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Gestion des déchets : Pour une Tunisie plus propre et plus belle

 

Dans l’intervalle de 24 heures, le Chef de l’Etat a fait des déclarations à deux reprises sur la question de la collecte des déchets, la propreté de l’espace public, l’éclairage public, la décoration florale urbaine… Il accuse certaines parties corrompues d’être derrière la dégradation de l’espace urbain et du cadre de vie des habitants, en pleine saison estivale et touristique. 

En pleine saison touristique, alors que Tunis devrait être un havre de paix et de plaisance pour les touristes et les résidents, le centre-ville de Tunis souffre d’une dégradation environnementale alarmante. Des quantité impressionnante de déchets qui jonchent les rues, des poubelles qui débordent, des sacs en plastique, des bouteilles et autres détritus qui s’accumulent sur les trottoirs et les espaces publics… Les efforts de collecte des déchets semblent insuffisants, aggravant ainsi la situation. Les parcs et jardins publics, autrefois des lieux de détente et de répit, sont aujourd’hui négligés et mal entretenus. La verdure est en train de disparaître, remplacée par des zones arides et poussiéreuses. Les fontaines ne fonctionnent plus, et les bancs sont en mauvais état, décourageant les habitants de profiter de ces espaces.

Le tourisme, pilier de l’économie tunisienne, souffre également de ce paysage. Les touristes, attirés par le riche patrimoine historique et culturel de Tunis, sont souvent déçus par l’état de saleté et de pollution du centre-ville. Cette image négative nuit à l’attractivité de la ville et du pays et pourrait avoir des répercussions à long terme sur l’industrie touristique. Tout le monde s’accorde à dire que Tunis n’est pas une ville propre. 

Le constat est même fait par le Président de la République. Jeudi 27 juin, Kaïs Saïed s’est déplacé dans des entrepôts municipaux de Tunis pour alerter qu’il y a des quartiers de Tunis où l’on n’a pas levé les ordures depuis l’Aïd. Ainsi, «il y a des parties au sein de l’administration qui travaillent au profit des lobbies»«Il y a de la corruption au sein de l’administration centrale de la mairie de Tunis», a-t-il accusé. «J’ai une liste de noms de personnes qui sont exemptées du paiement des taxes municipales juste parce qu’elles sont proches de responsables municipaux… Les dossiers de corruption de certains responsables seront ouverts et ils seront poursuivis», a-t-il mis en garde.

Par la suite, le Chef de l’État a tenu une réunion avec plusieurs responsables au siège de la municipalité de Tunis et les a mis face à leurs responsabilités et à la nécessité de redresser rapidement la situation et de redoubler d’efforts pour répondre aux besoins des citoyens. 

Les responsables doivent répondre de leurs actes

«La situation ne peut plus continuer ainsi, que ce soit en termes de ramassage des déchets, de fourniture de services aux citoyens, d’éclairage public, de gestion des cimetières, d’entretien des parcs et espaces verts devenus pour la plupart des dépotoirs, voire des entrepôts municipaux négligés et devenus dangereux», s’est-il désolé, ajoutant que l’aspect floral de Tunis n’est pas à la hauteur des attentes des citoyens. 

Le Président a conclu en estimant que l’État doit faire l’objet d’une révision complète de ses services et que les responsables de ces négligences doivent répondre de leurs actes. 

L’avant-veille, le locataire de Carthage a reçu le ministre de l’Intérieur, Khaled Nouri, et le secrétaire d’Etat à la Sûreté nationale, Sofiène Bessadok. Pour lui, certains phénomènes, comme l’entassement des déchets dans les rues de plusieurs villes du pays ne sont pas innocents. Il a aussi appelé à prendre des mesures contre toute partie qui manque à ses devoirs.

Pour tous les observateurs, la situation environnementale dégradée de Tunis en pleine saison estivale est un cri d’alarme. Pour eux, il est urgent que les autorités locales prennent des mesures drastiques pour améliorer la gestion des déchets, réduire la pollution et entretenir les espaces verts. Sans une action rapide et concertée, la qualité de vie des habitants continuera de se détériorer, et l’image de la ville en souffrira. Sauf que Tunis n’est qu’un élément dans toute l’image. Tout le pays souffre d’une situation environnementale qui se dégrade jour après jour.

Tout un système à revoir !

