Face à la grave crise économique et sociale que traverse un bon nombre de pays dans le monde et suite à l’impact de la crise sanitaire sur l’économie mondiale, il paraît nécessaire et primordial de consacrer, aujourd’hui, les principes de citoyenneté comme fondements des droits de l’homme et de l’évolution des politiques publiques. L’enjeu étant de réduire les risques des troubles sociaux mais également de lutter contre un fléau qui gangrène la société et les économies et qui n’est autre que la corruption. Plus d’informations avec Meriam Ben Boubaker, directrice du contrôle de gestion, experte dans le domaine du management de la performance : le management des systèmes d’information et la responsabilité sociétale des entreprises. Interview.
Que risque un Etat en voyant se répondre le fléau de la corruption au sein de sa société ?
Ce fléau qu’est la corruption dilapide les richesses de l’État, entrave l’investissement et affecte ainsi négativement l’économie des pays et le développement durable des sociétés. L’une des causes les plus importantes de la corruption est l’absence de valeurs morales et la faible participation citoyenne dans le développement d’une culture et d’une éducation permettant de se prémunir contre les risques de la corruption.
La corruption est-elle pratiquée uniquement dans le secteur public ?
La corruption ne se limite pas au secteur public, elle existe également dans le secteur privé, qui est souvent impliqué dans la plupart des formes de corruption gouvernementale. Par conséquent, lutter contre la corruption et limiter sa propagation sont du devoir et de la responsabilité de chacun, car la société civile doit coopérer avec les efforts du gouvernement pour lutter contre ce phénomène.
Les actions du gouvernement ne suffisent pas à elles seules pour lutter contre cette corruption. Qu’en pensez-vous ?
De nombreuses opinions nationales et internationales sont unanimement d’accord pour dire que le gouvernement seul, et sans s’allier avec diverses organisations de la société civile, ne sera pas en mesure de lutter contre la corruption. Cela suppose la mise en place de règles juridiques et organisationnelles et l’adoption de stratégies qui laissent à la société civile l’espace approprié pour travailler et participer à la lutte contre la corruption.
La Convention des Nations unies contre la corruption a également souligné, dans son article 13, la participation active de la société civile et des organisations non gouvernementales dans la lutte contre la corruption et a appelé les gouvernements à créer un environnement approprié pour activer le rôle de la société civile en fournissant un accès à l’information et en établissant des approches participatives dans le domaine de la formulation des politiques.
La participation de la société civile est très importante, car elle est le lien entre les gouvernements et la société dans son ensemble. Sans la participation active de la société civile, les politiques publiques restent sans résonance avec la société. Par conséquent, les organisations de la société civile jouent un rôle important dans la sensibilisation aux dangers de la corruption et dans la prévention des risques liés à ce fléau.
Comment la société civile doit-elle s’y prendre pour lutter contre la corruption ?
Les modes d’intervention sont nombreux. Tout d’abord, il faut créer une culture anti-corruption qui valorise les valeurs d’intégrité et de transparence à travers une prise de conscience sociale des dangers, des causes et des effets de la corruption et le renforcement du principe de citoyenneté effective à travers des sessions de formation, le renforcement du travail sur terrain et l’exploitation de divers médias.
Il est nécessaire d’élaborer des études liées au fléau de la corruption dont émanent des propositions effectives qui contribuent à le réduire. Il est aussi obligatoire de dénoncer la corruption à travers le suivi et l’évaluation des différents travaux et projets menés par les secteurs public et privé ainsi que le suivi du niveau de mise en œuvre des lois et accords dans le domaine de la lutte contre la corruption. Il est, par ailleurs, important de mettre des mécanismes de contrôle, de suivi et d’évaluation appliqués par la société civile. Il s’agit ainsi du moyen par lequel il est possible de mesurer le degré de réalisation des objectifs fixés mais également la performance des plans et stratégies établis et mis en place afin de lutter contre la corruption.
Quels sont, selon vous, les autres moyens à mettre en place pour la lutte contre ce fléau ?
L’assistance juridique dédiée aux employés et leur encadrement afin de défendre les intérêts publics face au fléau de la corruption qui affecte également les conditions économiques et sociales de ces employés est un acte important. La participation à la promulgation des lois, législations et politiques générales du pays permet aux organisations de la société civile de disposer des mécanismes les plus efficaces pour sensibiliser l’ensemble de la communauté au phénomène de la lutte contre la corruption.
Donc, l’assistance des organisations de la société civile aux institutions de l’Etat dans l’élaboration de politiques et de stratégies de lutte contre la corruption et de réduction de l’impact des crises économiques et sociales doit se traduire concrètement par des décisions et des mesures effectives de mise en œuvre de ces politiques : aborder et combattre la corruption !
Pour minimiser ce phénomène, que doivent faire les organisations de la société civile ?
Les organisations de la société civile sont également un pont de liaison entre la société et le gouvernement en incitant ce dernier à organiser un équilibre entre ce que le citoyen doit supporter et ce que l’ensemble de la communauté est censé supporter. A cet effet, les organisations de la société civile doivent se tenir au courant des activités internationales pour bénéficier des expériences dans le domaine de la lutte contre la corruption et chercher à bénéficier des meilleures pratiques au niveau mondial, afin de construire des stratégies locales dans le domaine de la lutte contre la corruption.
Ils doivent faire pression sur l’Etat en vue d’élaborer et de mettre en œuvre des plans d’actions et des programmes visant à lutter contre la corruption. Les organisations de la société civile doivent également être un modèle dans l’application des principes de bonne gouvernance, de transparence et d’intégrité en publiant leurs rapports financiers, par exemple, afin d’être un exemple à suivre. Afin de permettre à ces organisations de remplir au mieux leur rôle et de rendre le partenariat entre ces organisations et le gouvernement positif et efficace dans la lutte contre la corruption, il est indispensable de prévoir une répartition claire des rôles entre les organisations de la société civile et le gouvernement. Les gouvernements doivent également être sincères dans leur quête d’implication de la société civile et accepter que cette dernière exerce son rôle avec impartialité. De plus, la société civile doit être consciente que son rôle n’est pas seulement de critiquer les gouvernements et de dénoncer la corruption, mais il doit aller au-delà à travers une contribution effective à la mise en œuvre d’un programme sur le terrain. La garantie du droit d’accès à l’information qui permet de renforcer le rôle de la société civile dans son engagement dans la lutte contre la corruption.
La diffusion d’une culture qui met l’accent sur l’importance du rôle de la société civile en tant que partenaire-clé dans le développement des mécanismes de lutte contre la corruption. Il faut mettre à disposition des organisations de la société civile des espaces qui leur permettent de communiquer leurs idées et leurs orientations, tels que les médias audio et visuels et un soutien technique et matériel de la société civile, car elle aussi, à son tour, a besoin d’élever son niveau de performance. Il est à noter que les rôles des différentes organisations de la société civile ne diffèrent pas, quels que soient leurs domaines d’action et que leur participation effective à la formulation des politiques liées à la lutte contre la corruption peut être considérée comme un gage de la volonté réel d’enrayer ce fléau et accroître l’économie. Pour conclure, rappelons-nous donc et retenons bien les propos de feu Nelson Mandela : «Cela paraît toujours impossible, jusqu’à ce que ce soit fait». Les organisations de la société civile et les institutions étatiques doivent donc s’engager ensemble sur la voie de la réconciliation, de la reconstruction et du développement, car, avec de la volonté et de la détermination, l’impossible et le difficile se transforment en réalité !