Par notre envoyé spécial Khalil JELASSI
En marge du sommet, le président américain Joe Biden a estimé que l’Ukraine «n’était pas prête» à rejoindre l’Otan, tant que la guerre avec la Russie sera en cours, mais assure que les États-Unis continueront de fournir des armes à Kiev. «Je ne pense pas qu’il y ait unanimité au sein de l’Otan sur l’opportunité d’intégrer ou non l’Ukraine dans la famille de l’Otan, maintenant, en ce moment, au milieu d’une guerre», a-t-il affirmé
C’est à Vilnius, capitale de la Lituanie, que le sommet de l’Otan se déroule les 11 et 12 juillet. Une réunion où la situation en Ukraine a éclipsé tous les autres dossiers. Le sommet a donc pris la forme d’un plaidoyer de l’adhésion à l’Otan de ce pays en conflit avec la Russie. Les dirigeants de l’Otan se réunissent donc pour un sommet annoncé crucial dans ce pays de l’ex-Union soviétique.
La Lituanie était entrée conjointement dans l’UE et l’Otan en 2004. C’est aussi le premier des pays satellites de Moscou à avoir acquis son indépendance vis-à-vis de l’ex-Urss en mars 1990. C’est aux portes donc de la Russie, et affichant un soutien indéfectible à l’Ukraine, que les dirigeants de l’Otan discutent surtout de l’adhésion de ce pays, laquelle, visiblement, n’est pas prévue pour demain. En effet, la situation en Ukraine et son éventuelle adhésion à la plus grande alliance militaire ont été au cœur des discussions préliminaires collectives et bilatérales qui ont démarré hier, mardi, premier jour du Sommet. Le consensus est loin d’être acquis.
L’Ukraine n’est pas prête
Lors d’une conférence de presse, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a annoncé l’accord des différents membres d’adresser une invitation d’adhésion à l’Ukraine, lorsque les conditions seront réunies. « Nous annonçons un package de trois piliers, et c’est très important pour l’Ukraine. Il s’agit en premier lieu de mettre en place un nouveau programme de coopération, ainsi que le lancement d’un conseil Ukraine–Otan, et finalement la suppression de l’étape d’un plan d’action qui était nécessaire à l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan », a-t-il expliqué, sans évoquer explicitement les conditions, se contentant simplement de souligner l’impératif de moderniser les forces ukrainiennes.
L’Ukraine mérite de faire partie de l’Alliance.Pas maintenant, car maintenant, c’est la guerre, mais nous avons besoin d’un signal clair et ce signal est nécessaire dès maintenant, a insisté le président ukrainien Volodymyr Zelensky qui devrait rencontrer aujourd’hui mercredi son homologue américain Joe Biden, avant de faire part de sa profonde déception quant à « l’absence d’un consensus à cet effet ». Les dirigeants des pays membres de l’Otan vont devoir envoyer un message «clair» et «positif» à l’Ukraine dans la perspective d’une adhésion à l’Alliance, a estimé, pour sa part, le secrétaire général Jens Stoltenberg, à l’ouverture du Sommet. «Nous allons envoyer un message clair, un message positif quant à la voie à suivre», a déclaré le responsable norvégien au premier jour du sommet des 31 dirigeants des pays de cette alliance militaire. Si cette éventuelle adhésion est synonyme d’un conflit direct qui opposerait la Russie à l’Otan, le débat entre alliés se corse, quand il a fallu formuler cette promesse d’adhésion.
