Les Tunisiens se sont passionnés pour cet univers riche et diversifié, allant jusqu’au «rêve coréen». Pourquoi la culture sud-coréenne séduit-elle autant nos jeunes ? Retour sur un phénomène.
Malgré les 9.500 km qui nous séparent, la k-culture connaît une popularité croissante en Tunisie, notamment auprès des adolescents. Transmises par les séries (k-drama) ou la musique (K-pop), les productions issues de la Corée du Sud semblent, depuis quelques années, prêtes à détrôner Hollywood et ses dérivés.
Plus qu’une simple tendance..
Les Coréens sont décrits comme des génies du marketing et des technologies. Actuellement, c’est également la culture sud-coréenne qui s’exporte et rencontre un succès mondial indéniable. Musique, cinéma, nourriture, cosmétiques ou mode, elle touche de nombreux domaines et peut alors nous attraper par n’importe quel angle. Cette vague s’est d’abord propagée aux pays asiatiques avoisinant, puis a gagné de plus en plus de visibilité et de terrain dans tous les continents. Si l’on se rappelle le succès viral de «Gangnam Style», sortie en 2012, on se rend compte que cette montée en puissance de la culture coréenne est soutenue par toute une tendance mondiale fascinante. Une chanson ironique dans une langue inconnue, mais qui comptabilise pourtant aujourd’hui plus de 4 milliards de vues sur Youtube. Depuis, la musique coréenne s’est faite connaître partout dans le monde. Avec des mélodies accrocheuses et des chorégraphies dynamiques, les groupes comme BTS et Blackpink atteignent facilement la barre du milliard de vues par chanson en un temps record. Ce succès musical est doublé d’un triomphe dans l’industrie dramatique. Squid Game, série flippante et excentrique, est toujours la plus regardée sur la plateforme américaine Netflix. Quant au cinéma, le monde entier a salué en 2020 la quadruple victoire aux Oscars de «Parasite», film du Sud-Coréen Bong Joon-ho. Meilleur film, meilleur film international, meilleure réalisation et meilleur scénario : une distinction «surprise» selon les amateurs de cinéma et les critiques. Doit-on encore être surpris de la popularité de la culture sud-coréenne ? Pourquoi les jeunes préfèrent-ils aujourd’hui les stars de Séoul à celles d’Hollywood ? Difficile de trouver des explications pertinentes.
Ce que l’on constate, c’est qu’en remportant des prix prestigieux, dont également la Palme d’Or au Festival de Cannes, «Parasite» a su attirer l’attention du public à l’échelle planétaire et a suscité un intérêt renouvelé pour le cinéma coréen de manière générale. En 2022, deux films coréens ont marqué la Croisette et sont récompensés lors de la même édition : «Decision to leave» et «Broker». Drames intenses, comédies légères, ou thrillers à couper le souffle, ils illustrent la richesse artistique du pays. Véritable pilier de la culture nationale, cette industrie florissante s’est alors imposée comme un miroir reflétant les complexités sociales et historiques. Comme la Corée du Sud est une mosaïque d’histoire, de coutumes et de croyances qui s’étend sur plusieurs millénaires, cette attractivité culturelle, aussi fulgurante soit-elle, a dépassé progressivement le domaine artistique, tout en promouvant un intérêt accru pour la langue, la cuisine et les traditions.
Le marché tunisien de plus en plus conquis
L’attrait pour les produits culturels coréens est un phénomène mondial auquel la Tunisie n’échappe pas. Une large palette est alors proposée chez nous, à commencer par le spectacle donné par le groupe B.I.G en 2022 dans le cadre du Festival international de Carthage. Comme les visites des musiciens en Tunisie se font rares, des concerts enregistrés sont projetés pour le plus grand bonheur des adeptes de cette musique, en concurrence avec les films, et remplissent des salles entières de cinéma. Les membres des groupes sont très proches de leurs fans à travers les vidéos en direct diffusées en continu sur les réseaux sociaux. Les distances géographiques sont alors estompées. Des communautés d’adorateurs tunisiens se sont créées et de nombreux évènements et rencontres sont organisés autour de cette passion.
Cependant, les chansons ne sont que la partie visible d’un iceberg de produits dérivés des groupes de K-pop qui foisonnent en ligne, dans le commerce parallèle et même aux grandes surfaces: vêtements imprimés, cartables et autres articles de fournitures scolaires qui portent les noms ou les photos des stars. On met également en vente des posters, des albums photos et des accessoires de décoration de chambres. Les parents ne semblent même plus s’étonner quand leurs enfants exigent l’achat des CD qui ne sont pas conçus pour être écoutés, mais en objets de collection dont le prix avoisine les cent dinars. Comme l’ampleur de cette vague culturelle, qui n’est pas prête de s’estomper, passe par les films et séries, de nombreux adolescents en Tunisie se sont tournés vers les plateformes d’apprentissage de langues en ligne pour déchiffrer en bas de leurs écrans le hangeul qui est l’alphabet coréen. Désormais, les lycées se vantent de maîtriser des textes entiers de cette langue. La gastronomie du made in Seoul commence également à s’imposer grâce aux produits importés : nouilles, sucreries, sauces en conserve.. Les choix se multiplient à travers des pages tunisiennes dédiées.
Dans les domaines de la mode, de la beauté et du lifestyle, les influenceurs occidentaux populaires ont cédé leurs places à des personnalités coréennes émergentes. Les jeunes qui les suivent et les idolâtrent voient dans les différents aspects attrayants de la Corée du Sud leur eldorado.
Cette ouverture sur l’univers coréen a renforcé le fossé creusé entre la génération des enfants et des parents qui se tiennent souvent hébétés face à un langage qui leur est totalement étranger. Une incompréhension qui peut générer des tensions quand les parents n’acceptent pas de se sentir totalement dépassés. Les « vieilles personnes » ont-elles vraiment intérêt à se rattraper et à adopter elles aussi un penchant pour la k-culture ?