Attaque des Houthis en mer rouge : Une autoroute de la mer sous haute tension

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Environ 20.000 navires transitent chaque année par le canal de Suez, porte d’entrée et de sortie des navires passant par la mer Rouge. Selon l’ICS, basée à Londres, ne plus emprunter la mer Rouge à cause des attaques des Houthis, c’est renoncer à une «autoroute de la mer» reliant la Méditerranée à l’océan Indien, et donc l’Europe à l’Asie.

Depuis la mi-décembre 2023, les attaques menées par les rebelles yéménites Houthis contre des navires marchands se dirigeant vers le canal de Suez via la mer Rouge, dont ils affirment qu’elles visent à punir Israël pour la guerre à Gaza, se sont intensifiées.

S&P Global Market Intelligence a recensé plus de 30 incidents confirmés au mois de janvier 2024 contre des navires commerciaux.

Ces attaques ont contraint les compagnies maritimes à emprunter une autre route beaucoup plus longue et plus coûteuse passant par l’Afrique australe, ce qui a entraîné des retards dans les livraisons.

De ce fait, des compagnies maritimes, telles que Maersk, Hapag-Lloyd et Mediterranean Shipping Company (MSC) ont emprunté d’autres itinéraires pour transporter leurs conteneurs, dans le contexte de la plus grande urgence maritime depuis qu’un navire bloqué dans le canal de Suez a paralysé une grande partie du commerce mondial en 2021.

Des entreprises telles qu’Ikea, Walmart et Amazon ont connu des retards dans l’arrivée de certains produits, a rapporté Reuters, alors que l’augmentation du coût du transport de marchandises est l’un des principaux effets de la crise.

Les vêtements, la nourriture, les ordinateurs et de nombreux produits que les consommateurs achètent régulièrement dans les magasins mettent de plus en plus de temps à atteindre leur destination en raison de la crise sécuritaire qui sévit en mer Rouge.

La raison est simple : en évitant le raccourci du canal de Suez pour préférer le déroutement par le sud de l’Afrique, les armateurs rallongent automatiquement leurs temps de parcours vers l’Europe de 10 à 20 jours de mer. S’ils veulent effectuer les boucles prévues en Méditerranée pour décharger leurs marchandises, en passant par le détroit de Gibraltar et non plus l’isthme de Suez, ils ajoutent encore des coûts d’exploitation et des délais supplémentaires.

Cela s’applique également aux navires qui font directement route vers les escales du «range nord», comme le Havre, Anvers ou Rotterdam.

C’est ce qui fait que 12% de la capacité maritime mondiale ayant été réacheminée en raison de la crise de la mer Rouge, les tarifs d’expédition par conteneurs augmentent fortement et pourraient continuer de le faire. A cet effet, l’indice du fret conteneurisé de Shanghai (SCFI) a augmenté de 40%, atteignant un sommet jamais vu depuis octobre 2022.

Les ports de Méditerranée touchés en première ligne

Ainsi, les boucles de navires de commerce venant d’Asie, organisées autour de plusieurs ports de Méditerranée, ont été sévèrement perturbées par les tirs de barrage des Houthis en mer Rouge. Entre annulations d’escales et éclatement du trafic dans des ports spécialisés, les armateurs s’adaptent comme ils peuvent. La Mediterranean Shipping Company, la plus grande compagnie maritime du monde, a déclaré qu’elle détournait ses navires de la mer Rouge. Il en va de même pour la compagnie française CMA CGM, la compagnie danoise Maersk, la compagnie allemande Hapag-Lloyd et la compagnie pétrolière BP.

Ce qui fait que le transport de conteneurs a baissé de plus de 30% à cause des attaques des Houthis.

Selon le FMI, le transport maritime de conteneurs par la mer Rouge a chuté de 37% au 16 janvier 2024. L’évolution de la situation est encore pour le moment très incertaine, ce qui inquiète au plus haut niveau le FMI.

C’est dans ce sillage que le directeur régional du Moyen-Orient et d’Asie centrale du Fonds monétaire international (FMI), Jihad Azour, a déclaré que le transport maritime de conteneurs, qui représente dans cette mer «l’essentiel du trafic», y a «diminué de près de 30%», ajoutant que depuis, «la baisse du commerce s’est accélérée».

Dans le même contexte, la plateforme PortWatch du FMI précise que le volume de transit par le canal de Suez, qui relie la mer Rouge à la mer Méditerranée, a baissé de 37% du 1er au 16 janvier 2024 par rapport à la même période de l’année précédente.

Le Pentagone sur le qui-vive

D’après le Pentagone, 35 attaques ont déjà eu lieu ces derniers mois. Ces incidents qui perturbent le trafic maritime dans cette zone cruciale par où transitent jusqu’à 12 à 15% du commerce mondial chaque année et 30 à 35% des porte-conteneurs, selon les chiffres de la Commission européenne.

La semaine dernière, l’ONU avait indiqué que le volume du commerce via le Canal de Suez a baissé de 42%.

Ces perturbations sont d’autant plus inquiétantes que «plus de 80%» du commerce mondial de biens se fait par voie maritime et que «d’autres routes importantes sont déjà sous tension», souligne la Cnuced, l’organe de l’ONU chargé du commerce et du développement. De son côté, l’Union européenne avait annoncé que le trafic maritime en mer Rouge avait chuté de 22% en un mois. Ce ne serait d’ailleurs que le début : selon l’UE, cette baisse «devrait être plus importante à l’avenir en raison de la décision de nombreux armateurs de prendre une autre route maritime».

Pour tenter de ramener le calme dans ces eaux qui se jettent dans l’océan Indien, les Etats-Unis, allié clé d’Israël, ont créé une coalition en décembre dernier. Son rôle est de patrouiller en mer Rouge afin de «protéger» le trafic maritime contre les attaques des Houthis. En parallèle et en riposte aux attaques de navires, les forces américaines, parfois conjointement avec le Royaume-Uni, ont mené plusieurs frappes contre les positions des Houthis au Yémen. Ils ont également annoncé des sanctions contre quatre de leurs responsables, accusés d’être impliqués dans l’organisation de ces attaques. Sans obtenir jusque-là un arrêt des assauts. Face à ces événements, la Chambre internationale de la marine marchande (ICS) a appelé «les Etats ayant une influence dans la région» à s’efforcer «de toute urgence de mettre un terme aux actions des Houthis qui attaquent les marins et les navires marchands, et de désamorcer ce qui constitue désormais une menace extrêmement grave pour le commerce international».

Toutefois, ce contournement de l’Afrique va considérablement rallonger les trajets : pour relier Rotterdam à Singapour, le détour rallonge le voyage de 40%, passant d’à peu près 8.400 milles marins (15.550 kilomètres) à 11.720 milles (21.700 kilomètres), selon le cabinet S&P Global.

Ne plus emprunter la mer Rouge, c’est renoncer à une «autoroute de la mer» reliant la Méditerranée à l’océan Indien, et donc l’Europe à l’Asie. Environ 20.000 navires transitent chaque année par le canal de Suez, porte d’entrée et de sortie des navires passant par la mer Rouge. Selon l’ICS, basée à Londres.

Une remontée des prix du pétrole n’est donc pas à exclure, sachant que 5 millions de barils transitent chaque jour par la mer Rouge. Mais le premier perdant sera sans doute l’Egypte qui tire plus de 8 milliards de dollars de recettes chaque année grâce au canal de Suez. Une manne cruciale pour le pays qui, en difficulté financière, négocie toujours avec le FMI pour renflouer ses caisses.

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