Moyen-Orient, guerre et rapports de force : Quelles leçons en tirer ?

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Ce qui se passe en Palestine depuis plus d’un mois et les postures de certaines grandes puissances comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne entre autres confirment un fait avéré : elles ignorent les scrupules dès lors qu’elles estiment que leurs intérêts vitaux sont en jeu.

Encore une fois, l’histoire et son cours tumultueux le prouvent. Les rapports entre les États, les nations et les puissances obéissent beaucoup plus aux considérations stratégiques qu’aux idéaux. En témoigne la guerre d’extermination menée par l’État sioniste contre la Bande de Gaza et d’autres régions palestiniennes.

Les attitudes de la plupart des grandes puissances occidentales le disent d’une manière ou d’une autre : la civilisation mécanique semble avoir atteint son dernier degré de sauvagerie.

Il y a plus de trois décennies, historiens, analystes et spécialistes des relations internationales assuraient que les guerres classiques et l’affrontement entre les différentes puissances ont pris fin. Ils laissaient néanmoins entendre que les guerres futures allaient être et seront d’ordre économique et numérique.

Sauf que l’histoire a encore une fois prouvé qu’elle n’est qu’un éternel recommencement. Et la guerre, au sens propre du mot, se déroule en Ukraine et maintenant en Palestine et se mue en génocide orchestré par plusieurs grandes puissances contre des civils. Leur sang est le prix de la résistance légitime pour défendre et récupérer leurs terres colonisées.

Le monde est, par conséquent, divisé sur la question palestinienne et les conflits opposant les grandes puissances menacent de dégénérer en guerre ouverte.

En d’autres termes, l’on vit, aujourd’hui, dans un monde où la course aux armements a repris de plus belle, la surenchère nucléaire se poursuit, les interventions militaires et attentats terroristes se multiplient, la technicisation des combats va croissant et « le dérèglement climatique fait entrevoir l’imminence d’une guerre contre la nature ». Et pourtant, l’on continue à croire, à tort, en Tunisie, que l’on vit dans un monde totalement apaisé et que l’on est loin de la zone de turbulences, critique l’expert des relations internationales Mohamed Najar.

La moindre faiblesse rend vulnérable

Interrogé par La Presse, l’universitaire reproche aux élites tunisiennes une grande passivité qui n’aide pas les Tunisiens à mieux comprendre le monde qui les entoure.

« En présence d’élites passives, de médias qui versent dans le sensationnel, qui va analyser et expliquer aux Tunisiens le monde  et les bases des relations internationales ? Les États coexistent de nos jours dans un monde dépourvu d’une autorité suprême capable d’arbitrer les parties en conflit et protéger les uns contre les autres ? », détaille le géopoliticien.

Selon lui, les Tunisiens qui continuent à s’enliser dans des luttes intestines sont aujourd’hui appelés à rompre avec cette pratique suicidaire qui n’a fait que ternir l’image du pays depuis maintenant plus d’une décennie. À tous les niveaux de la société, les Tunisiens devront réaliser que la moindre faiblesse les rend vulnérables et dépendants davantage des rapports de force à l’international.

« Ne perdons pas de vue que les relations entre les puissants de ce monde sont fondamentalement assujetties au principe de compétition. N’oublions pas, de surcroît, que dans la théorie du réalisme, la guerre représente un instrument de gouvernance parmi d’autres, auquel les États recourent pour consolider leur position stratégique. Ce que font les États-Unis dans la guerre qui secoue le Moyen-Orient en est la parfaite illustration. Ils s’inscrivent dans la logique de Carl von Clausewitz qui a dit que « la guerre est une simple continuation de la politique par d’autres moyens ».

Appelant les Tunisiens à tirer les leçons des crises successives qu’a connues le monde ces dernières années, notamment guerres et pandémies, Najar insiste sur l’importance de valoriser le travail pour renouer avec les fondamentaux tunisiens. Lesquels fondamentaux privilégient l’investissement en l’homme pour réussir à se faire une place dans l’une des coalitions mondiales et s’assurer ainsi une bonne protection.

Renouer avec les fondamentaux tunisiens pour déjouer les pièges de l’Histoire

De l’avis du spécialiste des civilisations modernes, Moez Haddad, il s’est avéré qu’à travers l’Histoire les États autoritaires et les démocraties libérales ont souvent pu mettre en péril l’ordre mondial fondé sur le droit et constituer ainsi un grand obstacle à la paix.

« Ce qui se passe en Palestine depuis plus d’un mois et les postures de certaines grandes puissances, comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne entre autres confirment un fait avéré : elles ignorent les scrupules dès lors qu’elles estiment que leurs intérêts vitaux sont en jeu. Les États-Unis et leur alignement derrière l’État sioniste dans sa guerre d’extermination contre les Palestiniens rappellent les noires péripéties de l’Histoire des Américains. Au cours des 18e et 19e siècles, ils se sont assidûment employés à asseoir leur hégémonie sur le continent américain au prix de millions de vies fauchées. Lorsqu’ils ont attaqué la Yougoslavie en 1999 et l’Irak en 2003, après avoir fomenté une guerre civile sanglante au Nicaragua durant les années 1980, ils transgressaient perpétuellement le droit international.

On doit méditer cela et en tirer les leçons », préconise l’universitaire.

Les leçons à tirer par les Tunisiens de ce parcours tumultueux d’une Histoire tourmentée  et afin de se protéger contre les aléas d’un monde incertain et de préserver leur pays, les Tunisiens sont appelés à renouer avec leurs fondamentaux, notamment la liberté, l’efficacité technique et le collectif. Ils doivent tirer les leçons d’un contexte international délétère qui a encore une fois confirmé qu’en relations internationales, la moindre faiblesse rend vulnérable.

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