En plein milieu de l’été, on peut espérer que la vague de chaleur infernale prophétisée par certaines institutions météorologiques et tant redoutée a été esquivée de justesse, encore qu’avec le dérèglement climatique en cours un retour de manivelle n’est absolument pas à exclure et que, de toute façon, de belles « siestes grenadines » nous attendent au détour de l’automne. Bref, R.A.S., serait-on tenté de dire. Du moins pour les bipèdes que nous sommes. Qu’en est-il pour les autres ? Quadrupèdes errants, gents ailées ou rampantes ? Je ne saurais répondre pour toute cette population, si ce n’est par une généralité issue de l’observation superficielle. Son sort en cette saison n’est pas enviable, surtout à cause de la cruelle insuffisance de points d’eau pour les désaltérer, même si certaines âmes charitables prennent soin, près de chez eux, de remplir d’eau des fonds de bouteilles en plastique et de déposer des restes de victuailles et même des préparations alimentaires spécialement concoctées à l’intention de ces bêtes errantes.
Au total, le tableau n’est donc pas reluisant. J’ai cependant, deux jours en arrière, été témoin de deux scènes qui m’ont donné chaud au cœur par leur humanité.
Bêtes errantes, victimes de l’égoïsme
D’anciens maîtres qui les ont livrées à la rue
Sans autre problème de conscience
La première, tout près de chez moi, à la Byrsa, a pour protagonistes une dame d’âge très mur et quatre chiens, des bâtards, assurément, néanmoins d’allure racée. La première était, à la tombée de la nuit, assise devant son minuscule atelier de couture et autres retouches à ravauder quelque pièce usée. Les autres, quatre bêtes de belle taille et de belle apparence, étaient allongés sur la chaussée quasiment au pied de l’artisane. Ce n’était de toute évidence pas des animaux de compagnie.
Ils constituaient bel et bien une petite horde de ces bêtes errantes, victimes de l’égoïsme d’anciens maîtres qui les ont livrées à la rue sans autre problème de conscience. La couturière m’a appris que ces chiens avaient pris leur quartier au voisinage de son domicile et que, tous les jours depuis plusieurs mois, ils l’accompagnaient chaque matin pour faire ses courses ou pour venir dans son atelier. A la tombée du jour, ils revenaient pour l’escorter sur le chemin du retour. Cette dame m’a expliqué que ces bêtes s’étaient mises à lui rendre ce service sans qu’elle l’ait cherché. Et même qu’au début elle s’était méfiée de leur démarche. Assurée de leur bienveillance, elle s’est mise à les remercier à sa manière : provision d’eau et victuailles. A leur contact, elle a appris le degré d’humanité qui habite ces êtres qu’elle ne considère plus comme inférieurs ; tout juste différents et même complémentaires de notre espèce.
NB. Cette dame est de ceux qu’on désigne comme étant analphabètes…
(A suivre)