L’importation —exceptionnelle— des bananes «Made in Egypt» représente le choix le plus judicieux pour assouvir les envies gourmandes des Tunisiens durant le mois de Ramadan. Il l’est, vu le prix de vente plus qu’alléchant qui s’offre au consommateur, soit seulement cinq dinars le kilo!
Il s’agit d’un véritable cadeau en ces temps-ci, où les bananes —ce fruit exotique fort prisé par les Tunisiens et qui a toujours fait partie de leurs habitudes alimentaires— sont devenues un signe de luxe ! En effet, le prix de ce fruit a excédé toutes les estimations du consommateur pour frôler les quinze dinars le kilo ; un prix gonflé qui ne convient nullement aux budgets des familles de la classe moyenne. Aussi, les bananes provenant d’Egypte sont-elles l’unique alternative aux bananes importées des pays tropicaux et autres sub-sahariens. Et ce n’est pas la première fois que des bananes égyptiennes abondent sur le marché tunisien. Elles ont été importées il y a quelques années pour quasiment les mêmes raisons : la cherté des bananes provenant des marchés conventionnels qui ne vont nullement de pair avec la baisse du pouvoir d’achat. Au Bardo, dans l’un des supermarchés de la place, la commercialisation des bananes fraîchement débarquées du pays des Pharaons a commencé par donner ses fruits. Certains clients quittent le magasin un kilo de bananes à la main. C’est le cas du couple Gharbi. «C’est la première fois que je goûte aux bananes provenant d’Egypte. Je pense que leur prix est abordable en comparaison avec celui des bananes qui circulent sur le marché. Franchement, la cherté de ce fruit nous rendait réticents. Nous ne nous le permettons qu’occasionnellement», indique Boutheïna Gharbi, sage-femme. Quant à la qualité de ce produit, elle avoue ignorer tout hic. «Je viens d’entendre dire que les Egyptiens utilisent l’eau des canalisations pour irriguer leurs cultures, y compris celle des bananes. Toutefois, je reste sceptique à cette idée qui pourrait, simplement, être une rumeur», ajoute-t-elle.
En acheter les yeux fermés
Il faut dire que l’impact du «prix» sur la psychologie du consommateur tunisien est devenu tel qu’il réussit à amadouer les plus avisés. Certains, d’ailleurs, ne prennent pas la peine de s’informer sur le produit. Ils sont séduits par ce prix qui leur permettrait d’acheter un produit devenu, des mois voire des années durant, inaccessible. Et pour arriver à cette fin, ils ferment l’œil sur bien des détails. Pour Mourad Hammami, ingénieur spécialisé dans la décoration, la qualité des bananes provenant d’Egypte n’a rien de douteux. «Il faut se fier à notre Etat qui s’est engagé pour importer, légalement, ce produit ! D’ailleurs, nous avons toujours consommé des bananes tout en ignorant, réellement, leurs pays d’origine. D’autant plus que le peuple égyptien en consomme. Il ne va pas, tout de même, engloutir des produits infects ! Je pense, d’ailleurs, qu’acheter des bananes à cinq dinars sied plus aux budgets des Tunisiens qu’en acheter à des prix exorbitants», explique-t-il. Faisant ses courses routinières, Hassib Lachheb, retraité, ne semble pas suivre l’actualité du marché. Pour lui, l’affaire des bananes est classée : il boycotte ce produit depuis des mois et refuse d’en acheter à quinze dinars le kilo ! Cela dit, du moment que le prix chute d’un cran pour se situer à seulement cinq dinars, là la balance vire de 180°. «Si c’est à cinq dinars, pourquoi s’en priver…», dit-il. Quant à la qualité, à la certification ainsi qu’à la transparence de la traçabilité, Hassib n’y accorde aucun intérêt !
Il n’en est pas question !
Entre croire aux rumeurs, aux doutes et s’en méfier, les avis des consommateurs s’avèrent être mitigés. Si certains préfèrent écarter l’hypothèse fourbe, ce n’est point le cas de Maha Gatfi, coiffeuse. «La hausse des prix des bananes nous a poussés à rationnaliser nos achats. Je n’en achète que lorsque mes moyens le permettent, ce qui est évident. Mais s’agissant des bananes provenant d’Egypte, je doute fort que ce soit un produit de qualité irréprochable. Pour moi, tout produit provenant d’Egypte ou de la Libye est à s’en méfier. D’ailleurs, poursuit-elle, rien que le prix nous rend perplexes. A mon propos, je ne le consommerais pas même à titre gratis». Ainsi, la discussion sur la qualité des bananes résonne dans le souk. «Il paraît qu’elles ne sont pas bonnes, les bananes provenant d’Egypte», fait remarquer une dame en dénichant, dans un tas de fripe, un vêtement qui serait à son goût. «C’est parce qu’elles sont encore vertes. Il faut attendre qu’elles mûrissent», lui répond une autre. Une conversation qui résume tout, ou presque !