Nous assistons malheureusement à un épisode interminable de grèves qui frappent pratiquement tous les secteurs, y compris le corps sécuritaire. D’ailleurs, l’Ugtt fait face à de nombreuses accusations compte tenu de la situation de l’économie et de la productivité, mais ses responsables affirment toujours que l’Union reste le dernier rempart pour protéger les droits des Tunisiens et leur pouvoir d’achat.
La Tunisie a connu de nombreuses grèves cette dernière décennie, avec l’émancipation du droit syndical à l’issue de la révolution de 2011. Santé, éducation, transport, industrie et énergie, ce sont les principaux secteurs qui ont été secoués par des grèves interminables. Si l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) dit protéger les droits des travailleurs, à chaque fois, ce sont aussi les intérêts des Tunisiens qui sont en jeu. De même, pour certains observateurs de la scène nationale, ces grèves interviennent dans un cadre politique en lien avec les rapports qu’entretiennent les parties syndicales avec les autorités.
Dernièrement, la grève prévue dans le secteur des transports qui allait paralyser les secteurs de transports terrestre, maritime et aérien a rouvert le débat autour de ce droit syndical qui parfois se transforme en un cauchemar pour les Tunisiens, mais heureusement que cette grève, prévue hier et aujourd’hui, jeudi, a été reportée. En effet, la Fédération générale du transport, relevant de l’Ugtt, a précisé sur sa page Facebook qu’au bout de treize heures de négociations avec la partie gouvernementale, au ministère des Affaires sociales, cette réunion a abouti à un accord.
Cet accord a été conclu et un procès-verbal a été signé, permettant de reporter la grève générale aux 15 et 16 mars prochain, alors que les négociations doivent se poursuivre en ce qui concerne certains points restés en suspens. Le principal accord trouvé porte sur le renforcement de la flotte des différentes sociétés de transport.
Au fait, l’Ugtt avait maintenu son mot d’ordre de grève jusqu’à ce que des négociations marathoniennes parviennent à débloquer la situation après un premier round échoué. Les modalités de ce débrayage prévu auraient pu être très conséquentes : immobiliser bus, métros et trains, maintenir à quai les bateaux et clouer au sol les avions. Nous ne sommes pas, heureusement, arrivés là, mais la menace d’une telle paralysie plane toujours, surtout si on rappelle que cette grève a été reportée.
Au départ, la Fédération générale du transport revendique l’amélioration des conditions professionnelles et matérielles des employés et l’application de la loi n° 9 de 1989 relative aux participations, entreprises et établissements publics ainsi que la mise en œuvre des accords conclus depuis deux ans avec la présidence du gouvernement et le ministère du Transport. Les parties syndicales se sont également montrées prêtes à renoncer à certaines revendications afin d’éviter la grève générale sectorielle prévue initialement les 25 et 26 janvier dans toutes les sociétés de transport.
Usage abusif d’un droit syndical ?
En Tunisie, l’exercice du droit syndical et, notamment, de la grève est reconnu dans toutes les entreprises et structures privées et publiques sous condition de respecter les droits et libertés garantis par la loi et, en particulier, la liberté individuelle du travail.
Sauf que nous avons malheureusement assisté à un épisode interminable de grèves qui a frappé pratiquement tous les secteurs, y compris le corps sécuritaire. D’ailleurs, l’Ugtt fait face à de nombreuses accusations compte tenu de l’entrave de l’économie et de la productivité, mais ses responsables affirment toujours que l’Union reste le dernier rempart pour protéger les droits des Tunisiens et leur pouvoir d’achat.
D’ailleurs, le Secrétaire général de l’Ugtt, Noureddine Taboubi, a déclaré que la grève du secteur du transport n’est pas une finalité en soi, mais un moyen. Le chef de la centrale syndicale a dénoncé l’indifférence du ministère du Transport et de la partie gouvernementale envers les revendications du secteur et les séances de négociations. « Le préavis de grève a été émis depuis octobre dernier, alors que la convocation de la part du ministère du Transport pour s’asseoir à la table du dialogue a été envoyée tardivement », a-t-il déploré.
Sur fond politique
Autant dire que ces grèves et ces menaces de grève interviennent sur fond d’un bras de fer engagé entre le gouvernement Bouden et la centrale syndicale. En effet, depuis plusieurs semaines, le courant ne passe plus entre les deux parties, alors que l’Ugtt se dit opposée à tous les choix engagés par le gouvernement, notamment en ce qui concerne ses négociations avec le Fonds monétaire international (FMI).
Ces grèves interviennent sur fond politique si on fait référence à la tension observée entre l’Ugtt et le Président de la République, Kaïs Saïed. Alors que ce dernier ignore pour l’instant les manœuvres de l’Ugtt portant sur une initiative de sortie de l’actuelle crise, la centrale syndicale craint une explosion de la situation sociale du pays. D’ailleurs, elle ne cesse de le rappeler : l’Ugtt ne laissera pas le pays tomber. S’agit-il donc d’un message adressé au gouvernement et aux autorités pour revenir à la table des négociations ?