Accueil A la une Entretien avec Maryem Bouzidi, spécialiste en maquillage artistique à effets spéciaux : A la découverte du métier des artistes de l’illusion

Entretien avec Maryem Bouzidi, spécialiste en maquillage artistique à effets spéciaux : A la découverte du métier des artistes de l’illusion

 

Le maquillage artistique à effets spéciaux est un métier à la fois difficile, éprouvant et passionnant. Pour découvrir davantage ce métier, nous avons contacté Maryem Bouzidi qui a été sur le tournage du nouveau feuilleton «Beb Rezk» diffusé sur la chaîne nationale Watania 1 durant le mois de ramadan, avec de grands noms à la tête d’affiche comme Kamel Touati, Asma Ben Othmen ou encore Slah M’sadek. Cette artiste talentueuse, qui a débuté sa carrière en 2011, a participé à de nombreux films, des spots publicitaires et des feuilletons comme «Awled Moufida» ou encore «Denya Okhra». Elle nous a accordé cet entretien.

Quelle est la formation requise pour devenir « Make up artist » dans le mode de l’audiovisuel ? Est-ce qu’il faut faire une école de maquillage classique pour débuter ?

Je suis technicienne supérieure en audiovisuel, spécialiste en prise de vues, et j’ai également un diplôme de technicienne supérieure en informatique. Cette passion pour les effets spéciaux m’a accompagnée depuis mon enfance, quand je m’amusais à simuler de fausses cicatrices et des taches de sang à l’encre rouge pour faire des blagues à ma mère. Pour cela, je pense que, tout d’abord, il faut avoir du talent car l’art, la créativité et l’imagination sont les guides de cette discipline. Un diplôme d’esthétique est très utile pour connaître les bases, mais ce n’est pas tout. Ce métier nécessite beaucoup de formations en continu pour exercer et exceller. Après, on apprend en permanence par l’expérience et au contact des autres.

L’idée qu’on a de votre métier oscille entre deux bords : l’esthéticienne et la création d’effets spéciaux de monstres et de sang. Comment vous situez-vous entre ces deux clichés ?

Les tâches du maquilleur artistique sont extrêmement nombreuses. La palette des activités va du simple poudrage sur un plateau journalistique au maquillage de fiction. Ce n’est pas  un travail d’esthéticienne. Il est vrai que nous avons en commun le maquillage,  mais on ne vise pas toujours la beauté. Cependant, il n’y a pas que les effets spéciaux de monstres et de sang. D’ailleurs, on ne fait pas beaucoup de monstres à la télé tunisienne. Ce sont des idées très différentes de la réalité.

On peut présenter un personnage sous son meilleur jour, comme pour le mariage dans le feuilleton «Beb Rezk» ou, au contraire simuler la saleté, donner l’impression que quelqu’un est fatigué, rendre le personnage plus jeune ou plus vieux que l’acteur ou même créer de fausses plaies à la manière de la scène des ouvrières agricoles victimes de l’accident dans le même feuilleton.  On prend la responsabilité dans un feuilleton à tous les égards pour obtenir ces métamorphoses avant le passage devant la caméra. Pour cela, il faut créer, composer, appliquer et réappliquer le maquillage et les prothèses des différents personnages.

Comment choisissez-vous le maquillage et les effets appropriés pour chaque personnage ?

La préparation commence bien avant le tournage. Quand on lit le scénario, on relève les effets requis : vieillissement, blessures… C’est ce qui est décrit dans le scénario et ce qui est demandé par le réalisateur qui nous aiguille. Après, il faut concevoir les maquillages et réfléchir sur comment réaliser les effets demandés, où trouver la fourniture, comme beaucoup de produits ne sont pas vendus en Tunisie, et faire une estimation du coût.

L’objectif est de trouver la combinaison qui permet de donner du relief à un personnage et de le rendre crédible. C’est un travail qui se fait en étroite collaboration avec d’autres membres de l’équipe : le coiffeur, le styliste, l’acteur lui-même qui n’a pas forcément la même allure que le personnage, surtout quand il s’agit de feuilletons d’époque, et le réalisateur. Il faut s’imprégner des univers dépeints par le scénariste et le réalisateur pour proposer des choix artistiques en cohérence.

Un schéma de base du maquillage se crée avant de procéder à la transformation  en s’adaptant aux conditions du tournage, particulièrement les lumières. Il faut prendre en considération que les visages sont agrandis sur écran et que notre travail a des détails enrichissants à transmettre.

En effectuant un effet, ce qu’on cherche c’est faire une forte impression. Beaucoup de scènes fugaces interpellent les émotions, marquent les esprits et restent en mémoire grâce aux effets visuels que nous élaborons.

Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre métier ?

C’est un métier peu classique où il n’y a jamais de routine. Je collabore avec de grands acteurs et j’adore la possibilité de travailler sur des thèmes différents : mariages, bagarres, accidents…

De plus, le monde de l’audiovisuel est une gigantesque industrie où des pistes prometteuses sont ouvertes : théâtre, cinéma, publicités, clips musicaux..

Quels sont les défis que vous affrontez continuellement dans votre travail ?

Le plus difficile est de gérer son planning. Comme vous le savez, on ne travaille pas sur des horaires de bureau. La journée commence bien avant le tournage proprement dit pour préparer les acteurs et les horaires de travail sont imprévisibles. Certaines  journées sont longues et intenses parce qu’une session de filmage peut s’étaler sur plus d’une dizaine d’heures. Il ne s’agit pas seulement d’appliquer les effets appropriés sur chaque acteur mais on doit assurer une surveillance attentive et constante de la tenue du maquillage et que les effets conservent leurs formes au gré des longues heures du tournage.

Est-ce qu’il y a une forte concurrence ?

Nous ne sommes pas nombreux à travailler dans ce domaine en Tunisie. Nous pouvons avoir le même esprit ou les mêmes techniques. Mais chacun a son style, l’essentiel étant le résultat.

Que pensez-vous des effets spéciaux numériques à base de programmes informatiques et d’images de synthèse ?

Les techniques ont beaucoup évolué mais le travail manuel dépasse de loin les résultats des trucages informatiques. Même à l’étranger, les scènes cultes dans les films d’horreur célèbres sont le fruit du travail de l’équipe de maquilleurs et les outils technologiques sophistiqués ne pourront pas remplacer la touche artistique humaine.

Quelle est la recette pour s’imposer dans ce domaine ? Et quels conseils donnez-vous à ceux qui souhaitent suivre cette vocation ?

Dans l’univers de l’audiovisuel qui attire et fait rêver, notre métier est encore peu connu alors qu’il mérite d’être plus mis en lumière. Pour se frayer un chemin, il faut de la persévérance, beaucoup d’enthousiasme et surtout de la bonne humeur pour gérer le stress du tournage. C’est un travail qui demande énormément de précision et de délicatesse. Il est nécessaire d’être créatif et de savoir s’adapter et interpréter les demandes du réalisateur. Il est également indispensable d’avoir le regard d’autrui sur son travail et de gagner la confiance de l’équipe tout en continuant à apprendre pour se démarquer.

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