Le ministre de la Jeunesse et des Sports a assisté à un marathon et saisi cette occasion pour rappeler ce qu’il avait assuré il y a quelques mois: 83 pour cent des Tunisiens ne pratiquent aucun sport et en rejettent même l’idée. Cette affirmation est d’autant plus grave qu’elle engage non pas seulement la responsabilité du citoyen, mais aussi celle des autorités. En effet, «l’injection»» de cette prise de conscience ne se fait pas par un tour de magie. Ce n’est ni de la responsabilité des organes de presse, ni du ressort des associations qui ont poussé comme des champignons sans être réellement utiles, étant donné qu’elles sont dépourvues de moyens pour agir et jouer leur rôle. Cette prise de conscience à laquelle le ministre a fait allusion et qui conforte la place de l’éducation physique d’abord, du sport ensuite, se fait à partir de la maternelle. En effet, l’enfant doit apprendre à bien se tenir : dos droit, tête bien en d’aplomb, les épaules en équilibre, la marche rectiligne, etc. etc…
A Sadiki et au sein des établissements scolaires qui disposaient d’une salle, on avait une séance de «maintien», à base de mouvements étudiés et qu’on effectuait en utilisant un banc suédois et les espaliers qui garnissaient les murs de la salle. C’était bien avant les années cinquante. Déjà, les sports scolaires étaient des activités qui captivaient la jeunesse et les matchs se jouaient à guichets fermés les vendredis. A son indépendance, la Tunisie n’a trouvé aucune difficulté pour damer le pion à bien des pays qui occupaient depuis des années la scène sportive. Pourquoi ce rembobinage de l’histoire? Tout simplement pour rappeler que les notions sport et santé et un esprit sain dans un corps sain étaient «injectées» dans les esprits depuis le premier âge. Il n’y avait pas de statistiques à cette époque, mais nos professeurs d’éducation physique étaient là pour modeler ces générations qui avaient pris conscience de l’importance de cette activité et qui ont agi en fonction de ces fondamentaux. Où en sommes-nous aujourd’hui, alors que l’on ne parle que de sport et de performances ? 83 % des Tunisiens sont rebutés par cette activité ! Il devient donc nécessaire de se poser la question et d’agir. Comment? Tout simplement en appliquant ce que l’on a promis: le sport à partir de l’école de base (des milliers d’enseignants d’éducation physique et sportive sont au chômage, alors que l’Etat a dépensé des milliards pour les former), la majorité écrasante des écoles, collèges et lycées ne disposent pas de lieux pour pratiquer le sport, des associations sportives qui ne servent à rien et qui croulent sous les dettes, des «dirigeants» qui font n’importe quoi et qui donnent le mauvais exemple, les promesses faites pour édifier mille terrains sur les espaces libres dans tous les gouvernorats, des autorités régionales qui n’agissent d’aucune manière pour imposer cette idée relative au «corps sain pour un esprit sain». Nous savons pertinemment que, malheureusement, il y a des choses plus urgentes à faire pour redresser la situation lamentable dans laquelle on a amené ce pays. Mais nous pouvons agir pour réduire énormément ce pourcentage en se mettant d’accord en priorité sur la consolidation de ce qui est en place. Monsieur le ministre devrait s’inquiéter des agissements qui portent atteinte à la place de l’éducation physique et sportive à l’école en remplaçant ce créneau horaire par des heures de classe «par nécessité», ce qui se traduit par un délaissement coupable d’une matière qui figure dans les programmes scolaires. A titre d’information, on a ajouté une heure supplémentaire d’éducation physique et sportive dans les établissements scolaires en France. Le déluge commence par une goutte, dit-on. Commençons par mobiliser les gouverneurs pour assurer des espaces pour les établissements scolaires et universitaires de leurs circonscriptions, en prévision de la mise en place de petits ensembles, des complexes sportifs légers mais fonctionnels où il sera possible de «faire du sport». L’allocation des terrains appartenant à l’Etat pour cet objectif est une assurance contre les maladies et les malformations que le ministre a très justement relevées. C’est le seul et unique moyen de résorber ce honteux pourcentage qui tranche avec ce que font les 17% de Tunisiens qui font du sport : ils nous sortent des champions du monde et des champions olympiques !…