On a commencé, ces dernières années, à parler des villes durables, comme clé de voûte du développement intégral qui cadre avec le confort et le bien-être humain. Or, atteindre cet objectif exige, a priori, l’élaboration d’un plan directeur d’aménagement urbain, où toutes les commodités d’une vie sociale digne et décente sont garanties.
Pour les projets en cours et à venir de l’Agence foncière de l’habitat (AFH), le temps est plutôt à l’esthétique urbaine. Fini le temps d’un toit pour se loger comme objectif ultime. Le bien-être individuel et collectif semble être le leitmotiv de toute action engagée par l’AFH, comme, d’ailleurs, l’assure le directeur régional du centre, Fakhreddine Tlich approché par La Presse.
Projet El Mansoura, comme exemple
En témoigne, selon lui, le projet El Mansoura à Kairouan, dont les travaux sont en cours. « Ce projet pilote conférera à la ville de Kairouan un nouveau visage, étant l’aboutissement d’une grande expertise et d’un travail collectif, innovant et créatif », fait remarquer notre interlocuteur. D’après la même source, le projet El Mansoura, qui s’étend sur 87 ha, comprend 1.220 logements et 32.000 habitants. Il y aura aussi 1012 lots destinés à l’habitat individuel et 1.650 unités consacrées à l’habitat collectif, semi-collectifs et au commerce. Les travaux ont démarré le 16 novembre 2023 et l’état d’avancement du projet, qui devra durer 18 mois, est de 50%. Son coût total est estimé à 130 millions de dinars. Parmi les composantes phares de ce projet figure l’hôpital universitaire Roi Salmane, occupant 13 ha. « Ce projet revêt une importance majeure pour l’AFH, du fait de son timing, de son emplacement stratégique à l’entrée de la ville et aux confins d’un hôpital universitaire. D’autant qu’une place à part sera faite à l’esthétique urbaine. C’est-à-dire que la ville se modifiera et le vert gagnera du terrain. Plus durablement, l’environnement quotidien des citadins contemporains sera reconfiguré », explique le responsable. Et d’ajouter : « L’environnement se parera désormais d’une nouvelle esthétique urbaine, associée aux politiques de ville durable, d’urbanisme écologique. Et c’est cette esthétique qui transformera l’espace public, avec la multiplication des innovations technologiques vertes ».À la question de savoir si l’AFH a pris en considération le manque frappant de moyens de loisirs dans cette ville, le directeur régional du centre a rétorqué qu’il y aura un complexe culturel et des terrains de quartier dans ce nouveau centre urbain.
La ville et ses spécificités
La ville de Kairouan se caractérise par des quartiers non planifiés et encore moins aménagés, situés en majorité en périphérie de la ville. Ces quartiers se distinguent par une mauvaise mixité sociale, des inégalités écologiques venant d’un taux de branchement de l’assainissement inférieur à celui des autres quartiers de la ville et un système de collecte de déchets défaillant, des inégalités de mobilité vu l’inexistence des transports public et/ou en commun et un problème majeur d’intégration des habitants de ces quartiers touchés par l’exclusion sociale. Durant son histoire, la ville est passée par une grande diversification de civilisations et cultures différentes qui ont laissé leurs empreintes sur la ville et sur ses tissus urbains et sociaux. La ville englobe différents tissus urbains anciens et nouveaux et souffre de problèmes d’aménagement, accumulés durant les différentes périodes. La ville de Kairouan, morphologiquement, est de forme ovale, entourée par une rocade ceinture. Chaque nouvelle extension est aussi entourée par une rocade intérieure. Les anciens noyaux de la ville de Kairouan sont principalement (54 hectares) la Médina (intra- muraux) et ses deux faubourgs (Alarbadhe) «Al Jablia » et «Al Keblia ».
Ils représentent une grande valeur historique et patrimoniale universelle, puisqu’ils sont classés sur la liste de l’Unesco du patrimoine mondial. Les noyaux de la Médina et de ses deux faubourgs sont de forme trapézoïdale et entourés par une première rocade- ceinture. Malgré leur importance, les anciens noyaux de la ville sont menacés d’un risque de dégradation et de ruine des constructions patrimoniales, la Médina et ses faubourgs nécessitent, pour préserver leurs spécificités urbanistiques et architecturales, une large intervention de réhabilitation et un programme de mise en valeur, de récupération et de conservation.
Au-delà des considérations pratiques
L’un des problèmes majeurs de la ville est son étalement vers l’ouest et sa faible densité urbaine vers l’est. Conséquence ? Un tiers de la zone urbanisée est totalement vide. Cet étalement, avec cette faible densité urbaine, provoque la dégradation des réseaux viaires et des réseaux de base (assainissements, eau potable, électricité…). L’habitat dans la ville de Kairouan se caractérise, au demeurant, par la dominance du type individuel.
L’habitat collectif reste assez limité. De même, les quartiers anarchiques se développent généralement dans les zones périphériques de la ville et sont généralement caractérisés par l’absence totale de planification urbaine. Reste à dire que la conception des espaces urbains à partager va au-delà des considérations pratiques, il s’agit de créer ces expériences qui les rendent vivants et qui attirent les gens, dynamisant ainsi des quartiers plus larges et, en fin de compte, les villes elles-mêmes.