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L’entreprise autrement | Ramadan-Pub, le couple infernal

 

Amants terribles, couple infernal, frères ennemis, toutes ces formules peuvent fidèlement décrire la relation médias-pub, surtout chez nous au cours du mois saint de Ramadan. Aubaine pour certaines activités liées à l’alimentation, au transport, à l’habillement, au cuir et chaussures, à la bijouterie, aux jouets, aux médias audiovisuels (Pub), à certains loisirs (spectacles, attractions,…), Ramadan est aussi le mois de la pub.

Les journaux, disait-on, possèdent une épouse légitime, la liberté d’expression, et une maîtresse, la publicité. Cela résume le dilemme parfois tragique du monde de l’information et de la communication en tant que secteur économique qui, pour produire, a besoin d’investir et de consommer, donc de penser avant tout à vendre.

Mais les médias audiovisuels ont des relations réellement perverses avec la pub. Leur raison d’être consiste à attirer le maximum de pub afin de survivre et espérer devenir pérennes. Ils se retrouvent, donc, en train de racoler les téléspectateurs, usant de tous les moyens, possibles et imaginables, afin de créer le buzz et faire augmenter le taux d’audience. Le challenge est énorme et il devient vital au cours du mois de Ramadan, l’apogée annuelle en termes d’opportunités pour des contrats juteux et pour des recettes en monnaies sonnantes et trébuchantes. Des budgets qui s’élèvent à des dizaines de millions de dinars, car le consommateur délie sa bourse, au cours du mois saint, et n’hésite pas à se surendetter pour satisfaire son appétit. Les chiffres exprimant les sommes injectées ne tarderont pas d’être publiés, car les tarifs sont connus et la traçabilité de l’activité publicitaire est fiable et accessible. Et cette année nous avons remarqué à vue d’œil que l’acharnement publicitaire a exaspéré les téléspectateurs. Le problème, dans ce cas bien précis, est multiple. Racolage des téléspectateurs grâce à des productions qui frôlent parfois l’obscénité, ou la violence et le mauvais goût (certains feuilletons ou séries, dont les caméras cachés), matraquage publicitaire infernal, spots de bas de gamme, influence néfaste sur le comportement alimentaire de la population surtout celui des enfants, devenu un problème national car dangereux pour leur santé et l’avenir du pays (diabète et obésité).

Populisme, bavardage (pléthore de signes carence en sens, en termes techniques), durée excessivement longue pour un spot publicitaire, nous avons tout vu, même de vieilles personnes en train de faire le pitre et des scènes dignes du célèbre chef-d’œuvre du cinéma italien «Affreux, sales, et méchants».

Citons, aussi, ces comportements de vrai goujat face aux aliments pour convaincre le consommateur. Et ce crime qui consiste à harceler les enfants et à les transformer parfois en prescripteurs, ce qui est interdit par la morale et par la loi. La production publicitaire n’a donc réussi qu’à convaincre que nous sommes un peuple qui s’enfonce de plus en plus dans l’ignorance, les instincts, le mal-développement et dans ce que nous avons appelé l’«anti-citoyenneté» et aussi dans l’incompétence en termes de créativité publicitaire et autres. Difficile de parler alors pub, nous sommes retombés dans la réclame la plus primaire pour ne pas dire la plus vulgaire.

Or, le comportement de nos concitoyens surtout alimentaire, et surtout des plus jeunes d’entre eux, est plus que vital pour le laisser aux mains de certains industriels et de leurs agents publicitaires. Car si la publicité est essentielle pour toute production et vente, elle doit en revanche se plier à des exigences morales et sanitaires. Certains spots sont d’autant plus scandaleux qu’ils sont conçus et réalisés dans un dessein bien clair, celui de dominer l’enfant, de le manipuler et de conditionner son choix pour un produit comportant du sucre ajouté, substance connue pour être créatrice d’addiction et dotée d’un haut pouvoir nuisible à la santé. Nous avons soulevé ce problème, à plusieurs reprises, sur ces mêmes colonnes, lors de débats à la télé et dans le cadre de plusieurs actions ou instances officielles (y compris au sein du Comité de pilotage de la stratégie nationale de lutte contre l’obésité de l’enfant), rien à faire, le lobby des industriels alimentaires et leurs partenaires de la pub est très puissant. Il est donc plus qu’urgent de mettre en place des garde-fous. Ces derniers doivent inclure des aspects législatifs et réglementaires et des principes éthiques afin de devenir une vraie charte à l’application de laquelle un organisme étatique spécial veillera.

Ramadan et son corollaire l’Aïd, qui le clôture, posent donc les mêmes problèmes, surtout ceux à caractère socioéconomiques, bien sûr selon les saisons. Les mêmes pseudo-solutions sont, alors, proposées et mises en œuvre pour soi-disant les résoudre. Parfois il n’y a aucune solution à proposer et le problème est tout simplement éludé.

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NDLR : La publication de cette chronique était prévue pour l’avant-dernier numéro de notre supplément, dont la parution avait coïncidé avec l’Aïd et un petit problème de santé l’a empêchée de faire partie du numéro précédent. Toutes nos excuses.

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