Paradoxalement, ce sont les Etats-Unis qui s’y sont immédiatement opposés. En marge du sommet, le président américain Joe Biden a estimé que l’Ukraine «n’était pas prête» à rejoindre l’Otan, tant que la guerre avec la Russie sera en cours, mais assure que les États-Unis continueront de fournir des armes à Kiev. «Je ne pense pas qu’il y ait unanimité au sein de l’Otan sur l’opportunité d’intégrer ou non l’Ukraine dans la famille de l’Otan maintenant, en ce moment, au milieu d’une guerre», a expliqué le locataire de la Maison-Blanche, rappelant la détermination de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord à défendre «chaque centimètre» de son territoire
Echanges de bons procédés entre la Turquie et la Suède
Cela n’a pas empêché le président français d’annoncer une nouvelle livraison d’armes lourdes à Kiev. En effet, dès son arrivée, Emmanuel Macron a annoncé au premier jour du sommet de l’Otan que la France allait livrer des missiles longue portée « Scalp » à l’Ukraine. « Nous avons décidé de livrer de nouveaux missiles permettant des frappes dans la profondeur à l’Ukraine », a déclaré Emmanuel Macron à son arrivée sur le site du sommet, à Vilnius, en Lituanie. « Je pense qu’aujourd’hui ce qui est important pour nous c’est d’envoyer un message de soutien à l’Ukraine, d’unité de l’Otan », a-t-il ajouté. Dans un autre contexte, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, n’a pas caché, à l’ouverture du sommet, qu’il attend plus d’argent de la part des pays membres de l’Alliance atlantique.
L’objectif étant que chacun des 31 pays consacre environ 2 % de son Produit intérieur brut (PIB) à la défense. Autre défi majeur, l’adhésion de la Suède. Jusqu’ici réticente, la Turquie a finement accepté lundi de transmettre le protocole d’adhésion de la Suède au Parlement turc «dès que possible», s’est réjoui le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg. Ce dernier pas, celui d’un accord turc, ouvrira les portes à l’adhésion de la Suède à l’alliance militaire. En contrepartie, la Suède a promis de «soutenir activement» les efforts visant à redynamiser le processus d’adhésion de la Turquie à l’UE. La Hongrie doit, elle aussi, encore approuver l’adhésion.
Œil sur les pays du Sud
En marge du sommet, plusieurs briefings ont été faits par de hauts responsables devant les journalistes du monde entier. La Presse a adressé une question à un haut responsable de cette alliance militaire au sujet des relations et de la coopération avec la Tunisie, notamment au vu de la menace terroriste. A cet égard, il a affirmé que ces relations avec notre pays, mais aussi avec les pays du sud, sont très importantes pour l’Otan et celle-ci continue de suivre de près la situation pour développer davantage la coopération bilatérale et faire face aux défis sécuritaires communs, dont notamment la lutte contre le terrorisme. Car, selon ses dires, actuellement, les plus grands défis sécuritaires sont pour l’heure la Russie et le terrorisme. En outre et pour contrecarrer l’influence russochinoise, l’Ot an se tourne vers des pays du Sud, tels que la Tunisie et la Mauritanie. En 2015, la Tunisie est devenue un allié majeur non membre de l’Otan, et ce, suite à une annonce faite au cours de la visite à Washington de l’ancien président de la République, feu Béji Caïd Essebsi. Alors, l’administration US a annoncé que le processus de désignation fait de la Tunisie le 16e allié majeur non membre de l’Otan. Depuis, les relations et les programmes de coopération entre les deux parties se sont intensifiés. En témoignent les manœuvres et les entraînements militaires conjoints organisés périodiquement.
Vilnius, une forteresse !
Pour la petite histoire et pour organiser le sommet, la petite capitale lituanienne, Vilnius, s’est transformée en véritable forteresse. Avions de chasse, batteries, chars… tout a été déployé pour sécuriser la ville. Ainsi de lourds dispositifs sont visibles depuis l’aéroport. Les batteries de missiles étaient visibles par tous les passagers. Cela permettra, selon les responsables de l’Otan, de sécuriser l’espace aérien lituanien au moment de la tenue du sommet. Selon l’agence Reuters, seize alliés de l’Otan ont dépêché, en tout, un millier de militaires pour sécuriser le sommet qui se déroule à 151 km seulement du territoire russe. De nombreux p ays membres, comme la France et l’Allemagne, ont également fourni des systèmes avancés de défense aérienne dont les pays baltes ne disposent pas. «Il serait plus qu’irresponsable de ne pas avoir notre ciel protégé quand Biden et les leaders de 40 pays arrivent», a déclaré le président lituanien Gitanas Nauseda.