C’est depuis février 2021 que le ministère du Transport avait annoncé la préparation d’un projet de loi pour instaurer le permis de conduire à points. Le ministère avait même invité les citoyens à consulter le document du projet de loi et à donner leurs avis dans le cadre d’une approche participative. Où en est-on ? Le point de la situation.
La Tunisie est l’un des pays où l’on enregistre le plus d’accidents de la route. Ces accidents sont devenus de plus en plus meurtriers, provoquant chaque année un grand nombre de morts et de blessés graves. Si le constat a été déjà fait, les avancées en matière de lutte contre ce fléau ne sont pas notables, tant que les décisions et mesures dissuasives et les grandes campagnes de sensibilisation font défaut.
Cependant, selon les données de l’Observatoire national de la sécurité routière, le nombre d’accidents routiers est en baisse par rapport à 2023. En effet, jusqu’au 8 juillet dernier, la Tunisie a enregistré 2463 accidents contre 3232 à la même période de l’année écoulée, soit une baisse de 24%. Sauf que le taux de mortalité dans ces accidents reste très élevé. En 2024, la Tunisie a enregistré 533 morts et 3412 blessés.
Au cours du premier semestre de l’année en cours, le gouvernorat de Kairouan a occupé la première place au niveau national, en termes de gravité des accidents de la route (nombre de morts pour 100 accidents), avec un taux de 56 %, toujours selon les statistiques de l’Observatoire national de la sécurité routière.
Malgré cette baisse à l’échelle nationale, la Tunisie est confrontée à un véritable fléau en matière de sécurité routière. Les accidents de la route sont l’une des principales causes de mortalité et de blessures graves dans le pays. La situation est exacerbée par l’état des infrastructures routières qui, dans de nombreux cas, laissent à désirer.
Autant rappeler que les conséquences des accidents de la route sont désastreuses, tant sur le plan humain que sur le plan économique. Si les familles des victimes sont dévastées, les coûts médicaux pour les blessés graves sont élevés. De plus, les accidents entraînent des pertes économiques importantes en raison des dommages matériels et des arrêts de travail, outre la facture du dédommagement.
L’excès de vitesse, première cause !
Consulté à ce propos, l’observatoire rappelle que l’excès de vitesse demeure la principale cause des accidents. De nombreux conducteurs ne respectent pas les limitations de vitesse, ce qui augmente considérablement le risque d’accident. « À des vitesses élevées, le temps nécessaire pour réagir face à un obstacle ou à une situation imprévue sur la route est considérablement réduit. Par exemple, à 120 km/h, un véhicule parcourt environ 33 mètres par seconde. Même une fraction de seconde de retard dans la réaction peut faire la différence entre éviter un accident et une collision fatale », a-t-on expliqué.
Pour cet organisme, acteur clé dans la lutte contre les accidents de la route, limiter la vitesse, notamment en zones urbaines peut contribuer à diminuer le taux de mortalité des accidents de 30%. « Plus la vitesse est élevée, plus la distance nécessaire pour arrêter un véhicule augmente de manière exponentielle. À 50 km/h, la distance de freinage peut être d’environ 25 mètres, tandis qu’à 100 km/h, elle peut dépasser 80 mètres. En cas d’urgence, cette distance supplémentaire peut être fatale », a-t-on fait savoir.
Force est de constater qu’outre l’excès de vitesse et les comportements imprudents des conducteurs, mais également des piétons, l’état des routes en Tunisie joue un rôle majeur dans la sécurité routière. La qualité des infrastructures routières a un impact direct sur le nombre et la gravité des accidents. Les routes en mauvais état, la signalisation et l’éclairage insuffisants, et le manque d’entretien contribuent à augmenter les risques pour les usagers de la route.
Les motos, un danger public !
Contacté, Mongi Chebbi, expert en sécurité routière, confirme ce constat. Selon lui, l’excès de vitesse est responsable de 15% du nombre d’accidents de la route, et provoque plus de 30% de décès. « La vitesse est certes une première cause, mais autant rappeler également que le réseau routier national n’est pas adapté pour lutter contre ce fléau. Le mauvais état des routes et le manque de signalisation aggravent la situation. Certaines routes ne correspondent pas aux standards nationaux, il y a aussi la qualité du parc automobile », a-t-il analysé. Et d’ajouter que les motos constituent également un risque potentiel énorme. Toujours selon Chebbi, si les motos jouent un rôle important dans la mobilité quotidienne, en particulier dans les zones urbaines où elles sont souvent utilisées pour éviter les embouteillages et faciliter les déplacements rapides, à moindre coût, les motocyclistes sont particulièrement vulnérables aux accidents de la route et sont à l’origine de nombreuses collisions chaque année.
Notre interlocuteur appelle dans ce sens à la mise en place d’une stratégie nationale de lutte contre les accidents de la route, une menace pour la santé publique. « Nous attendons depuis plusieurs années cette stratégie, car la sécurité routière requiert une coordination entre les différents acteurs. Je pense que cette stratégie devra être élaborée à partir d’un véritable diagnostic de la situation actuelle. Plusieurs ministères sont concernés, l’Intérieur, la Justice, le Transport… », a-t-il encore expliqué, soulignant que les campagnes de sensibilisation efficaces sont également un élément clé.
Permis à points, un projet voué aux calendes grecques ?
Mongi Chebbi explique dans ce sens que l’application de la loi et l’adoption de mesures dissuasives peuvent contribuer à lutter contre ces accidents, rappelant que le projet d’introduire un permis à points en Tunisie ne semble pas être à l’ordre du jour.
En effet, c’est depuis février 2021, que le ministère du Transport avait évoqué la préparation d’un projet de loi pour instaurer le permis de conduire à points. Le ministère avait invité les citoyens à consulter le document relatif au projet de loi et à donner leurs avis dans le cadre d’une approche participative.
Selon ledit projet de loi qui n’a pas encore vu le jour, le permis de conduire sera doté d’un capital de 25 points. 18 points seront accordés aux conducteurs débutants, leur crédit sera complété après deux ans d’ancienneté, seulement s’ils ne commettent aucun crime routier. Le projet de loi envisagé stipule également que des points sont retirés au conducteur s’il commet des crimes ou des délits routiers, variant entre 18 et 5 points.
Notons enfin que nous n’avons pas pu joindre les services concernés au sein dudit département pour revenir sur ce projet de loi qui devra révolutionner la sécurité routière en Tunisie. Selon les experts, la mise en place d’une telle mesure contribuera, à côté d’une efficace politique de sensibilisation, à renforcer la sécurité sur les routes.