Le 14 octobre 1964, cela fait déjà cinquante-neuf ans et l’année prochaine on fêtera le soixantième anniversaire des premières médailles olympiques remportées par la Tunisie indépendante.
Ce furent deux médailles acquises le même jour par Mohamed Gammoudi en fin d’après-midi ( à Tokyo) et la seconde quelques heures plus tard, par feu Habib Galhia en boxe. Depuis, il a fallu attendre trente six ans pour voir le drapeau tunisien grimper à un mât olympique, grâce au prodige Oussama Mellouli, qui a été sacré en 2008 après sa victoire aux 1.500 mètres nage libre à Pékin. A Mellouli, succédera dans ce très haut niveau Ayoub Hafnaoui, lui aussi champion du monde et Olympique. Depuis, la Tunisie, bénie par les dieux du stade qui protègent ses générations spontanées lesquelles dénotent d’ailleurs l’existence d’un potentiel énorme, dans presque tous les sports individuels et spécialités, est devenu un pays qui vient déranger régulièrement la quiétude des grandes nations du sport. C’est ainsi qu’en mars 2016, Habiba Ghribi est championne du monde en 2011 et championne olympique en 2012 sur le 3.000 m steeple. Le judo, la lutte, l’escrime suivront.
Une pensée bien spéciale
Mais en ce 14 octobre, nous ne pouvons avoir qu’une pensée bien spéciale pour deux des plus méritants des sportifs tunisiens. Ils ont ouvert la porte. Ils ont mis le sport tunisien sur l’orbite internationale. Ils ont soufflé dans l’oreille des organisateurs internationaux qu’il fallait toujours avoir le drapeau tunisien sous la main !
Commençons par celui qui n’est plus là et pour lequel nous aurions une pensée bien spéciale : feu Habib Galhia. Ce natif de Kairouan (cette ville a fourni d’autres champions de grande valeur pour le sport tunisien dont Habiba Ghribi) n’a jamais pensé devenir boxeur. Bagarreur dans l’âme, craint par ses camarades du même âge ou par ceux qui pensaient qu’ils lui étaient supérieurs, il a mis du temps pour accepter de monter sur le ring et enfiler des gants de boxe. Depuis, il a fait parler la foudre en remportant la majorité de ses rencontres par KO.
Une belle carrière, en dépit de moyens très limités, il finira par remporter cette médaille de bronze olympique, qui aurait pu être d’un métal plus précieux, n’étaient les «jonglages» des jurys qui se sont arrangés pour déblayer le terrain à leurs protégés. Feu Habib Galhia est quand même entré dans l’histoire du sport international. Son pays, malheureusement pour lui et pour beaucoup d’autres, ne reconnaîtra pas, comme il se doit, cette prouesse. Il passera le reste de sa vie dans un inconfort indigne d’un champion olympique, un élément d’élite, pour lequel les pays qui savent ce que signifient ces titres suprêmes veillent en mettant leurs champions à l’abri du besoin. Il a vivoté avec 170 dinars/ mois, de quelques autres subsides et il a essayé avec succès de transmettre son savoir-faire en prenant en charge des équipes de boxe, mais cela n’a pas résolu ses problèmes et ses besoins pour vivre décemment. Il a été certes pris en charge par le MJS lors de sa maladie, mais avait des difficultés énormes au point de rentrer dans un mutisme qui a précipité sa perte. Ni le Cnot n’a fait convenablement son devoir vis-à-vis de lui, ni le MJS, ni la FTB ne l’ont réellement assisté lorsqu’il en avait besoin. Né à Kairouan le 14 mai 1939, il décédera le 25 décembre 2011.
L’image de marque, la légende
Mohamed Gammoudi est un homme entré dans la légende de son vivant. Champion dans l’âme dès ses débuts en 1962, Mohamed Gammoudi, militaire de carrière et pur produit d’un encadrement tunisien, va définitivement entrer dans la légende en 1968 lors des Jeux olympiques d’été de Mexico.
Il a tout remporté : l’or, l’argent, le bronze, l’estime et le respect de ses adversaires et de tous les Tunisiens. Pour ce natif de Sidi Aïch, tout a commencé aux JO en 1964 à Tokyo où il a terminé le 10.000 m à la 2e place derrière l’Américain Billy Mills. Il aurait pu faire mieux, parce qu’il avait encore les moyens physiques de le faire, mais il n’a pu voir débouler son adversaire direct. Avec un chrono de 28 mn 24s 8, le Tunisien réussit l’exploit de devancer l’Australien Ron Clarke, recordman d’alors et champion olympique de la distance. C’était, chronologiquement, la toute première médaille olympique dans l’histoire de la Tunisie moderne. Feu Habib Galhia, quelques heures plus tard, doublera la mise, le même jour. Et cela a permis de mettre le sport tunisien sur orbite. Quatre ans plus tard, il prend part aux JO de Munich. Il accentua la pression des athlètes africains qui s’étaient emparé des longues distances. En 13 mn 27 s 33, il enlève la médaille d’argent du 5.000 m. Mais le natif de Sidi Aïch n’était pas un athlète comme les autres. Il ira chercher une médaille olympique de bronze sur 10.000 mètres (29 mn 34 s 2) à Mexico en 1968 le 13 octobre et une médaille d’or olympique sur 5.000 mètres (14 mn 05 s 0) le 17 du même mois. Un exploit que ce doublé vertigineux qui propulse Mohamed Gammoudi dans la légende de l’athlétisme mondial. Longue vie à Mohamed Gammoudi, un exemple toute sa vie et il le restera dans les cœurs de tous les fans de l’athlétisme mondial et tunisien. Gaston Roelants, champion olympique du 3.000 m steeple hommes, rencontré au Cross du Rudé Pravo à Prague en 1972, nous avait confié «Contentons-nous de le considérer comme un exemple pour tous ceux qui aiment le sport. C’est un très bon ami et un adversaire loyal».
C’est tout dit.