Alors que les prochaines exportations prévues d’ici à la fin de l’année sont destinées à la Grande-Bretagne, au Brésil et à l’Indonésie au mois de septembre, d’autres cargaisons vers l’Espagne et la Turquie ainsi que le Sénégal sont au programme. Ce qui ferait un total de plus de 350 mille tonnes exportées. Un chiffre qui n’a pas été atteint depuis 2012, avec le retour des marchés traditionnels et l’ouverture de nouveaux marchés.
C’est une bonne nouvelle pour l’économie tunisienne en quête de diversification des sources de devises. La production de phosphate reprend de plus belle et les exportations augmentent jour après jour. Longtemps considéré comme le troisième poumon de l’économie, le secteur des phosphates a été pénalisé par une nette régression à coups de grèves interminables et au cœur d’un climat social continuellement tendu. Une situation qui a profité aux concurrents de la Tunisie, notamment le Maroc, ayant multiplié ses exportations ces dernières années.
Aujourd’hui, les quantités de phosphate exportées augmentent considérablement suite à la reprise d’un rythme de production soutenu. En effet, les exportations des secteurs des mines, des phosphates et dérivés ont enregistré une hausse de 37,5% à fin août 2023, par rapport à la même période de l’année 2022, selon les chiffres publiés récemment par l’Institut national de la statistique (INS). De même, ces chiffres montrent que les exportations des industries manufacturières diverses et celles des industries agricoles et agroalimentaires ont également augmenté respectivement de 12,5% et 3,9%.
La Compagnie des phosphates Gafsa (CPG) ne cesse de marquer des points et d’enregistrer ces derniers mois de belles performances à l’exportation vers d’anciens et de nouveaux marchés. Ainsi, la CPG a réussi à exporter 158 mille tonnes de phosphate commercial jusqu’à fin juillet vers différents pays tels que l’Italie, l’Espagne, le Pérou, la Turquie ou la France.
Alors que les prochaines exportations prévues d’ici à la fin de l’année sont destinées à la Grande-Bretagne, au Brésil et à l’Indonésie au mois de septembre, d’autres cargaisons vers l’Espagne et la Turquie ainsi que le Sénégal sont au programme. Ce qui ferait un total de plus de 350 mille tonnes exportées. Un chiffre qui n’a pas été atteint depuis 2012, avec le retour des marchés traditionnels et l’ouverture de nouveaux marchés comme ceux du Pérou, de l’Indonésie, de la Grande-Bretagne et de l’Espagne.
Augmentation de la demande internationale
Mais comment expliquer la reprise de ce secteur hautement générateur de devises et de recettes pour l’Etat après une décennie marquée par une production désespérément à l’arrêt ?
L’économiste Ali Sanhaji explique qu’outre la nette amélioration du climat social dans le bassin minier, cette reprise remarquable des exportations de phosphate est due à une augmentation de la demande internationale. Celle-ci est également liée à la modernisation des opérations de chargement automatique des wagons de transport. «Le phosphate pourrait générer des revenus d’environ 2 milliards de dollars par an, soit la même valeur que le prêt que la Tunisie envisage d’obtenir du Fonds monétaire international», a-t-il fait remarquer à La Presse. Et d’ajouter que la reprise de la production de phosphate nécessiterait la reprise du travail dans toutes les zones de production de la région minière et l’éradication des manifestations qui avaient entraîné l’arrêt de l’activité dans plusieurs zones au cours des dernières années.
Autant dire également qu’un programme de modernisation des capacités de la société en question, qui a coûté quelque 110 millions de dinars, s’est favorablement répercuté sur sa productivité.
Vers un transport hydraulique
Si ces rentrées d’argent sont versées dans les caisses de l’Etat en crise, elles doivent être renforcées par des mesures efficaces pour répondre à une demande internationale de plus en plus croissante. L’amélioration des opérations de transport du phosphate par voie ferrée, comme cela avait été souligné par le Président de la République lors d’un Conseil de sécurité national, explique cette augmentation des exportations. N’empêche qu’une nouvelle modernisation de ces méthodes de transport augmenterait la rentabilité de ce secteur. C’est dans ce contexte que la CPG et la Société financière internationale (SFI), membre du Groupe de la Banque mondiale, ont signé, dernièrement, un accord de financement d’une étude relative à un projet intégré de transport hydraulique du phosphate commercial. Ce projet vise l’approvisionnement régulier en eau industrielle des usines de la CPG en phosphate commercial et des laveries de la compagnie ainsi que des laveries programmées à l’avenir.
Il comporte aussi un réseau de pipeline et d’ouvrages pour assurer le transport hydraulique de phosphate depuis le site de rassemblement à Métlaoui jusqu’aux usines de la CPG à Gabès et Skhira, avec une capacité d’approvisionnement annuelle d’environ 10 millions de tonnes de phosphate commercial.
A quoi sert le phosphate ?
Mais à quoi sert concrètement cette matière ? Le phosphate est principalement employé comme matière première dans la fabrication de l’acide phosphorique, des engrais minéraux et d’autres dérivés du phosphate. Il est également utilisé dans l’industrie pharmaceutique et autres industries chimiques, mais l’agriculture demeure sa principale utilisation.
Sauf que les phosphates tunisiens présentent des qualités uniques au monde. Le phosphate de Gafsa, qui est destiné à l’application directe, possède le pouvoir exceptionnel de fertiliser la plante par épandage direct avec un très bon rendement. Ses qualités propres sont la réactivité, la tendreté, la surface spécifique, la solubilité ainsi que son assimilation rapide par les plantes.
Le phosphate naturel du bassin minier de Gafsa est du type sédimentaire. Il s’agit d’une fluoroapatite carbonatée qui tient sa source des dépôts sur fond marin, généralement formés en zone côtière peu profonde. La Tunisie est pionnière à l’échelle internationale dans le domaine du phosphate naturel et des engrais minéraux. Cette activité remonte, dans notre pays, à plus d’un siècle. Selon le site de la CPG, c’était en avril 1885, lors d’une prospection dans la région de Metlaoui, que le géologue français Philippe Thomas a découvert des couches puissantes de phosphates de calcium au niveau de Jebel Thelja.
D’autres prospections géologiques et des explorations de grande envergure ont suivi cette découverte décisive. Celles-ci ont révélé l’existence d’importants gisements de phosphate dans l’actuel bassin minier. A partir de 1896, date de création de la Compagnie de phosphate et des chemins de fer de Gafsa, une nouvelle activité industrielle des phosphates a vu le jour dans le pays. Les premières excavations ont commencé dans la région de Métlaoui vers 1900.
Avec une expérience centenaire dans l’exploitation et la commercialisation des phosphates tunisiens, la CPG figure parmi les plus gros producteurs du monde. Elle occupait, avant la révolution, le 5e rang à l’échelle mondiale avec une production excédant 8 millions de tonnes de phosphate marchand en 2007. Question : la Compagnie est-elle en passe de rattraper son retard ?