Pourquoi la Croissance ne décolle pas ? | Faouzi Ben Abderrahman, ancien ministre de la formation professionnelle et de l’emploi à La Presse : «Nous avons les conditions et les moyens de réussir»

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Un nouveau modèle de développement est avant tout un modèle pour la création d’une richesse nationale suffisante, inclusive et durable avec pour objectif le citoyen. Tout devrait être conçu et exécuté pour le citoyen. Ainsi, la création de richesse n’est utile ni durable que si son impact sur le niveau de vie du citoyen, ses revenus, sa qualité de vie, son éducation, son système de soins et son épanouissement sont au centre du débat.

Pourquoi la croissance n’a pas évolué depuis 2011? Quel scénario proposez-vous pour stimuler la croissance en Tunisie ?

Depuis 2011, les équilibres fragiles qui étaient en place se sont effondrés. La situation économique avant 2011 n’était pas glorieuse malgré la croissance soutenue qui était constatée. Cette croissance n’était pas inclusive, cachait un certain nombre de fragilités qui sont apparues après la révolution : tissu économique fragile, peu d’innovation, chômage de diplômés endémique, économie d’Etat et de rente, déséquilibres régionaux, taux de pauvreté et de précarité élevés, inégalités, corruption. Depuis 2011, la question économique et donc sociale (et qui était à l’origine de la révolution) n’était pas dans la priorité des élites politiques. Depuis 2011 à nos jours, la question économique n’a eu que peu d’intérêts (on la discutait au moment du vote de la loi de finances), tous les plans de réforme publiés sont ceux de l’administration tunisienne et qui n’émanent nullement d’une vision politique prospective et dressant les vrais obstacles pour la création de richesse dans notre pays. Le constat est amer car, depuis 70 ans, et à part trois courtes éclaircies dans cette histoire, la Tunisie n’a pas été capable de créer une richesse.

Quels sont les ajustements qui doivent être opérés pour accroître la croissance en cette conjoncture difficile ? Redresser la barre prendra du temps et coûtera cher à la population ?

Il s’agit, tout d’abord, de connaître et comprendre les causes de l’échec collectif à créer cette richesse nationale ayant ces trois critères importants : une richesse suffisante (3 fois la richesse actuelle), inclusive (incluant toutes les classes sociales, toutes les générations et toutes les régions du pays) et durable (qui se renouvelle périodiquement pour ne pas s’essouffler). Il faut donc connaître les obstacles structurels du pays dans un premier temps, ensuite mettre en œuvre un plan global pour y remédier. Parmi les causes principales de l’échec dans la création de la richesse, je voudrais citer les plus importantes à mon avis et d’après mon analyse : la politique foncière qui ne permet pas un accès à la propriété créant la richesse (ceci nécessite un large développement et un grand débat), la politique visionnaire d’aménagement du territoire et urbain créateur de richesse, une économie non structurée et non formalisée…

Des politiques sectorielles manquant d’ambition (agriculture, industrie, services). Ainsi, ce diagnostic donne les axes majeurs des ajustements nécessaires, mais ce qui reste le plus primordial et le plus important est de donner au pays une vision stratégique et surtout une ambition partagée.

En ce qu’il va façonner la Tunisie de demain en prônant une profonde transformation structurelle de l’économie nationale, le nouveau modèle de développement ratisse large et touche tous les secteurs économiques et sociaux. Dans ce cadre, les attentes sont nombreuses, tellement nombreuses qu’il faut redéfinir les priorités. Qu’en pensez-vous?

Un nouveau modèle de développement est avant tout un modèle pour la création d’une richesse nationale suffisante, inclusive et durable avec pour objectif le citoyen. Tout devrait être conçu et exécuté pour le citoyen. Ainsi, la création de richesse n’est utile ni durable que si son impact sur le niveau de vie du citoyen, ses revenus, sa qualité de vie, son éducation, son système de soins et son épanouissement sont au centre du débat. Nous avons un long chemin à parcourir, mais nous avons les conditions et les moyens d’y réussir au vu des avantages que nous avons.

Quels sont les grands chantiers et les priorités de l’Etat pour les années à venir pour stimuler l’activité économique et restaurer l’équilibre du budget de l’Etat ?

Nos problèmes économiques majeurs sont : la dette, le financement de la compensation, l’équilibre du budget et la charge des salaires dans la fonction publique. Ce sont des questions sérieuses bien entendu, mais ne sont que les symptômes de dysfonctionnements beaucoup plus graves et plus structurels que connaît notre économie. Rétablir la confiance est le préalable à toute action politique et surtout économique. Commençons par là.

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