Les raisons sous-jacentes de ces renversements brusques et la plupart du temps militaires varient, mais elles sont souvent liées à des problèmes endémiques tels que la corruption, la mauvaise gouvernance, les tensions ethniques, ou encore la quête du pouvoir. Lorsque les institutions démocratiques faiblissent ou échouent, les militaires considèrent parfois l’intervention comme un «devoir patriotique».
L’Afrique, ce continent aux multiples facettes, regorge de richesses naturelles, de cultures diverses, et d’une histoire riche et fort complexe. Pourtant, l’une des menaces qui planent constamment sur sa stabilité politique est celle des coups d’État militaires. Ces événements dramatiques, caractérisés par l’usurpation brutale du pouvoir par des forces armées, ont récemment fait la une des médias internationaux avec le renversement coup sur coup, des présidents Mohamed Bazoum au Niger et Ali Bongo au Gabon. Ces deux chamboulements politiques sont loin d’être des cas isolés dans la longue histoire des coups d’État en Afrique.
Dans ce continent, les coups d’État militaires sont une longue et sombre tradition qui remonte aux premières années de l’indépendance de nombreux pays africains au XXe siècle. Les raisons sous-jacentes de ces renversements brusques et la plupart du temps militaires varient, mais elles sont souvent liées à des problèmes endémiques tels que la corruption, la mauvaise gouvernance, les tensions ethniques, ou encore la quête du pouvoir. Lorsque les institutions démocratiques faiblissent ou échouent, les militaires considèrent parfois l’intervention comme un «devoir patriotique».
La faillite de la «Françafrique»
Cependant, d’autres raisons peuvent expliquer les derniers rebondissements en Afrique, notamment l’effritement des anciennes zones d’influence française, ou ce qui est communément appelé la «Françafrique», un terme évoquant les relations étroites entre la France et ses anciennes colonies africaines. Dirigé pendant un demi-siècle par la dynastie Bongo (Omar, puis son fils Ali) pendant des décennies, le Gabon, pays pétrolifère, y occupe une place centrale.
Omar Bongo, qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant près de 42 ans, a bénéficié du soutien de la France, qui considérait le Gabon comme un allié stratégique en Afrique centrale. Cette relation a été marquée par des investissements français dans le secteur pétrolier notamment, ainsi que par des accusations de corruption, de mauvaise gestion et de pots-de-vin.
L’arrivée au pouvoir d’Ali Bongo, fils d’Omar Bongo, en 2009, a suscité des interrogations sur la pérennité de la dynastie Bongo et sur la continuité de la «Françafrique». Les critiques ont fait ressortir les inégalités économiques persistantes au Gabon et l’absence de véritables réformes politiques. «Quelles que soient les différences entre les coups d’État au Niger, au Mali, au Burkina Faso et au Gabon, la France a toujours défendu des régimes corrompus qui avaient gouverné sous son influence pendant plus de soixante ans», analyse Nizar Makni, journaliste spécialiste des questions internationales.
Selon lui, les révolutions et les changements politiques en Afrique de l’Ouest et dans la région du Sahel pourraient avoir un impact même sur la Tunisie, mais de manière indirecte. Il a souligné que cela dépendrait également de la manière dont la Tunisie traiterait diplomatiquement avec les nouveaux régimes émergents de ces pays.
Makni fait remarquer que le coup d’État au Niger, les menaces d’une intervention militaire de la Cédéao et la disposition des nouvelles autorités au Niger à laisser intervenir le Mali et le Burkina Faso sur son territoire contre les États de la Cédéao étaient des faits préoccupants du point de vue de la sécurité.
Il a averti que cela pourrait exposer l’ensemble de la région à une instabilité sécuritaire. Ce qui aurait pour effets de créer des opportunités pour les groupes terroristes présents dans cette région de se développer et de s’étendre, en particulier vers la Libye, politiquement instable et qui connaît des tensions sécuritaires graves.
Bien manœuvrer sur le plan diplomatique
Sur le plan économique, bien que le commerce bilatéral entre la Tunisie et les pays d’Afrique subsaharienne ne représente que 3%, Makni souligne que toute instabilité sécuritaire pourrait avoir un impact majeur sur ce marché prometteur à moyen et long terme.
Il a noté que de nombreux hommes d’affaires et entreprises tunisiennes avaient fait le choix d’investir en Afrique de l’Ouest, considérée comme un marché prometteur, en particulier après la fin de la tutelle néocoloniale française, qui contrôlait les décisions politiques et économiques de ces régions.
L’universitaire a insisté sur l’importance de préserver les intérêts tunisiens dans ces régions. «Pour y parvenir, dit-il, une diplomatie pragmatique est nécessaire».
Il faudrait, selon notre interlocuteur, éviter d’impliquer la Tunisie dans des affrontements diplomatiques directs avec ces nouveaux régimes et favoriser la participation des entreprises tunisiennes aux investissements dont ces pays auraient besoin, à l’avenir, en particulier, dans la reconstruction, les services et le commerce bilatéral.
Makni exprime également sa préoccupation quant au sort de plusieurs pays qui étaient autrefois sous la domination coloniale française et qui «subissent toujours les politiques néocoloniales françaises».
Il estime que des pays, tels que la Côte d’Ivoire, le Mozambique, Madagascar, et d’autres pays francophones de la Cédéao, sont «susceptibles de connaître des troubles politiques» en raison de la pauvreté et de la grave détérioration des conditions de vie.