Passer de Mumbai à Stockholm, de Bogota à Téhéran, s’attarder à Istanbul avant de revenir à Ramallah, et hésiter entre Londres, Sao Paulo, New Delhi et New York pour achever sa visite. Où donc cette géographie du rêve pourrait-elle être possible si ce n’est au Dubaï Art Fair, la plus grande rencontre artistique de la région Mena mais aussi de ce que l’on appelle le Global South.
Art Dubaï se décline d’abord en chiffres : 17e édition, plus de 100 galeries venues de 60 cités et des cinq continents, à travers 4 sections : la section d’art contemporain qui fut la première à être instaurée. Celle d’art moderne qui suivit il y a déjà quelques années. Et la section d’art digital dont ce n’était que la troisième édition, mais qui, première de son genre, se développe et se fait très attractive. Et puis comme chaque année, la section Bawwaba qui accueille les artistes de la région pour des expositions personnelles sur les préoccupations et problématiques partagées du Global South.
Global South
Cette année, Art Dubai souhaitait élargir le concept de Global South, au-delà des traditionnelles frontières géographiques et économiques, pour en faire un Global South mental, celui d’un sentiment, des histoires partagées par des communautés, de New Delhi à Téhéran, de Bogota au Caire, ainsi que par des diasporas et des migrants à Londres ou à Paris. Car les migrations dessinent aujourd’hui de nouvelles géographies. Ce sera ce sentiment d’appartenance à ce Global South, où qu’il soit, qui conditionnera l’avenir.
Pablo Del Val, le directeur artistique d’Art Dubai, commentait, au cours de sa conférence de presse : «Depuis près de 20 ans, Art Dubai s’est développé pour devenir la plus grande plateforme ainsi que le plus important marché pour les galeries de la région. Plus de 60% de notre programme concernent le Global South et s’attachent à présenter les meilleures galeries et les artistes majeurs de la région. Cette année, la liste des participations montre clairement le développement continu de la scène artistique, l’importance commerciale de la plateforme d’art digital, et notre engagement à développer l’enseignement et l’histoire peu connue des histoires de l’art. Davantage qu’une foire, nous sommes fiers d’être un lieu de rencontre pour ces myriades de communautés qui contribuent au développement continu de Dubai à la fois comme une cité globale, et la capitale du Global South».
Art contemporain et Bawwaba
La section Art Contemporain accueillait, cette année, quelque 70 galeries provenant de 40 pays, 60 villes et des 5 continents. Une vingtaine d’entre elles sont basées à Dubai, ce qui constitue la plus importante participation locale à ce jour. De nombreuses galeries exposent pour la première fois. Cette édition fait également plus grande place à des galeries du Sud-Est asiatique et du Moyen, orient. On regrette néanmoins qu’aucune galerie tunisienne n’ait participé cette année à la foire.
Bawwaba présente dix artistes en solo, dont les travaux mettent l’accent sur un dialogue critique sur le sens de la communauté et de la justice sociale. A travers divers mediums, ils étudient la manière dont l’art peut servir de catalyseur de changement
Art moderne
La section Art Moderne s’attache à remonter aux influences artistiques qui ont conduit à l’émergence de cet art du Global South
Dans les années 60, en effet, l’Union Soviétique mena une vigoureuse campagne d’échanges avec des artistes musiciens, cinéastes, peintres, architectes du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie. Cela a mené à des approches similaires inspirées de ces expériences communes. Ainsi, des connexions se sont créées à travers une pluralité de voix de pays aussi différents que l’Ouganda et la Syrie, l’Ukraine et le Sri Lanka, transcendant les frontières géopolitiques, et reliant le sud au sud et l’est à l’est.
Art digital
La section Art Digital, dernière- née puisqu’elle en est à sa troisième édition, est la première du genre, et pour cela se développe rapidement. On y propose de découvrir comment les artistes utilisent de nouvelles technologies immersives qui rendent caduques les limites de l’art traditionnel. Une vingtaine de galeries présentent une vision élargie de ce qui est, de ce que peut être et de ce que sera l’art contemporain. Cela à travers différents médias comme la vidéo digitale, la réalité augmentée, l’intelligence artificielle, la réalité virtuelle ou encore la robotique. Les thèmes explorés par les artistes analysent la confrontation de la technologie et de la spiritualité, la préservation des héritages par l’art digital, mais aussi la prise de pouvoir des femmes artistes.
Off off Art Dubai
Mais Art Dubaï, c’est également un extraordinaire programme de conférences, débats, tables rondes, performances, animations, ateliers pour enfants….
Le Global Forum, plateforme de rencontre, de discussion, avait pour thème : «Wether or not». En ces temps où le changement climatique est une préoccupation mondialement partagée, on y étudiait les cultures, technologies, sciences et initiatives y ayant trait.
Un ambitieux programme pour enfants, dont c’est la quatrième édition, est inauguré à Art Dubai, puis par la suite étendu à travers 100 écoles dans les 7 émirats, concernant 15.000 élèves. Les workshops, basés sur l’écologie, demandent aux enfants comment ils imaginent les cités de l’avenir
Et c’est enfin une mobilisation générale puisqu’en dehors de l’aire réservée à l’Art Fair, Medinat Jumeirah, de très nombreuses expositions étaient organisées hors les murs : au DIFC, où les plus grandes galeries internationales, mais aussi les maisons de vente les plus prestigieuses, faisaient l’événement. A Alserkal, ce quartier jadis industriel où près de 80 galeries ont ouvert dans de vastes espaces, et où une galerie tunisienne, galerie El Marsa, s’est installée.
Mais pour revenir à Medinat Jumeirah où se tenait la foire, un programme de performances quotidiennes rappelait que nous étions à Dubaï, pays du flamboyant, du glamour, et de l’inédit.