La soirée animée par le célèbre chanteur libanais Wael Kfoury a eu lieu le 19 juillet. Et comme pour la plupart des artistes les plus connus de variété arabe, femmes ou hommes, la foule des grands soirs s’est déplacée. Carton plein donc pour Kfoury. Pourtant, à la sortie du théâtre romain de Carthage, et devant le micro brandi, les témoignages sont aussi contradictoires que passionnés. Les uns estiment que le spectacle est décevant, autant par le nombre de chansons, 4 et 2 redites, que par la prestation de l’artiste, qui a préféré laisser le public chanter à sa place. D’autres, les visages illuminés de larges sourires et les yeux brillants, considèrent qu’il était comme à son habitude, formidable, que le tarif du billet, 90 DT gradins et 150 DT chaises, hors marché noir, est largement mérité, et qu’on mettrait le double s’il le fallait.
Cette disparité des avis exprimés, contrairement à ce qu’on pourrait penser, est tout à fait salutaire. Cela signifie que le concert a répondu aux attentes d’une partie du public. Mais encore, que cette divergence des témoignages vient confirmer ce que nous avons toujours défendu; les bienfaits de l’art et de la culture en général. La culture, à travers ses différentes expressions, favorise le développement des capacités intellectuelles, ainsi que le pouvoir individuel, subjectif et libre d’apprécier un produit artistique et de l’exprimer. De mettre en mots une évaluation, un sentiment personnel. Les avis formulés à chaud s’appuient d’abord et surtout sur un ressenti immédiat. Ni le lieu ni le support ne peuvent de toute façon, donner lieu à de longues argumentations.
Par la suite, un autre exercice d’évaluation objective, cette fois-ci, est nécessaire. Décrire, analyser et évaluer le concert de Kfoury et de l’ensemble de la programmation des festivals, a fortiori, celle du grand festival de Carthage, marqueur à lui seul, de la vie culturelle qui prévaut à l’échelle nationale et dont la notoriété a traversé le temps et les frontières. Il faudra donc voir si réellement l’artiste, avant de monter sur cette scène prestigieuse, a pris soin de préparer son concert avec sa troupe de musiciens et de danseurs, s’il y a lieu, ainsi qu’au regard du contenu et de la réalisation du show. Si ce n’est pas le cas, non seulement, il faudra le lui signaler, mais ne plus l’inviter, en tout cas pas dans l’immédiat. C’est le travail de l’autorité de tutelle, des organisateurs et des journalistes. Leurs critiques doivent s’adosser incontestablement à des analyses froides et argumentées.
A l’autre extrémité, surgissent les avis impulsifs et négatifs par principe. Leurs auteurs ? Ceux contre le régime en place, dénigrant tout au passage, quel que soit le secteur d’activité. Selon eux, tout ce qui se fait maintenant est mauvais, n’est pas digne d’intérêt. En second lieu, viennent ceux qui sont privés de divertissement, faute de moyens, ou pour être géographiquement situés dans des zones reculées ou rurales. Là, c’est à l’Etat, idéalement, avec le concours du privé, d’étendre les pratiques culturelles à chaque recoin de la Tunisie et à des tarifs abordables. Les déserts culturels sont aussi dangereux que les déserts scolaires et les déserts médicaux.
Enfin, il y a les autres. Ceux qui se sont érigés en police des mœurs. Ils croient, en s’appuyant sur des jugements pseudo-moraux, avoir le droit d’insulter, dans un langage ordurier, le public, particulièrement les femmes, mais également les artistes et les organisateurs. Tout le monde en prend pour son grade. Confinés dans la routine et les préjugés, ils s’estiment dans leur bon droit d’injurier grossièrement les autres. Alors ceux-là, il faudra s’en soucier comme de l’an quarante.