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Tarabband aux JMC : Raconter la résilience en musique

Devant une salle archicomble, le ton de la soirée était donné dès les premières notes qui ont révélé la voix douce de Nadin Al Khaldi et l’émotion poétique et musicale qu’elle peut transmettre.

La Presse — Le Théâtre de l’Opéra à la Cité de la culture de Tunis a accueilli le célèbre groupe musical Tarabband dans le cadre de la deuxième soirée des Journées musicales de Carthage. La troupe de six membres a été  fondée en Suède en 2008 par l’Egypto-Irakienne Nadin Al Khaldi et le Suédois Gabriel Hermansson. Parmi les autres musiciens, trois Suédois et un Français. Le nom Tarabband, un jeu de mots sur Tarab and Band, annonce déjà l’identité musicale du sextuor qui porte un mélange culturel riche. De plus, Tarab fait partie de ces mots qu’il est pratiquement impossible de traduire avec précision dans une autre langue.

Pour ce premier concert à Tunis, et deuxième en Tunisie après un passage remarquable au Festival international de Sousse en 2016, le groupe s’est fait accompagner d’une autre figure féminine, la Suédoise Emilia.

Devant une salle archicomble, le ton de la soirée était donné dès les premières notes qui ont révélé la voix douce de Nadin Al Khaldi et l’émotion poétique et musicale qu’elle peut transmettre. La chanteuse, son saz à la main, un luth à manche long, a salué le public en langue arabe. Elle a évoqué quelques données biographiques qui permettent une meilleure compréhension de sa vocation et de la profondeur de ses textes écrits en arabe et mis en musique par les membres de Tarabband. En effet, Nadin Al Khaldi a grandi en Irak. Elle a perdu sa mère à 10 ans puis son père à 20 ans. Elle a été témoin des horreurs et des guerres successives qui ont ravagé son pays natal, la poussant à se réfugier en Suède à 24 ans. Derrière chaque chanson, il y a donc une histoire à raconter, faisant appel à un large spectre de sentiments intériorisés. Dans le premier titre « Makan », la figure de proue de Tarabbband remonte le temps 20 ans en arrière, se rappelant ses promenades avec son meilleur ami quand elle venait juste de débarquer en Suède et leur rêve d’un avenir meilleur. Un autre titre raconte la souffrance d’une jeune étudiante irakienne qui a perdu son amoureux, fusillé lors d’une manifestation. Nadin a pris une pause à chaque fois pour raconter des souvenirs de son propre vécu ou pour évoquer des données et des statistiques sur l’effet des guerres civiles et du terrorisme sur les femmes irakiennes. En intégrant des éléments personnels, les paroles évoquent des sujets politiques et sociaux ainsi que des questions sur l’identité, la survie, l’amour et la tolérance entre les différentes cultures. En dépit du contenu dramatique des chansons, elles ont été présentées de manière très rythmée avec une énergie débordante, comme une ode à la liberté et l’émancipation. Comme la fusion interculturelle est la marque de fabrique du groupe, la musique est un mélange de mélodies orientales et occidentales. Cordes et percussions se sont alors mêlées pour une expérience musicale qui fait résonner le tarab avec des improvisations dans lesquelles chaque instrumentiste a apporté sa touche. D’ailleurs, chaque musicien a fait une partie de quelques minutes en solo. Un des points forts du groupe a probablement été de faire jouer aux musiciens européens de véritables percussions à la derbouka et au daf avec une maîtrise technique sans reproches. Le public, en exaltation avec ce splendide amalgame de Tarab imprégné de mélodies occidentales, était debout presque toute la soirée, fredonnant, dansant et accompagnant la fin de chaque titre par un tonnerre d’applaudissements. Le drapeau palestinien était présent marquant la vocation engagée du concert. Les membres de Tarabband ont quitté leur place au milieu de la soirée pour rejoindre le public. Ils se sont donné la main avec des spectateurs et ont exécuté une danse « dabké » typiquement palestinienne, avec Nadin Al Khaldi remuant le chapelet palestinien, pour la chanson « Ardh jdadi » (Terre de mes ancêtres). Le concert d’environ une heure et demie était donc une rencontre musicale rare et puissante capable de  transgresser les frontières qui se dessinent entre les pays et les humains. Une soirée mémorable pour les spectateurs en extase comme pour le groupe qui a posté fièrement des photos du concert sur sa page officielle.

Notons que les Journées musicales de Carthage se poursuivent jusqu’au 24 janvier avec une programmation éclectique. Quatre spectacles sont prévus chaque jour à la Cité de la culture de Tunis avec des billets entre 10 et 20d. D’autres concerts gratuits se tiennent à l’Avenue Habib Bourguiba de Tunis pour le grand bonheur des mélomanes.

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