Il va falloir s’y habituer, l’intégrer comme paramètre constant et incontournable dans tout ce que nous allons entreprendre : hygiène, bâtiment, production vivrière et industrielle, loisirs, etc. : tout est d’ores et déjà soumis à l’impératif de l’économie de l’eau.
Cela fait déjà quelques décennies qu’on s’est mis à agiter le spectre de la soif. Cela nous paraissait alors lointain, comme promis aux générations suivantes. Et, égoïstement, nous n’avons rien entrepris pour prendre en compte cette échéance et mettre en œuvre une stratégie de gestion de l’eau, une ressource plus précieuse que toutes les autres puisque vitale pour tous les vivants. Pas d’actions d’envergure pour rationaliser la consommation de ce liquide, ni de plans audacieux pour en conserver les quantités phénoménales perdues dans les méandres de réseaux souterrains usés jusqu’à la corde ou en surfaces en temps —de plus en plus rares, il est vrai— de crues ; pas plus qu’on a drainé les barrages envasés et dont le limon aurait été d’une grande utilité pour la bonification de vastes périmètres aujourd’hui en friche pour cause d’infertilité. Et même les timides actions de recyclage des eaux usées se sont le plus souvent révélées de médiocre qualité.
Bref, aujourd’hui nous en sommes là : une eau qui se raréfie dans nos robinets quand robinets il y a, avec le corolaire de cette pénurie, un moindre confort dans la vie de tous les jours tout le temps et partout. On vous parlera de plans de reconversion d’activités consommatrices d’eau et de mise en œuvre de nouvelles technologies de désalinisation de l’eau, aujourd’hui une véritable goutte d’eau dans la mer. Il n’est pas nécessaire de fourrer son nez dans l’intimité des gens pour constater l’infraction.
Des dispositions immédiates et drastiques doivent être édictées par le ministère de l’Agriculture qui gère le secteur hydrique en vue de comprimer le plus possible la consommation d’eau. L’an dernier, ce département s’est bien fendu d’un arrêté interdisant toute forme de gaspillage de l’eau et son utilisation à des fins non indispensables tels que le lavage des voitures, le remplissage des piscines, les activités ménagères à grande eau et même l’arrosage des jardins. Sous peine de fortes amendes !
Pas plus tard qu’avant-hier en fin d’après-midi, les jardiniers du théâtre antique de Carthage arrosaient généreusement la haie de plantes ornementales courant le long de la devanture de l’aire d’accès au monument accueillant les spectacles du festival de Carthage, ce qui est compréhensible, mais inondaient également la chaussée qui passe devant !
En fait, quiconque circulerait dans cette prestigieuse commune enjamberait, chaque matin, des filets d’eau sortis des résidences riveraines ou ceux coulant le long de trottoirs convertis en stations de lavage de voitures et qui convergent vers les caniveaux, formant de véritables petits ruisseaux qui courent sur des dizaines de mètres. Il n’est ainsi pas nécessaire de fourrer son nez dans l’intimité des gens pour constater l’infraction. Et Carthage n’a pas l’apanage de cet abus. La question, toute la question n’est pas de savoir si nous sommes bien outillés pour faire face à une situation périlleuse. Nous le sommes. Le tout est de mettre en œuvre ces outils.