Face aux grands défis que pose ce fléau, par où commencer pour limiter les formes de corruption en Tunisie ? Le Président de la République est-il capable, à lui seul, de s’attaquer à tous les dossiers de corruption qui gangrènent le secteur public ?
La corruption gangrène encore et toujours nos établissements publics. C’est le Chef de l’Etat Kaïs Saïed qui ne cesse de le rappeler en évoquant, à chaque apparition médiatique, une nouvelle affaire de corruption d’envergure. Rien que pour ces derniers jours, il a affirmé que de lourds dossiers de corruption pèsent sur l’Office des céréales à Ben Arous et sur la société des industries pharmaceutiques également à Ben Arous. Promettant d’appliquer sévèrement la loi contre tous, le Chef de l’Etat a regretté cette situation marquée par des contextes de corruption interminables.
Le Chef de l’Etat a annoncé depuis plusieurs mois une guerre contre la corruption et selon ses dires, la campagne d’arrestations intervient aussi dans ce contexte. Mais visiblement, l’épreuve est loin d’être facile, d’autant plus que la corruption en Tunisie renvoie à tout un système aux ramifications politiques et économiques.
Recevant dernièrement le ministre de l’Intérieur, le Président de la République, Kaïs Saïed, a révélé qu’il existait au niveau de l’Office des céréales à Ben Arous une grande affaire de corruption, appelant la justice à jouer son rôle. Il a ajouté qu’il n’est pas question de reculer, et qu’on est en train de travailler pour secourir les Tunisiens et les délivrer de ces réseaux de corruption.
Quelques jours auparavant, Kaïs Saïed a affirmé, lors d’une visite effectuée au siège de la Société tunisienne des industries pharmaceutiques de Ben Arous, que le stockage des médicaments jusqu’à leur péremption est inacceptable «au moment où des médicaments sont en pénurie». Il a ajouté que certains «lobbies criminels qui veulent prendre le contrôle du marché des médicaments sont derrière ce phénomène, pointant du doigt une lourde affaire de corruption».
En tout cas, le ministère public auprès du Tribunal de première instance de Ben Arous a ordonné hier, vendredi, aux unités de la police judiciaire d’ouvrir une enquête suite à des suspicions de corruption à la Pharmacie centrale de Tunisie, sur fond des révélations faites par le Président.
Depuis les événements du 25 juillet, le Président de la République s’est lancé dans une guerre contre la corruption et a promis de protéger les droits des Tunisiens contre toute atteinte. Pour lui, l’heure est sociale et économique et non pas politique, mais il est confronté à de grands dossiers de corruption et la situation semble très compliquée.
Autant dire que depuis la révolution, les Tunisiens n’ont pas senti de grandes avancées au niveau de la lutte contre la corruption, notamment dans le secteur public. D’ailleurs, avec un score d’Indice de perception de la corruption (IPC) de 40/100, la Tunisie occupe la 85e place à l’échelle mondiale, perdant quatre points par rapport à l’année dernière, selon le rapport annuel de l’année 2022 de Transparency International.
En se basant sur ce rapport, la Tunisie arrive en 8e position dans la région Mena. Elle est précédée des Emirats arabes unis (27e), le Qatar (40e), l’Arabie Saoudite (54e), la Jordanie (61e), Bahreïn et le Sultanat d’Oman (69e) et le Koweït (77e).
Une guerre contre la corruption
Mais face aux grands défis que pose ce fléau, par où commencer pour limiter les formes de corruption en Tunisie ? S’interrogent les observateurs de la scène nationale. Le Président de la République est-il capable, à lui seul, de s’attaquer à tous les dossiers de corruption qui gangrènent le secteur public ?
De la contrebande, au marché Parallèle passant par les cercles financiers corrompus, certains groupes de pression pourraient s’allier pour contrecarrer ce que le Président de la République appelle une guerre contre la corruption.
Il n’en demeure pas moins que la volonté populaire pousse vers une véritable guerre sans merci contre ce fléau aussi vieux que le temps qui gangrène la société tunisienne.
Il ne se passe pas un jour sans que l’on entende parler d’une descente dans un entrepôt, d’une arrestation ou encore du démantèlement d’un réseau de malfaisance, mais encore faut-il le rappeler, les différents rapports et études ayant interrogé ce phénomène sont convenus qu’il s’agit de pratiques profondément enracinées dans la société tunisienne et notamment au sein de l’administration, on évoque toujours un système corrompu.
Quid de l’Inlucc ?
Depuis la révolution, la lutte contre la corruption en Tunisie est régie par un ensemble de textes de loi et par l’ancienne Constitution de 2014. Ces dispositions interviennent notamment dans le cadre de la loi promulguant l’instauration de l’Inlucc. Sauf qu’aujourd’hui, cette instance est gelée par le Président de la République et son sort demeure toujours inconnu.
Il y a quelques jours, des fonctionnaires et agents de l’instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc), gelée depuis août 2021, ont annoncé leur intention d’entrer dans un sit-in ouvert et d’observer une grève de la faim au siège de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme (Ltdh), afin de réclamer le «dégel» de l’instance, ainsi que les sommes qui leur sont dues.
La conseillère et porte-parole de l’instance, Hanene Mdaghi, a déclaré que le gel de l’instance a porté préjudice à son personnel et à l’argent public, du fait du non-versement des sommes dues, de l’arrêt des cotisations à la Cnrps, et à la Cnam, du non-paiement des loyers de ses sièges centraux et régionaux, et du non-entretien des équipements, ce qui suscite l’inquiétude sur le sort des données personnelles incluses dans les dossiers.