Personne ne pensait qu’une partie des Tunisiens finirait un jour par regretter Zine El Abidine Ben Ali. Et pourtant, ce jour est arrivé. Ils regrettent la qualité de vie d’alors, la sécurité et une certaine forme de discipline observée par tous. Discipline, est-il besoin d’ajouter, qui n’est pas le fruit de l’évolution des institutions et de la société, ni un indicateur de développement, mais générée plutôt par la peur d’un régime policier et d’une justice à la solde.
Malgré cette donnée fondamentale que tout le monde reconnaît, les gens, tranches d’âge et classes sociales confondues, pleurent l’ancien président. La simple évocation de son nom, maintenant qu’il est décédé, donne libre cours à des témoignages nostalgiques d’autres temps marqués par la stabilité, la tranquillité et un semblant de confort. Des souvenirs réels, quoiqu’enjolivés par le temps et par la comparaison entre deux réalités, celle d’aujourd’hui et celle d’avant.
Ce président, renversé un certain 14 janvier, a commis plusieurs erreurs. Son premier tort est d’avoir laissé le champ libre à sa seconde épouse et aux familles parentes et alliées régner dans le pays comme si c’était une propriété privée. Les Tunisiens l’ont mal pris et ont fini par se révolter. Sa deuxième erreur, il s’est accroché au pouvoir, montrant qu’il était prêt à n’importe quoi. Troisième erreur, induite de la deuxième, accaparer le champ politique.
Ben Ali avait nommé, tout au long de ses extensibles mandats, d’excellents technocrates. Les ministères techniques étaient dirigés par des experts diplômés des grandes écoles internationales dont la compétence ne fait pas de doute. En revanche, il a conservé le monopole sur la vie politique qu’il administrait à sa guise, ne souffrant aucune concurrence. Selon des sources qui se sont exprimées après la révolution et qui participaient aux Conseils des ministres, il aurait averti à plusieurs reprises: «Personne ne fait la politique à part moi».
Manœuvrier, «le leader du changement» a su apprivoiser l’Etat-parti, dirigeants et appareil du PSD et le baptiser RCD. Il a fait plier l’opposition à ses bons vouloirs, devenue inoffensive, voire amicale. Quant aux Tunisiens, ils ont été invités à aller voir ailleurs au risque de s’exposer à de lourdes représailles. Or, parmi les droits fondamentaux attachés à tout individu, en raison de sa qualité d’être humain, les droits politiques. Ils sont liés au statut de citoyen et sont inaliénables.
Autrement dit, la citoyenneté serait tronquée, si une personne était privée de ses droits de prendre part à la vie politique dans un système démocratique, représentatif où l’alternance au pouvoir est garantie et la volonté des électeurs prise en compte. Cette règle fondamentale, pour l’avoir ignorée, a été fatale à Ben Ali.
Brahim
23 décembre 2022 à 15:03
Ma chère consœur Hella Lahbib. Votre chronique est à la fois intéressante et intrigante : vous évoquiez un passé révolu et un homme politique décédé et inhumé (ironie du sort !) en terre sainte de l’Islam à Médine…pour dire quoi ? Partager les regrets des Tunisiens : certainement pas et encore moins analyser la vie politique actuelle avec tous les avatars subis par les citoyens surtout les plus démunis. Votre estimable quotidien n’a t-il pas joué un rôle néfaste en allant, loin de toute objectivité, dans le sens du pouvoir actuel et de son dirigeant Kaïs Saïed qui ne cesse de briller par une honteuse médiocrité politique.