« Là d’où l’on vient » (Mé el Ain) de Meryam Joobeur : Une tragédie onirique

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De notre envoyée spéciale à Namur Neila GHARBI

« Là d’où l’on vient » ou « Mé el Ain » de Meryam Joobeur, une coproduction entre la Tunisie, le Canada et la France, est une tragédie en trois actes, dont elle signe également le scénario. Le film concourt dans la catégorie Première œuvre à la 39e édition du Festival international du film francophone de Namur, qui se déroule du 27 septembre au 4 octobre 2024. Il a été présenté devant un public namurois venu nombreux, en présence de Mohamed Grayaâ, acteur et principal protagoniste du film.

Construit comme une tragédie grecque, « Là d’où l’on vient », qui est le prolongement du court métrage « Brotherhood », s’ouvre sur un fondu noir et le bruit du vent assourdissant comme pour annoncer l’arrivée d’une tempête. Dès la première image représentée par un arbre dans un champ au milieu d’une zone rurale, le décor est planté.

Apparaissent Aicha et Brahim, mère et père de quatre garçons dont deux, Mehdi et Amine, s’éclipsent pour rejoindre le Djihad en Syrie pour combattre ce que les groupes terroristes religieux appellent les mécréants tandis que leurs deux autres fils Bilal, policier, et Adam, encore enfant, vivent avec leurs parents.

Le premier chapitre : « Un an après l’orage », Mehdi retourne au bercail avec son épouse enceinte qu’il a sauvée des griffes des terroristes qui voulaient la tuer alors que son frère Amine a été décapité. Ils vivent cachés de peur d’être agressés par les habitants et incarcérés par la police. Le père Brahim refuse de les loger, « s’ils restent, tout le monde ira en prison », dit-il en substance, tandis que la mère Aicha essaie de les protéger mais cherche aussi à comprendre pourquoi ses enfants sont devenus des extrémistes.

Deuxième chapitre : « Une ombre parmi nous », Aicha cache la vérité à son fils Adam et lui fait croire que ses frères sont partis travailler en Italie. Mais l’enfant s’interroge sur la femme avec le voile intégral que Mehdi a ramenée avec lui à la maison.

C’est Reem, une jeune femme du Nord de la Syrie considérée comme une mécréante par les islamistes et dont la famille a été tuée par Daesh. Aicha supplie Brahim d’accepter Reem au moins jusqu’à son accouchement. Cette dernière disparait et revient avec son bébé mort qu’elle livre à Aicha pour l’enterrer.

Troisième chapitre : « L’éveil », c’est l’heure des aveux. Mehdi n’a plus de secret à cacher et pour boucler la boucle, il dévoile toute la vérité à sa mère tourmentée par une telle malédiction.

Elle ne comprend pas pourquoi ses enfants en sont arrivés à se laisser endoctriner par les extrémistes religieux. Elle n’arrête pas d’avoir des hallucinations et des visions où elle imagine les malheurs qui arrivent à ses enfants.

« Là d’où l’on vient » est une sorte de huis clos familial où rôde le spectre de la mort. Le film vous prend aux tripes entre images réelles et images fantasmées et prouesses d’une mise en scène toute en nuance. Le cadrage joue sur les gros plans pour mieux appréhender les expressions des visages qui dégagent de fortes émotions.

Les voix sont souvent hors champ  donnant de l’ampleur à cette œuvre d’une grande qualité et portée par des acteurs formidables dont Mohamed Grayaâ, Salha Nasraoui et des acteurs non professionnels. Un premier long métrage réussi alliant à la fois réalisme et onirisme.

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