On a beau vanter le marché africain et les opportunités qu’il promet. On le présente, d’ailleurs, comme l’eldorado des entreprises qui regardent ailleurs, et qui sont en quête de nouveaux horizons. Pour beaucoup d’entre elles, il constitue l’espace vital qui leur permettra de grandir et de croître. Mais entre les discours débités par les divers acteurs économiques et la réalité, il y a un gap. Il y a des écueils à surmonter, des besoins de financement à assurer, des lignes aériennes et maritimes à déployer … Bref, il y a tout un tas de difficultés qu’il est difficile de faire disparaître en un claquement de doigts. Mais une chose est sûre, la volonté de miser sur ce marché qui regorge de potentialités ne manque pas.
En rejoignant la Zlecaf — la zone continentale africaine de libre- échange —, la Tunisie montre patte blanche et marque son véritable engagement, sur un marché où la concurrence est féroce, et ce, bien entendu, dans un esprit gagnant-gagnant. Sur le long terme, c’est la panacée pour les PME tunisiennes: diverses études ont montré que la Tunisie figure parmi les pays où les retombées positives de cette intégration continentale se feront particulièrement sentir. “A moyen et long terme, la Zlecaf est la solution pour tous les pays africains, dont particulièrement la Tunisie. Car les études, qui ont été réalisées par divers organismes internationaux, ont révélé que cet accord sera bénéfique, certes, pour tous les pays africains, mais à des degrés différents. La Tunisie figure dans le peloton de tête des pays qui en tireront le plus profit, car c’est une économie plus ou moins diversifiée”, a fait savoir Chawki Jaballi, conseiller au secrétariat de la Zlecaf, dans un entretien accordé à La Presse. Évoquant l’initiative du commerce guidé qui a été lancée par le secrétariat de la Zlecaf pour accompagner les pays africains dans la réalisation des premières opérations d’exportation dans le cadre du régime de libre-échange, Jaballi a affirmé que l’implémentation de l’accord et le démantèlement des barrières tarifaires seront progressifs. A ce jour, le taux d’avancement de la mise en œuvre de l’accord est estimé à 5% seulement. L’intégration continentale n’est pas en train d’avancer avec la cadence souhaitée, affirme-t-il.
Un rôle d’appui et d’accompagnement
Par ailleurs, l’expert a souligné que la Zlecaf — bien qu’ayant un rôle d’appui et de conseil— peut contribuer à l’amélioration de la logistique et du transport sur le continent. Dans le cadre de ces efforts, elle vient de lancer un programme intitulé “approche corridor”, qui vise à évaluer les principales autoroutes qui relient les capitales africaines. “ C’est dans le cadre de cette évaluation, qu’on a effectué, au mois d’août dernier, des visites de terrain aux ports tunisiens et algériens. Nous avons fait le trajet Tunis – Ras Jedir en empruntant la route terrestre puis nous avons bifurqué vers les frontières algériennes que nous avons passées pour nous rendre à Alger. L’objectif de cette mission était d’évaluer l’infrastructure routière et portière afin d’apporter le soutien nécessaire aux pays africains dans les domaines de la logistique et du transport”, a-t-il indiqué.
Il a ajouté que le rôle de la Zlecaf n’est pas de construire des routes, puisque ces mégaprojets sont coûteux et souvent financés par les bailleurs de fonds, mais d’accompagner d’autres projets visant à améliorer les services et la performance dans ces deux domaines tels que la digitalisation des postes frontaliers et la mise en place d’une interconnexion entre les systèmes douaniers des pays limitrophes. “L’objectif est de faciliter le transit douanier. Les résultats de cette mission peuvent servir de base à d’autres projets et constituer des éléments de conviction aidant à mobiliser les bailleurs de fonds. D’ailleurs, l’amélioration du fonctionnement du poste frontalier Ras Jedir est un projet qui a été retenu et qui va faire l’objet d’un plaidoyer auprès des bailleurs de fonds. Grâce à cette évaluation, nous avons décelé plusieurs lacunes. Et la douane tunisienne appelle de ses vœux une amélioration de la performance de ce poste. Des propositions ont été, à cet effet, formulées. Parmi lesquelles, on cite, la création de nouvelles lignes visant à fluidifier le trafic des voyageurs et des biens”, a-t-il précisé.
Sortir de sa zone de confort pour donner des ailes aux entreprises
Interrogé au sujet du financement des exportations vers l’Afrique, Jaballi a souligné, que de par son expérience avec les entreprises tunisiennes, le financement figure parmi les difficultés récurrentes auxquelles elles sont confrontées. Toujours en se référant au feedback des entrepreneurs, le conseiller estime que la première mesure à prendre pour faciliter l’accès des sociétés aux marchés africains serait la révision du code des changes. “ Plusieurs entreprises appellent à l’assouplissement de la réglementation des changes, et ce, au niveau du transfert des devises mais également pour le paiement des importations et l’investissement à l’étranger”, a-t-il affirmé. Selon ses dires, le secteur bancaire a aussi un rôle crucial à jouer en termes d’accompagnement financier. “La présence de filiales de banques tunisiennes implantées en Afrique est pratiquement le souhait de toutes les entreprises tunisiennes qui s’orientent vers l’Afrique. Les banques doivent également être, engagées dans cette entreprise et encourager l’export en ouvrant des lignes de crédit qui peuvent être, par ailleurs, mises en place, de concert avec leurs partenaires”, a-t-il affirmé.
Jaballi estime que les banques doivent intégrer, dans leurs stratégies de développement, ce volet relatif au marché africain qui représente l’avenir des entreprises tunisiennes, et, par conséquent, leur propre avenir. “Les pays africains peuvent compter sur des partenaires, tels que l’Afreximbank qui est une banque panafricaine basée en Egypte et dont la Tunisie est membre. Elle est l’une des plus importantes banques qui appuient le projet Zlecaf et qui mettent le paquet sur l’Afrique en finançant les activités d’importation et d’exportation sur le continent. Elle met à disposition des banques commerciales des produits financiers appropriés à ces activités”, a-t-il révélé.
Et de conclure: “En ce qui concerne le financement, les banques sont appelées à sortir de leur zone de confort. Si une banque tunisienne voit grand et se donne les moyens de ses ambitions et aspire à être présente sur le continent, elle peut être le bras financier des entreprises qui exportent vers les marchés africains”.