ces élections, puisqu’ils ne comprennent pas leur utilité surtout à la lumière d’une terne campagne électorale. Selon plusieurs témoignages recueillis, on explique cette abstention surtout par le profil presque inconnu de la majorité des candidats.
Il faut rappeler également que l’opposition politique a appelé au boycott du scrutin depuis le début de la campagne électorale, car elle conteste tout le processus politique qu’a entamé Kaïs Saïed le 25 juillet 2021.
Ce taux aurait pu être encore pire si la catégorie des personnes âgées avait décidé de s’abstenir. En effet, plus d’un tiers des votants sont âgés de plus de 60 ans contre seulement 5,8% d’électeurs âgés de moins de 25 ans.
L’opposition brise le silence
Farouk Bouasker, président de l’Instance supérieure indépendante des élections, a également expliqué qu’il y aura un deuxième tour des élections législatives dans plus de cent circonscriptions, en raison de la présence de plus d’un candidat dans toutes les circonscriptions et de la difficulté pour tout candidat d’obtenir la majorité absolue, soit 50% plus une voix.
Face à ce qu’elle appelle un échec cuisant pour le processus du 25 juillet, l’opposition politique représentée par de nombreux partis a appelé à la fin de ce processus et au départ du Président Kaïs Saïed.
Le porte-parole du Front du salut, Ahmed Nejib Chebbi, a appelé, dans une conférence de presse tenue samedi, les différentes composantes de la société, y compris les organisations, la société civile et les personnalités nationales à la mobilisation «pour faire tomber le système du 25 juillet 2021».
Pour sa part, le leader du mouvement Ennahdha, Noureddine Bhiri, a appelé «à la fin du régime de Kais Saied». Pour lui, «les Tunisiens sont appelés à descendre dans la rue pour contrer son projet».
De son côté, le parti Afek Tounes a appelé, dans un communiqué, à des élections présidentielles anticipées qui ouvrent la voie à une nouvelle étape de vraies réformes.
Le Parti destourien libre n’a pas fait l’exception et a appelé au départ de Kaïs Saïed et à des élections présidentielles anticipées.
Les voix défendant le processus du 25 juillet se sont également élevées pour revenir sur ce rendez-vous électoral. C’est le cas de l’ancien bâtonnier des avocats, Ibrahim Bouderbala, dont les déclarations ont fait polémique. S’exprimant sur les ondes d’une radio privée, il a estimé que ceux qui sont allés voter sont de vrais patriotiques, contrairement à ceux qui ont décidé de boycotter les élections. Ce candidat, qui aurait remporté un siège au parlement, a promis «d’ouvrir une nouvelle page de l’histoire et que ce parlement va accomplir son devoir».
La société civile réagit
Le président de l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie (Atide), Bassem Maâtar, a déclaré que les infractions relevées lors des élections législatives sont dans certaines régions «quasiment dangereuses, ce qui nécessite d’apporter des modifications sur la loi électorale».
Maâtar a indiqué que les observateurs ont constaté l’absence remarquée des jeunes lors de l’opération de vote. Il a également fait état «des tentatives d’influencer les électeurs soit dans les bureaux et les centres de vote, soit à leurs alentours, dénonçant la violation du silence électoral dans nombre de centres de vote et leurs environs».
L’observatoire «Chahed» pour le contrôle des élections a constaté que «le taux d’affluence aux centres et bureaux de vote était faible, faisant remarquer que plusieurs infractions ont été recensées lors de l’opération de tri».
A ce propos, il a appelé l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) à poursuivre tous ceux qui ont commis des infractions ou des crimes électoraux dans certains bureaux de vote.
crédit photo : © Abdelfattah BELAÏD