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Une équation difficile mais pas impossible

Editorial La Presse

 

Baisser de rideau sur les festivals. On craignait les gueules de bois des lendemains de fête, du vide et du silence. Cette pratique devenue courante d’organiser des soirées dites privées, comprenons non parrainées par l’autorité de tutelle, assure fort heureusement le passage entre le foisonnement des festivals d’été et une rentrée culturelle plurielle, adaptée à la saison automnale et aux espaces fermés.

Des spectacles et animations à thème, des comédies musicales naissantes, des valeurs sûres de la variété tunisienne et orientale et de jeunes pousses ont animé cette étape transitoire, avec des succès assurés et quelques ratages. C’est que le théâtre romain, même non paré du voile du festival, n’est pas une salle des fêtes que l’on peut louer à l’heure. Imposant édifice, chargé d’histoire, il est exigeant à l’image d’une déesse antique qui veille sur son domaine, peut recevoir comme chasser celui qu’elle juge indigne de sa forteresse accueillante et redoutable à la fois.

Certains l’ont appris à leurs dépens. Avant de monter sur la scène de Carthage, une carrière se prépare, avec des larmes mais pas seulement. Il faudra travailler dur, en s’armant de patience, pour se constituer un répertoire digne de ce nom. Il faudra s’entourer de professionnels artistiques, techniques et de conseillers en com pour se faire connaître. Et tout au bout de la chaîne, engager un bon imprésario. Et non l’inverse.

A l’heure des bilans, maintenant, et comme à chaque fin de saison, il y a toujours cette petite musique qui revient, d’où se répand une amertume tenace, à cause du nombre limité d’artistes tunisiens, nous dit-on. Ce qui est totalement faux. Cette année, le festival de Carthage et ceux qui disposent de budgets «corrects» ont tenté, par le biais d’une programmation riche et étoffée, de répondre à tous les goûts. Parce que le public tunisien n’est pas un et homogène. Les divers publics des festivals ont donc le droit de trouver et d’apprécier des spectacles et concerts qui répondent à leurs attentes, à leurs goûts, à leurs âges aussi. Artistes et groupes tunisiens, orientaux, occidentaux et du monde entier.

Donner la primeur aux acteurs tunisiens, à la faveur de leur nationalité, est le meilleur moyen de favoriser les poussées identitaires dans un domaine, la culture, qui, par son essence, doit faire barrage à ces relents démagogiques. Au contraire, côtoyer des cultures et des artistes de toutes origines, s’en inspirer, proposer et échanger des modes de création, de production, et de jouissance. C’est donner à notre vie, nous Tunisiens, publics et professionnels, une richesse, une couleur et un dynamisme nouveau, régénérant, salvateur.

Nous abordons une nouvelle saison culturelle, la question qui revient, lancinante, est comment soutenir les pratiques culturelles et artistiques, alors que les canaux de financement classiques sont insuffisants, et ne répondent pas à notre ambition de faire de notre pays une puissance culturelle. De fait, le sponsoring, le mécénat, tout comme les réductions fiscales, n’ont pas suffi. En vue de hisser la fiction tunisienne, le cinéma, le spectacle vivant et la musique dans toutes ses composantes en de véritables industries, il faudra impérativement promouvoir l’investissement privé. Or, la difficulté principale réside dans la rentabilité de ces projets. Comment donc rendre la culture et les arts attractifs et rentables pour les promoteurs privés, en préservant, dans l’absolu, la qualité artistique de l’œuvre ? Une équation qui semble difficile mais pas impossible.

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