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Commentaire | France : la macronie est-elle à l’agonie ?

 

Manifestement, le baptême du feu du jeune vizir français Gabriel Attal à Matignon n’est guère de tout repos. Après les polémiques autour des ministres de la Culture Rachida Dati et de l’Éducation nationale et de la Jeunesse de France, Amélie Oudéa-Castéra, le nouveau Premier ministre du président Emmanuel Macron fait face depuis plus d’une semaine à la colère de la «nation agricole».

Jachère, pesticides, règles sur l’eau, normes environnementales, autorisations administratives, prix du gazole non routier (GNR), les projets d’accords de libre-échange, notamment entre l’Union européenne et le Mercosur, qui regroupe des puissances commerciales d’Amérique du Sud, et auquel s’oppose une large part de la classe politique française, etc. : tels sont les points de discorde qui ont déclenché en Occitanie, puis, dans plusieurs régions de l’Hexagone, des opérations coup de poing — des agriculteurs ont mis le feu devant l’édifice de la préfecture d’Agent et l’ont aspergé de lisier — et des blocages d’autoroutes, notamment dans le Sud, par le biais de pneus et d’engins agricoles, soutenus par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (Fnsea) et les Jeunes Agriculteurs (JA), la Coordination rurale (les fameux «Bonnets jaunes», plus radicaux) et la Confédération paysanne (troisième syndicat d’agriculteurs).

Près de 200 tracteurs ont envahi mercredi matin la rocade de Bordeaux, axe névralgique entre Paris et l’Espagne.

Certes, les éleveurs et cultivateurs français n’ont pas tous les mêmes doléances, mais partagent un même désarroi sur l’avenir de leur gagne-pain, déchirés entre leur aspiration à produire sans se faire plumer et à exporter loin de toute concurrence déloyale, et l’obligation de se plier à des contraintes écologiques et environnementales pour diminuer leur impact sur le climat et surtout la biodiversité.

Cette première crise sociale de la ruralité a poussé le nouveau chef du gouvernement à se déplacer, hier, en Haute-Garonne (sud-ouest), où a commencé, à Carbonne, le premier blocage d’autoroutes il y a une semaine, pour annoncer dix mesures de «simplification immédiates» et répondre à la grogne des agriculteurs.

Parmi les annonces les plus importantes de Gabriel Attal, la fin de la «hausse du gazole non routier », ou la « mise en place de sanctions très lourdes» contre des entreprises qui ne respectent pas la loi Egalim.

Évoquant un «mois de la simplification» d’ici au Salon de l’agriculture, qui s’ouvre fin février, le Premier ministre a parlé notamment les «curages» des cours d’eau agricole ou les délais de recours contre les projets agricoles.

Tels les jets d’eau d’un sapeur pompier, les annonces du locataire de Matignon ont éteint le feu du courroux de la majorité des agriculteurs en furie.

Tout porte à croire que Gabriel Attal a réussi son premier grand test, même si les «Bonnets jaunes» de la Coordination rurale ont affiché leur insatiété.

Dans un autre registre et pas le moindre, les «Sages» du Conseil constitutionnel ont censuré, avant-hier, totalement ou partiellement, 35 des 86 articles du projet de la loi immigration.

La plupart des mesures irritantes pour la macronie (camp présidentiel) n’ont pas passé le « firewall » (pare-feu) des neuf juges du Conseil saisis sur ce texte controversé, voté fin 2023 avec l’appui du Rassemblement national et des élus LR (Les Républicains).

Très décriée, la «mesure allongeant la durée de résidence exigée pour que des non-Européens en situation régulière puissent bénéficier de certaines prestations sociales» (APL, allocations familiales…) a finalement été totalement censurée.

Idem pour le «resserrement des critères du regroupement familial» (avec une durée de résidence requise passant de 18 à 24 mois), l’«instauration d’une ‘caution retour’ pour les étudiants étrangers» ou la «fin de l’automaticité du droit du sol pour les enfants d’étrangers nés en France».

La mise en place de «quotas migratoires annuels » déterminés par le Parlement après un débat obligatoire, elle, a été jugée inconstitutionnelle, ce qui fera jurisprudence.

«Le Conseil constitutionnel valide l’intégralité du texte du Gouvernement», s’est réjoui le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur X, ajoutant que l’exécutif «prend acte (…) de la censure de nombreux articles ajoutés au Parlement, pour non-respect de la procédure parlementaire».

A droite, le patron des Républicains (LR), le très conservateur Eric Ciotti, pense qu’«une réforme constitutionnelle apparaît plus que jamais indispensable pour sauvegarder le destin de la France !»

Alors que le président du RN Jordan Bardella a condamné «un coup de force des juges, avec le soutien du président de la République lui-même». «La loi immigration est mort-née. La seule solution, c’est le référendum sur l’immigration», a-t-il martelé.

A gauche, le coordinateur de l’équipe opérationnelle de la France Insoumise (LFI), Manuel Bompard, est convaincu que la loi tout entière doit désormais être retirée.

Cette décision a non seulement rebattu assez largement les cartes, avant la promulgation du texte par Emmanuel Macron, mais affaiblit la majorité parlementaire du camp présidentiel à l’hémicycle.

Entre le conflit social sous l’étendard du monde paysan et les crispations politiques autour du projet de la loi immigration, le deuxième quinquennat du président Macron va-t-il finir en queue de poisson ? La macronie est-elle à l’agonie ? Wait and see…

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