Il n’y a pas pire pour le citoyen que de se sentir dans l’insécurité et le besoin. Comment peut-on parler d’adhésion à la chose politique et publique quand le pouvoir d’achat des Tunisiens est descendu bien au-dessous des normes tolérées? Pas de quiétude sociale, pas de confiance aux politiques et point de fiabilité à quelque partie que ce soit.
On ne saurait suffisamment l’exprimer, mais l’impact des partis politiques sur l’opinion publique s’est sensiblement dégradé. Ce n’est malheureusement pas une surprise : les liens qui attachent les Tunisiens à tel ou tel parti sont entrés dans une phase de décomposition, de désaveu, voire de déni.
Il faut dire que l’impatience était devenue insoutenable. Un signe de décadence ? C’est en tout cas ce que laisse entrevoir le dernier sondage d’opinion. Bien que contesté et mis en cause, les résultats dévoilés, les intentions de vote, ainsi que la cote de popularités des personnalités politiques, en prévision de l’élection présidentielle de 2024, apportent plus de réponses que de questions à un nouvel ordre, somme toute attendu, dans la vie politique en Tunisie.
Faute de pouvoir, ou de vouloir disposer d’arguments convaincants et mobilisateurs, les partis politiques perdent de plus en plus de leader. Ils n’ont plus également de modèle sur lequel ils peuvent s’identifier. Par leur indisposition et leur malveillance, ils ont contribué à l’installation d’un climat de doute, voire de suspicion sur les intentions de telle ou telle personnalité politique.
Fait nouveau, mais non moins attendu : des visages hors du circuit politique apparaissent dans le dernier sondage d’opinion. Le cas notamment du rappeur Karim Gharbi, alias K2 Rhym, à qui on donne la troisième place, devançant même Abir Moussi. Cette dernière a vivement réagi aux résultats de ce sondage pour dénoncer « les manipulations opérées par Sigma Conseil », qu’elle qualifie du reste comme « faisant partie d’un réseau implanté dans le monde entier et appuyé par des pouvoirs financiers internationaux, pour servir leurs intérêts, en manipulant les résultats des sondages d’opinion et en influençant le vote des Tunisiens ».
On ne fait plus honneur aux valeurs de la révolution !
Indépendamment de l’authenticité des résultats des sondages d’opinion et de leur conformité avec la réalité tunisienne, les éclats successifs et répétés ont compromis l’image de tout le paysage politique.
Depuis 2011, le règne de l’énigme et de la confusion, de la controverse et de la défiance font de plus en plus la belle, laissant la place libre aux humeurs des uns et aux rumeurs des autres.
La plupart des partis politiques se trouvent aujourd’hui dans l’incapacité de s’imposer et d’imposer leur discours, leur méthode et leur… agenda. Ce qu’ils n’arrivent plus à réaliser, ou encore à entreprendre, met en évidence cette inaptitude à se démarquer des polémiques, des dérives et des dérapages de tous genres. D’ailleurs, les Tunisiens ne trouvent pas, ne trouvent plus, des pistes à creuser, ou encore des réflexions et des débats d’idées dans tout ce que la classe politique ne cesse de revendiquer et de laisser entrevoir. D’où cette inaptitude à se projeter dans l’avenir et à entretenir un penchant presque naturel pour des promesses auxquelles plus personne ne croit.
Beaucoup de partis politiques n’arrivent pas à gérer une crise de confiance qui s’est nettement répercutée sur la place et le statut qu’ils sont censés occuper auprès des Tunisiens. Une crise de confiance qui a engendré un coup d’arrêt presque fatal, surtout par rapport aux attentes et aux espérances au fur et à mesure que le rendez-vous des élections présidentielles approche. En l’absence de visibilité, l’on ne voit pas, du moins pour l’immédiat, profiler des profils qui font vraiment l’unanimité, ou encore des alternatives de nature à débloquer une situation devenue au fil du temps désespérante.
Le paysage politique souffre des divisions qui opposent de plus en plus les différents acteurs et qui les empêchent d’œuvrer dans la sérénité requise, spécialement dans le contexte défavorable que connaît actuellement la Tunisie. Pareille démobilisation confirme les divergences de point de vue et atteste de la situation de non-retour qui prévaut dans le milieu. Chacun campe sur sa position et il n’y a aucune concession dans les différentes réactions, encore moins les prises de position.
Il n’y a pas pire pour le citoyen que de se sentir dans l’insécurité et le besoin. Comment peut-on parler d’adhésion à la chose politique et publique quand le pouvoir d’achat des Tunisiens est descendu bien au-dessous des normes tolérées ? Pas de quiétude sociale, pas de confiance aux politiques et point de fiabilité à quelque partie que ce soit.
Il faudrait se rendre à l’évidence et consentir que le paysage politique est malade et que le malaise est profond. D’ailleurs, la classe politique ne fait aucunement honneur aux valeurs de la révolution. Des valeurs que la plupart n’hésitent pas à gâcher parfois sans y prendre garde, mais le plus souvent avec préméditation.