Face aux multiples problèmes que connaît le transport terrestre des usagers, il est urgent d’adopter une série de réformes. La modernisation des infrastructures et des véhicules s’avère être indispensable. Le point de la situation.
Prendre le transport public ou en commun est devenu un véritable parcours du combattant pour des millions de Tunisiens, notamment tout au long de ces journées marquées par de longues séquences caniculaires. Train, métro, taxi, louages… tous ces moyens ne répondent pas aux attentes des voyageurs. S’ils arrivent à l’heure ou s’ils sont déjà disponibles, ce sont les conditions décentes de transport qui font défaut. Autant dire que la Tunisie n’est pas parvenue, historiquement, à renforcer son réseau de transport terrestre, notamment dans le Grand Tunis qui compte plus de 25% de la population, selon le recensement de l’Institut national de la statistique.
En effet, les quatre gouvernorats du Grand Tunis ne disposent pas d’un réseau de transport en commun interconnecté. Si le Réseau ferroviaire rapide (RFR) ambitionne de remédier à la situation, son parachèvement n’est pas pour demain. Dans l’immédiat, les usagers continuent de faire face à des conditions de transport extrêmement difficiles. En cause, l’efficacité et la fiabilité des moyens de transports, tous supports confondus.
Un véritable supplice
C’est le Président de la République, Kaïs Saïed, qui a pris le dossier en main. Et ces dernières semaines, il n’a pas cessé d’évoquer la nécessité de remédier aux multiples déficiences en renforçant les parcs dans une première étape. Il a souligné à cet effet la «nécessité d’accélérer l’élaboration d’une stratégie nationale pour le transport en commun afin de le sortir de la situation déplorable dans laquelle il se trouve en raison des politiques adoptées depuis le début des années 1990, lesquelles politiques l’ont anéanti ainsi que bien d’autres services publics». Ajoutant qu’il est impératif d’identifier des solutions au moins provisoires pour les usagers qui passent chaque jour de longues heures à attendre un bus ou un taxi collectif.
Consulté à cet effet, Lotfi Riahi, président de l’Organisation tunisienne pour informer le consommateur (Otic), reconnaît que le transport public et en commun constitue un véritable problème. Il estime que l’une des difficultés majeures est l’état des infrastructures. Les bus et les métros, qui constituent les principaux moyens de transport, sont le plus souvent en très mauvais état. Les pannes fréquentes et les retards que cela engendre exaspèrent les usagers. Par ailleurs, les arrêts de bus et les stations de métro sont rarement entretenus, ce qui crée des conditions d’attente inconfortables et peu sécurisées, selon son propos. «Nous évoquons même des questions d’ordre sécuritaire dans la mesure où les métros et les trains roulent à portes ouvertes et plusieurs accidents ont eu lieu», s’est-il désolé.
Riahi souligne que le parc des véhicules disponibles est largement insuffisant pour répondre à la demande croissante. Les bus et les métros sont régulièrement surchargés, surtout aux heures de pointe, ce qui non seulement cause des désagréments aux usagers, mais pose donc les problèmes de sécurité. Un véritable supplice !
Le Tunisien met une ou deux heures pour aller au travail
S’agissant des taxis, des taxis collectifs et des louages affectés au transport interurbain, notre interlocuteur estime que ces moyens sont nécessaires pour animer le trafic, mais de nombreux véhicules en circulation sont obsolètes et ne répondent pas aux normes modernes de confort et de sécurité. «Les taxis qui utilisent des applications mobiles proposent des tarifs exorbitants, pour quelques kilomètres, les voyageurs sont parfois appelés à payer 15 à 20 dinars pour une course», dénonce Lotfi Riahi. «Nous avons fait des statistiques prouvant que le Tunisien passe entre une et deux heures pour aller au travail, même si la distance est parfois très courte. Cela se répercute sur son rendement, mais également sur le fonctionnement de l’administration. Le même scenario se Produit à son retour à la maison», a-t-il expliqué.
Le président de l’Organisation tunisienne pour informer le consommateur appelle dans ce sens à prévoir une stratégie nationale de transport à moyen et à long terme, tout en agissant dans l’immédiat en augmentant le nombre de rames de métro et de trains pour alléger ce qu’il appelle le fardeau du transport.
Quelles solutions ?
«Le transport constitue l’un des principaux rouages du développement dans le pays. Nous sommes appelés à mettre en place une stratégie pour le Grand Tunis, mais aussi pour les autres gouvernorats et les connexions entre les grandes villes, car il s’agit là d’un problème qui se pose à l’échelle nationale. Le transport agricole constitue également un dilemme», a-t-il rappelé. Et d’ajouter que tous les pays visent à consolider le transport public, c’est un élément clé pour assurer le développement intégré, aussi pour des raisons énergétiques dans la mesure où les transports en commun consomment généralement moins d’énergie par passager-kilomètre par comparaison aux véhicules individuels. Cela permet de réduire la consommation des combustibles fossiles.
A ce niveau, et face à ces nombreux défis, il est urgent d’adopter une série de réformes. La modernisation des infrastructures et des véhicules est indispensable et une meilleure coordination entre les différents services de transport est nécessaire pour garantir un service plus fiable et plus efficace. Enfin, il faudra mettre en place des mesures de sécurité renforcées et des initiatives en faveur de l’environnement pour rendre le transport public plus attractif et durable.
A quand les mégaprojets ?
Il est également essentiel de lancer des mégaprojets de transport comme un réseau de métro souterrain pour révolutionner le paysage urbain et renforcer le projet du RFR dans le Grand Tunis malgré les coûts énormes.
Il faut rappeler qu’en 1985, un nouveau réseau de transport ferroviaire avait été réintroduit : le «Métro léger» qui fonctionne jusqu’à nos jours. Doté initialement de 5 lignes et d’une longueur totale de 35 km, ce système mixte de transport s’est avéré, à l’époque, un succès. Pourquoi ? Parce qu’il a promu un mode de transport collectif massif et structurant pour la ville de Tunis. Son extension et sa modernisation ont également métamorphosé le visage du Grand Tunis, permettant, jusqu’à aujourd’hui, à des millions de voyageurs de se déplacer dans des conditions qui étaient plus ou moins correctes.
Le transport public dans le Grand Tunis, malgré ses difficultés, reste un pilier essentiel de la mobilité urbaine. Il est donc impératif que les autorités prennent des mesures concrètes pour répondre aux besoins des usagers et améliorer la qualité du service. Sans une action rapide et efficace, la situation ne fera que se détériorer davantage, au détriment de millions de Tunisiens.