Victime d’une conjoncture inconfortable, le gouvernement Bouden est mobilisé sur tous les fronts et malheureusement aucun secteur n’est à l’abri d’une crise. Mais c’est la situation du secteur public qui inquiète le plus, au vu de certaines données le moins qu’on puisse dire alarmantes.
Si jadis le secteur public était le symbole de la productivité, du développement et de la stabilité, aujourd’hui le constat est sans appel : une mauvaise gestion coûte cher aux équilibres budgétaires de l’Etat.
Il suffit de rappeler que le nombre de fonctionnaires publics était de 435 mille personnes en 2010 pour une masse salariale de 7,5 milliards de dinars. Cela sans compter les entreprises publiques.
A fin 2021, ce nombre a augmenté de plus de 50% avec 654.922 fonctionnaires (contre 661.000 au milieu de l’année) pour une masse salariale qui a presque triplé, estimée à 20,3 milliards de dinars, une situation désastreuse, selon certains économistes.
A cela s’ajoutent certainement les mauvais choix et les mauvaises décisions de gestion qui font dégrader davantage la situation de tout le secteur public devenu malheureusement un fardeau pour l’Etat.
C’est dans ce contexte que le Haut comité de contrôle administratif et financier (Hccaf) a présenté, dans son rapport annuel relatif à l’année 2020-2021, une série de recommandations afin d’améliorer le rendement du secteur public et la performance des structures publiques.
Au vu du constat assez inquiétant, le comité a jugé nécessaire et prioritaire de procéder à de nombreuses décisions pour pouvoir remédier à la situation. Ainsi, il est surtout question de définir les objectifs et les priorités de l’Etat et notamment son rôle au sein des établissements, des entreprises et des installations publics. Cela va dans le sens d’un meilleur positionnement de l’Etat dans le secteur public, notamment en ce qui concerne les entreprises publiques.
Toujours selon le rapport en question, il est primordial de fixer les obligations de ces dernières, la prise en considération de la nature des secteurs et l’unification de la supervision des structures dans le cadre d’une entité centrale chargée de suivre le portefeuille étatique et de veiller à la bonne coordination.
Pour optimiser les mécanismes de contrôle, le Haut comité de contrôle administratif et financier recommande surtout la séparation des fonctions de gestion et de contrôle en séparant la présidence du conseil d’administration de la présidence de la direction générale dans l’ensemble des installations publiques tout en veillant à l’évaluation continue du travail du conseil d’administration.
Pour les procédés de travail, il est nécessaire d’élaborer un cadre de référence pour les structures organisationnelles des entreprises et installations publiques comportant une série d’indicateurs et de données à prendre en considération lors du montage de projets.
Généraliser les commissions d’audit
Le rapport consacre une grande partie à la question des audits dans le secteur public. Ainsi on recommande de généraliser les commissions d’audit créées par les conseils d’administration et suivre les mesures prises dans le cadre de la lutte contre les défaillances du système d’audit.
S’agissant du rendement du personnel, il s’avère nécessaire d’appliquer les recommandations du système de contrôle de présence et d’assiduité des agents et poser les critères et indicateurs permettant d’évaluer et de revoir le système de calcul des primes de productivité et des heures supplémentaires et de suivi des congés maladie.
Le rapport propose également de créer une plateforme nationale d’échange des données tel que mentionné dans le décret-loi n°2020-31 du 10 juin 2020 relatif à l’échange électronique des données entre les structures et leurs usagers et entre les différentes structures.
Quid des entreprises publiques ?
Ce qui nuit considérablement à la gouvernance du secteur public n’est autre que la situation catastrophique des entreprises publiques. Il suffit de rappeler que les dettes cumulées de ces entreprises dépassent les 30 milliards de dinars à fin 2020, dont 42% pour la Steg avec 12,9 milliards de dettes cumulées. La masse salariale des sept entreprises publiques considérées comme stratégiques a atteint, en 2020, 1,4 milliard de dinars.
Au fait, depuis 2011, la situation des entreprises publiques était au cœur du débat. Elles ont dû payer le prix cher des recrutements abusifs au nom de la préservation de la paix sociale. Aujourd’hui, certains évoquent même des bombes à retardement au vu de la situation économique du pays.
Certains économistes ont proposé de nombreuses solutions pour remettre à flot ces entreprises et institutions, des solutions qui tournent autour de leur privatisation, mais cette option pose d’ores et déjà problème.
Si à aucun moment, les différents gouvernements qui se sont succédé n’ont prévu une telle solution, la centrale syndicale s’est toujours opposée à leur privatisation, affirmant qu’il s’agit d’une ligne rouge. Mais aujourd’hui, leur situation est au cœur des exigences du Fonds monétaire international (FMI) pour le décaissement d’une nouvelle ligne de crédit.
Selon un document de l’Institut national de la statistique exploitant les données du Centre national de l’informatique des agents de la fonction publique, cette dernière a employé 604,2 mille salariés en 2015, contre 444,9 mille salariés en 2011. Un chiffre qui a augmenté de 35,8% (159,3 mille personnes en plus).
Le nombre de recrutements le plus élevé de la période étudiée a été réalisé en 2012 (88,2 mille salariés en plus), soit plus de la moitié de l’ensemble des recrutements effectués sur l’ensemble de cette période.