Reportage : Envolée des prix des produits alimentaires | À l’approche du mois de ramadan : Les prix restent toujours élevés

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Il est 10h00, au Marché central de Tunis. En ce début de journée hivernale, le ciel fait grise mine, les consommateurs et les commerçants aussi. «Les prix des produits alimentaires donnent le tournis»,  réplique dans un ton colérique une mère de famille à notre question sur les prix des denrées alimentaires. «Tout est devenu trop cher. Les prix des denrées de base ont atteint des niveaux records depuis plus d’une année».

« Aucune mesure n’a été prise pour arranger la situation », ajoute ce quinquagénaire et père de famille, avec un rire ironique teinté d’amertume et d’impuissance. “J’achète moins qu’auparavant. Mais j’achète toujours. Deux kilos de ceci au lieu de trois, un kilo de cela au lieu de deux. Je n’ai pas trop le choix de toute façon, on est obligés de s’adapter”.

Dans les souks, épiceries et autres boucheries, les gens essaient tant bien que mal de trouver des solutions pour pouvoir remplir leur panier selon leurs moyens.

Depuis plus d’une année, une flambée des prix sans précédent frappe de plein fouet les ménages tunisiens: viandes rouges et blanches, fruits, légumes ainsi que d’autres produits de première nécessité ont vu leur prix augmenter de manière vertigineuse.

La situation n’est pas près de s’arranger

A perte de vue, dans les souks hebdomadaires comme chez les détaillants,  les prix des  légumes s’envolent, ainsi que ceux de la viande rouge, dont le kilo fracasse déjà le plafond des 39 dinars. Quant aux  fruits, ils semblent devenir de plus en plus un luxe. Le sentiment de colère ne cesse d’enfler, alors que de nombreuses voix déplorent la faiblesse des efforts des pouvoirs publics pour contenir le problème de l’inflation et faire baisser les prix à des niveaux plus raisonnables. A l’approche du mois de Ramadan, — période durant laquelle la demande et la consommation explosent, et avec elles les prix —, la situation n’est pas près de s’arranger, d’autant plus que l’identification des véritables raisons derrière cette flambée des prix continuent de susciter les débats et la grogne sociale.

En parallèle, le ministère du Commerce se dit prêt à lancer une campagne de contrôle au niveau des points de vente de gros et en détail à travers tout le territoire national afin de lutter contre la spéculation et le stockage illégal des produits alimentaires, mais aussi pour s’enquérir de la qualité des aliments vendus et du respect des normes en vigueur.

Réorganiser les circuits de commercialisation

L’inflation perdure. Persiste. S’incruste. Les Tunisiens souffrent, exprimant incessamment leur ras-le-bol face à la cherté de la vie et la dégradation de leur pouvoir d’achat. Les prix des denrées alimentaires en particulier restent toujours élevés. L’INS a indiqué qu’au mois de janvier 2023, les prix à la consommation ont augmenté de 0,8% par rapport au mois de décembre 2022, 0,7%.

Aujourd’hui, il y a une urgence pour la réorganisation des circuits de commercialisation et de distribution et d’une réglementation du rôle des intermédiaires pour atténuer la hausse des prix des produits alimentaires. Le système de commercialisation des produits agricoles, qui reste marqué par un ensemble de fragilités et de dysfonctionnements organisationnels et fonctionnels, est l’un des facteurs qui ont contribué au renchérissement des prix des principaux produits alimentaires, et ce, parallèlement aux dysfonctionnements enregistrés en matière de gestion des ressources hydriques, exacerbés par les sécheresses récurrentes, la crise sanitaire et les répercussions de la guerre en Ukraine, sur le coût des facteurs de production. Dans ce contexte exceptionnellement difficile, l’inflation a culminé à des niveaux jamais atteints, avoisinant 11%.

Face à cette situation et afin de limiter l’impact sur le pouvoir d’achat des citoyens et ne pas compromettre la sécurité alimentaire du pays, les pouvoirs publics doivent prendre un ensemble de mesures d’urgence, en intensifiant les opérations de contrôle des prix tout au long de l’année et de lutte contre les spéculations, de la régulation et la sécurisation de l’approvisionnement du marché.

Toutefois, ces efforts ne suffisent pas à résorber le renchérissement des prix des produits alimentaires dans un contexte marqué notamment par la persistance de la tendance haussière des prix des intrants agricoles.

Cette situation est attribuable à un ensemble de facteurs à caractère structurel, entraînant plusieurs insuffisances en matière d’organisation des marchés des produits agricoles (marchés de gros et souks hebdomadaires) et la prédominance des circuits parallèles de commercialisation (vente informelle) ; la faible capacité des petits et moyens agriculteurs à s’organiser pour écouler, dans de bonnes conditions, leurs produits.

Et c’est le citoyen lambda qui  en subit les conséquences, qui se retrouve désormais entre le marteau d’un gouvernement qui tarde à agir réellement sur le terrain et l’enclume des aléas de la nature, de la géopolitique mondiale et de l’avidité de certains spéculateurs qui font tout pour s’engraisser sans la moindre considération de la situation sociale du pays.

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