Leila Toubel se sert de références pour alimenter son texte écrit avec beaucoup de subtilité. Dans sa mise en scène, la musique captivante signée Mehdi Trabelsi et le chant de Abir Derbel occupent une place aussi importante que la danse de Ammar Ltifi, rituel unificateur.
La Presse— Avec cette nouvelle création théâtrale «Ad Vitam», présentée en avant-première samedi dernier au 4e Art, Leila Toubel ajoute une pierre à son édifice déjà riche de plusieurs pièces. Fruit d’une coproduction entre le Théâtre national tunisien et Resist’Art, « Ad Vitam » se présente à la manière d’un conte moderne qui pose des questions essentielles sur l’existence : la naissance, la vie et la mort. La metteuse en scène livre une vision âpre, tendue et même parfois violente de l’existence.
«Tel qu’aujourd’hui, je suis née. Tel qu’aujourd’hui, j’ai survécu. Tel qu’aujourd’hui, je disparaîtrai». C’est par ces phrases, qui reviennent comme une litanie tout au long de la représentation, que commence le spectacle. «Ad Vitam» déploie les maux de notre temps et met les spectateurs face à leurs contradictions et leur humanité. Quelle place de l’individu par rapport à l’existence, à la morale et à lui-même. Pour tenter de trancher ce nœud gordien, Leila Toubel adopte une démarche labyrinthique.
La pièce démarre avec une apparition inattendue qui surprend le spectateur, une petite fille d’à peine 5 ou 6 ans, habillée en robe blanche telle une princesse, traverse la scène. C’est Donia née des entrailles de la Terre, cette mère nourricière qui l’appelle à la rejoindre. Donia s’envole comme un papillon et laisse derrière elle son entourage bouleversé. Orkida, Jannet, Bissen et Miloud commencent à errer dans un labyrinthe à la recherche de Donia mais aussi d’eux-mêmes, explorant leur passé, leur présent et leur avenir dans une quête initiatique où chacun va se retrouver face à sa propre réalité où se mêlent amour, désir et frustrations.
Au-dessus d’eux survole, sans cesse, la question pérenne de la vie et de la mort. D’où venons-nous, où allons-nous ? Et le spectacle de progresser avec acuité dans l’actualité brûlante naviguant entre la philosophie, le réel, la métaphysique, la morale et l’éthique. Un miroir tendu au spectateur qui retrouvera un point de ressemblance avec son vécu. Bien que le récit apparaisse disloqué, l’autrice et metteur en scène ne perd pas le chemin dans ce labyrinthe qui trouve son origine dans la mythologie grecque. Les personnages se perdent et se retrouvent dans ce chemin imaginaire qui va les guider à retrouver Donia, la vie.
La dramaturgie est construite savamment de main de maître. Leila Toubel se sert de références pour alimenter son texte écrit avec beaucoup de subtilité. Dans sa mise en scène, la musique captivante signée Mehdi Trabelsi et le chant de Abir Derbel occupent une place aussi importante que la danse de Ammar Ltifi, rituel unificateur. La pièce impose un rythme soutenu qui révèle une maîtrise de la mise en scène servie par une lumière étudiée de Sabri Atrous, le mapping impeccable de Mohamed Badr Ben Ali, les costumes colorés réalisés par Marwa Mansouri et l’interprétation accomplie et engagée des comédiens : Assala Najjar, Dina Weslati, Faten Chroudi, Khadija Mahjoub, Oussama Chikhaoui et la petite princesse Maya Saidane.
«Ad Vitam» est une pièce d’une grande générosité. Un hymne à la vie et la liberté, représentée par un essaim de papillons qui survolent la scène et la salle composant une resplendissante chorégraphie.