Sortie de «Mouvema», documentaire d’Inès Ben Othman : Les «Ultras», des graines d’artistes

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documentaire mouvma

 

Avec « Mouvema », Inès Ben Othman est de retour sur un terrain qu’elle connaît bien: le monde des « Ultras ». En 2016, elle réalise « Attitude », documentaire de 52 minutes qui raconte la relation conflictuelle entre les « Ultras » et la police  . «Mouvema», le nouveau long métrage documentaire de 70 minutes, s’intéresse plutôt aux chansons, non pas ceux que les supporters scandent dans les virages, mais plutôt d’autres formes de chants toujours contestataires qui dénoncent l’injustice sociale revendiquant la dignité et la liberté.

Les intentions de la réalisatrice sont louables. Porter un regard loin des virages et des «Ultras » qu’on qualifie souvent d’adeptes de la violence et de la contestation, prêts à semer la pagaille dans les stades, est une bonne initiative de la part d’Inès Ben Othman qui a décelé le côté artistique de quelques « Ultras », auteurs de chansons, qu’elle surnomme des « poètes » et leur a donné la possibilité de s’exprimer en les suivant dans leur processus de création.

Dans ce long métrage documentaire « Mouvema », la réalisatrice essaie d’éviter les clichés et d’aborder la question de la création des « Ultras » en faisant appel à des protagonistes de différents clubs de football des régions de Tunis, Bizerte, Sousse et Sfax et en les filmant dans leur fief. Loin, donc, de l’ambiance explosive des stades et des gradins, il n’est jamais question de foot, le film regarde du côté musical et des relations qui peuvent lier les « Ultras ».

Immersion dans un univers marginalisé

En arrière-plan, le film fait un survol sur la misère sociale qui se dessine par moments dans une société frappée par le chômage et la précarité. Le documentaire s’ouvre sur une série de plans de SDF, ces marginaux, qui passent leur nuit sur le bitume des trottoirs de l’artère principale de l’avenue Bourguiba, et ce, depuis une dizaine d’années environ après la révolution du 17 déc/ 14 jan 2011.

Par ailleurs, le film s’attache à mettre en valeur le mode de vie des « Ultras », leur fraternité, l’amitié et la solidarité qui règnent dans les quartiers où ils vivent. La caméra les suit dans leur quotidien entre café où ils se réunissent ou dans des taudis refuges dans lesquels ils s’échappent parfois de la police qui les guette. C’est ce qui est mis en évidence dans ce film où tout n’est pas à 100% parfait. Il faut reconnaître que la cadence est lente avec des scènes répétitives à tel point qu’on se demande où le documentaire veut nous conduire.

Mais pour un premier long métrage qui a nécessité 4 années de travail et d’acharnement pour convaincre les protagonistes à participer à cette aventure, on ne peut être qu’indulgent sur quelques maladresses au niveau du scénario et du montage. En fait, il n’est pas du tout évident pour une femme d’approcher le monde masculin du foot. Inès Ben Othman a eu le mérite, grâce à sa volonté et sa détermination, de convaincre l’un des aficionados qui lui a ouvert la voie.  L’intérêt ici est de dépeindre, dans des villes et des quartiers défavorisés, la fibre artistique de certains « Ultras » capables de créer des chansons à partir de rien, et ce, tout juste pour l’amour de leur club favori. Cet ancrage dans la réalité est intéressant même si le film manque d’ampleur.

Ces graines d’artistes filmées souvent de ¾ ou de dos parce que voulant garder l’anonymat qui, malgré leur marginalisation, ont la volonté de s’exprimer par le chant et la musique. En suivant leur vécu, le film raconte l’histoire d’une identité et déborde la question sportive pour nous conduire dans le milieu de la création qui a ses règles et ses contraintes. Et pour donner un sens à ce parcours, Inès Ben Othman finit par réunir ensemble les personnages du film dans un seul espace pour créer une chanson qui sera le climax de ces rencontres. Comme quoi, la marginalité est un vecteur de création et que le cinéma reste l’un des meilleurs moyens de porter haut la voix de ces « poètes pas comme les autres ».

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