La réalisatrice Kaouther Ben Henia vient de briser le silence du cinéma tunisien et rejoindra bientôt le palais du prestigieux Festival international du film de Cannes avec son nouveau film « Les filles d’Olfa ». Elle entre, ainsi, dans la cour des grands, à savoir les très habitués Aki Kaurismaki (Finlande), Wim Wenders (Allemagne), Moretti (Italie), Ken Loach (Grande-Bretagne), Nuri Bigle Ceylan (Turquie), Hirokazu (Japon), etc. Depuis des lustres, la participation des films tunisiens se limitait aux compétitions parallèles et c’est la deuxième fois dans l’histoire du cinéma tunisien, après « Une si simple histoire » de Abdellatif Ben Ammar, qu’un film tunisien est sélectionné à la compétition officielle de Cannes.
L’événement représente une victoire, s’il en est, à l’instar de celle de Ons Jabeur au tennis ou de Saoussen Jemni dans la fiction télévisuelle avec le succès de son feuilleton ramadanesque « Falluja » qui a fait polémique et créé un débat public. Sans tomber dans le féminisme béat, il est clair que la femme tunisienne crée à chaque fois l’événement grâce à sa fibre artistique, son talent et son déterminisme à toute épreuve. La capacité à porter un projet artistique ou sportif n’est pas chose aisée, surtout lorsque les ressources financières viennent à manquer. Ce sont donc des petits bouts de femmes qui portent à bras-le-corps leur œuvre avec courage et perspicacité ce qui est, parfois, peu évident.
Kaouther Ben Henia, qui s’apprête à fouler le tapis rouge de Cannes, n’était pas du tout destinée à devenir cinéaste. Après des études à l’Institut des hautes études commerciales de Carthage, la jeune étudiante originaire de Sidi Bouzid, sans le sou, frappe à la porte de Syhem Belkhoja, directrice de l’Ecole des arts et du cinéma (Edac), qui, décelant sa passion pour l’audiovisuel, lui offre des études gratuites. Diplôme en main, elle ne tarde pas à rencontrer le producteur qui va la prendre sous ses ailes et la hisser au premier rang du cinéma international. Habib Attia, fils du non moins célèbre producteur Ahmed Attia, la soutient dans tous ses projets de films.
D’abord des courts-métrages : « la Brèche » (film d’école 2004), « Moi, ma sœur et la chose » (2006), « Peau de colle » (2013), « Les pastèques du cheikh » (2018), puis vient « Le Challat de Tunis » (2014) Bayar d’Or du Festival du film francophone de Namur, un premier long-métrage qui joue sur la fibre à la fois documentaire et fictionnelle laissant planer une certaine ambiguïté au niveau de la forme lui donnant de la sorte une certaine originalité. « Zeineb n’aime pas la neige», documentaire qui vire vers la fiction, obtient le Tanit d’Or des JCC 2016, suivra « La Belle et la meute » (2017) Prix Louis Lumière et « l’Homme qui a vendu sa peau » (2022) Magritte du meilleur film étranger.
Par ailleurs, il est à rappeler que le budget alloué au cinéma tunisien est assez dérisoire. Le programme national d’aide à la production cinématographique est doté de 4 millions de dinars. Le syndicat des producteurs espère une hausse à hauteur de 7 millions de dinars. L’aide octroyée pour un long-métrage est de l’ordre de 500 mille dinars.