Mais qui veut réellement nuire à l’image du pays, en provoquant de telles crises environnementales ? A vrai dire, depuis plusieurs jours nous assistons à une image de désolation. Dans plusieurs gouvernorats, les déchets jonchent la rue et à la pollution visuelle et atmosphérique s’ajoute un autre fléau : les odeurs nauséabondes. Les tas de déchets non collectés dégagent des odeurs insupportables, particulièrement accentuées par la chaleur estivale. Les égouts à ciel ouvert et les zones de stagnation d’eau contribuent également à cette situation. Ces odeurs rendent la vie quotidienne des habitants encore plus difficile, affectant leur bien-être et leur confort. La fête de l’Aïd Al-Idha a enfoncé le clou, dans la mesure où les équipes municipales étaient en sous-effectif alors que les déchets se multipliaient. 

Cette situation environnementale inquiétante est aggravée par des comportements citoyens non respectueux de l’environnement, ajoutez à cela des municipalités dans l’incapacité totale de répondre aux attentes des communes en matière de propreté et de gestion des déchets. Le manque de ressources financières et humaines étant un problème récurrent et général. Pour les experts, c’est tout le système de collecte de déchets qui est à revoir sur le plan national. Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes) plaide en faveur d’une approche plus large dans la gestion de la situation environnementale en Tunisie. Son porte-parole, Romdhane Ben Amor, rappelle qu’il existe de nombreuses régions en Tunisie qui souffrent de pollution environnementale. «Nous avons vu les conséquences de la pollution à Sfax, ainsi que les mouvements environnementaux à Gabès et la pollution dans la région du bassin minier, et même dans la région du Cap Bon et les industries manufacturières, les décharges et la question de la gestion des déchets… Cela pourrait peut-être se déplacer dans une prochaine étape vers la capitale, et nous craignons de voir des scènes similaires à celles vécues par le gouvernorat de Sfax», a-t-il averti.

Le secteur privé invité à mettre la main à la pâte

«Nous n’avons pas vu au niveau central des réunions impliquant tous les ministères et tous les intervenants pour élaborer un plan central que tout le monde s’engage à suivre en matière de gestion des déchets. Ensuite, le processus commence progressivement, en commençant par les régions qui connaissent actuellement des tensions sociales afin de trouver des solutions et de les transformer en zones modèles pour le nouveau projet de l’État», a-t-il dit à La Presse.

Pour sa part, l’expert en environnement et en changements climatiques Hamdi Hached estime que la gestion des déchets n’est pas seulement la responsabilité de l’Etat, mais doit impliquer également le secteur privé. «Face à l’incapacité des autorités locales et municipales, la Tunisie n’a pas impliqué le secteur privé. Dans le monde entier, on mise sur les nouvelles technologies environnementales, la Tunisie n’est pas un pays qui investit dans ces nouvelles techniques liées notamment au tri et à la valorisation des déchets», a-t-il dit à La Presse.

Et d’ajouter que plusieurs investisseurs tunisiens sont intéressés par la question de la valorisation des déchets, mais l’Etat n’a pas changé d’approche dans le traitement de ce dossier et se contente de solutions ponctuelles portant sur des décharges qui arrivent à saturation.

La valorisation fait toujours défaut !

La valorisation des déchets consiste à les transformer en ressources réutilisables, en énergie ou en matières premières pour de nouveaux produits. La Tunisie était parmi les premiers pays à s’intéresser à ce genre de solution de gestion de déchets. Mais aujourd’hui, le pays accuse un retard inexplicable. En effet, la filière de recyclage et de valorisation est pratiquement inexistante à l’exception de quelques initiatives soutenues par la société civile. Les déchets sont envoyés dans de grandes décharges qui arrivent à saturation et le reste s’accumule dans des décharges sauvages.

Selon des statistiques officielles, l’immense décharge de Borj Chakir, la plus importante du pays, reçoit à elle seule 3.000 tonnes de déchets par jour et est remplie à ras bord. Seulement 4 à 7% des déchets ménagers y sont recyclés.

L’Agence nationale de gestion des déchets (Anged) a promis dans son dernier plan stratégique une réduction des déchets pour les années à venir, ainsi que leur traitement, mais l’agence constate elle-même un manque de moyens.

Selon les données publiées par le Forum Ibn Khaldun pour le développement (Fikd) en 2023, la Tunisie produit annuellement environ 2,8 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés et presque 350 mille tonnes de déchets industriels qualifiés de dangereux. En Tunisie, seulement 8% des déchets ménagers et assimilés sont recyclés et valorisés, alors que 20 pour cent sont jetés dans la nature et 70 pour cent sont enfouis dans des décharges qualifiées de contrôlées.

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