Aubaine pour l’économie d’une façon générale, Ramadan, tel que compris par les masses, s’accompagne, en effet, d’une augmentation notable de la consommation. Alimentation, transport, habillement, cuir et chaussures, bijouterie, jouets, médias audiovisuels (Pub) y trouveront leurs comptes. La consommation de denrées alimentaires peut atteindre, pour sa part, les 35%, avec des augmentations spectaculaires pour certaines d’entre elles, telles que le pain, les œufs, le lait et dérivés, le thon en conserve, les boissons gazeuses, etc., et avec cela tout le gaspillage qui en découle.
Cependant, ladite augmentation s’accompagne d’une autre qui touche aussi bien l’endettement des ménages que les fraudes économiques et sanitaires, la spéculation, l’importation de biens non productifs, les dépenses de l’Etat en termes de compensation (au détriment d’autres dépenses plus urgentes et vitales).
Citons, aussi, l’augmentation de l’écoulement de la camelote, avec tous les risques et les conséquences que cela engendre et celle des dépenses de santé liées aux conséquences de l’anarchie du comportement alimentaire, surtout chez les personnes souffrant de troubles du métabolisme. Ce qui se traduira par une augmentation des charges, aussi bien côté médicaments (subvention par l’Etat et remboursement par l’assurance maladie) que côté soins, absentéisme et diminution de la productivité pour des raisons de santé.
Elle s’accompagne, par contre, d’une diminution de la productivité chez les salariés, de celle de l’épargne et d’un manque à gagner pour l’Etat en raison de l’augmentation du travail informel. Cela sans oublier la chute notable de la consommation pendant au moins une quinzaine après la fin du mois saint et la liste pourrait s’allonger.
Par ailleurs et, en raison de la cherté de la vie, les budgets des ménages sont de plus sous pression. Selon Lotfi Riahi, président de l’Organisation tunisienne pour l’information des consommateurs (Otic), les dépenses quotidiennes d’une famille composée de quatre personnes peuvent atteindre, tout au long du mois saint, facilement les 50 dinars. Cela sans compter la viande, dont les prix continuent de grimper. D’où la difficulté de parler de fièvre acheteuse, comme c’était le cas il y a quelques années, en ces circonstances, a-t-il fait remarquer («Echaab» du 29 février 2024)
L’Observatoire national de l’approvisionnement et des prix, relevant du ministère chargé du Commerce, affirme quant à lui, que, malgré la période actuelle d’intersaison, l’on note une augmentation de l’offre alimentaire (entre 10 et 20%), et que les prix des denrées ont diminué par rapport à ceux de l’année dernière. Il a également assuré qu’en plus des stocks prévus, des quantités supplémentaires de plusieurs denrées, à forte demande, seront injectées tout au long du mois. Les prix du prêt-à-porter pourraient, eux, voir une augmentation, et ce, selon les constats établis ces dernières années.
Toujours côté prix, les autorités compétentes ont également annoncé des mesures allant de la limitation des marges bénéficiaires, jusqu’à la mise en place de points de vente, types du producteur au consommateur, même si l’expérience n’a pas toujours été concluante, ces dernières années, en passant par les descentes fréquentes et dissuasives des équipes du contrôle économique.
Le mois saint est, pourtant, dans son essence et sa finalité, le mois de l’abstinence, donc de la diminution de la consommation, de la remise en forme, du travail bien fait, du self-contrôle, de la solidarité, du vivre-ensemble et plein d’autres bienfaits. Son essence et sa finalité ont été donc perverties par la pratique sociale. Il est donc devenu le mois du gaspillage, du travail bâclé, des nuisances, etc.
Le gaspillage, qui prend plusieurs formes, est très nocif pour le pays et il augmente sensiblement au cours du mois saint. Les gaspilleurs sont pourtant «les frères des diables», selon le Coran. Ainsi, temps, énergies, argent et autres sont jetés par la fenêtre.
Le taux de gaspillage des produits alimentaire se situe, ces dernières années, autour de 60%, le pain venant en tête. Le gaspillage alimentaire compte, lui, deux paliers. Le premier est celui des excès alimentaires (plus que les besoins nutritionnels). Le second concerne, quant à lui, aliments et plats préparés jetés à la poubelle, avec ce que cela engendre comme augmentation notable des quantités de déchets organiques.
Et l’Etat continue, lui, de gérer l’offre au lieu de gérer la demande à tous les niveaux de la consommation, et le ministère de l’Agriculture est intervenu, début mars, pour rassurer la population que légumes, fruits, viandes, œufs et lait et dérivés seront disponibles, comme il se doit au cours du mois saint.
Cela nous pousse à mettre à l’index le phénomène inquiétant de l’aggravation de la dérive alimentaire et nutritionnelle, qui fait déjà beaucoup de victimes et fait que la facture des dépenses de santé, ainsi que celles indirectes et aussi les pertes liées, devient encore plus salée.
L’on continue, cependant, de laisser la pub s’attaquer aux enfants sans qu’aucune balise ne soit mise en place afin de limiter les dégâts et pourquoi pas les stopper. La pub, qui est le moteur de l’audiovisuel, doit avoir sa place, certes, mais sans faire de victimes.
(A suivre)