Accueil Economie L’économie de rente en Tunisie : Un véritable frein au développement

L’économie de rente en Tunisie : Un véritable frein au développement

« La rente est plus pernicieuse que la corruption parce qu’elle s’appuie sur des bases légales. Elle est aussi dangereuse, car elle génère tous les excès », regrettent les économistes. Même si cette économie a pu se justifier dans les années 70 et 80, lorsque l’Etat a voulu sortir d’une économie administrée pour faire naître une génération d’entrepreneurs, aujourd’hui cette forme d’économie représente un obstacle au développement.

La Presse —Malgré son potentiel et ses réformes successives, l’économie nationale reste marquée par une forte présence de structures rentières et de lobbies influents. Ces dynamiques freinent la compétitivité, l’innovation et l’intégration des jeunes entreprises dans un marché souvent capté par des groupes établis bénéficiant de réglementations favorables. Une économie de rente repose principalement sur l’exploitation de ressources naturelles, de privilèges réglementaires ou d’une position dominante sur un marché, plutôt que sur la production de la valeur ajoutée à travers l’innovation et la compétitivité.

En Tunisie, l’économie de rente ne se limite pas aux ressources naturelles, mais s’étend à divers secteurs où l’accès est limité par des barrières administratives et des monopoles légaux. Les principales formes de rente en Tunisie incluent les monopoles et cartels : certains secteurs, comme l’importation de produits de base ou la distribution d’énergie, sont contrôlés par des entreprises bénéficiant de privilèges réglementaires.

De nombreuses activités économiques nécessitent, elles, des agréments délivrés par l’Etat, créant des barrières à l’entrée pour les nouveaux acteurs. Quant au secteur foncier, la spéculation immobilière, favorisée par une réglementation opaque, profite à une minorité au détriment de l’accès à la propriété pour les classes moyennes et les jeunes entrepreneurs.

L’influence des lobbies sur l’économie tunisienne

Les lobbies, qu’ils soient issus du secteur privé ou de certaines institutions publiques, jouent un rôle déterminant dans la perpétuation de l’économie de rente. En exerçant une influence sur les décisions politiques et économiques, ils limitent la concurrence et protègent les intérêts des acteurs établis. Et les mécanismes d’influence des lobbies s’annoncent multiples et divers. Il y a la pression sur la réglementation.

En effet, des groupes influents interviennent pour maintenir des réglementations favorables à leurs intérêts, empêchant l’ouverture de certains marchés à de nouveaux entrants. Des décisions économiques sont parfois prises en fonction d’intérêts privés plutôt que de l’intérêt général, freinant les réformes structurelles. D’autant que certaines aides publiques, censées soutenir l’investissement et l’innovation, bénéficient en priorité à des entreprises bien connectées, au détriment des PME et startup.

Conséquences néfastes

L’impact négatif de cette structure rentière et de l’influence des lobbies est multiple. Cela génère un frein à la compétitivité et à l’innovation. L’absence de la concurrence décourage de ce fait l’investissement dans la recherche et le développement, ralentissant la modernisation de l’économie tunisienne.

Et la concentration des richesses entre les mains de quelques acteurs perpétue les inégalités et limite la mobilité sociale. La fuite des cerveaux et le désinvestissement des jeunes vont crescendo. Force est de constater qu’une économie dominée par la rente se développe moins rapidement et crée moins d’emplois que celle basée sur la productivité et l’innovation.

Quelles solutions ?

Plusieurs réformes s’imposent pour échapper à la logique rentière. D’abord, il faut libéraliser et ouvrir des marchés, en encourageant la concurrence et en réduisant les monopoles pour ainsi faciliter l’entrée de nouveaux acteurs.

Il faut, de surcroît, réduire les barrières administratives, en simplifiant les procédures d’octroi de licences et d’autorisations pour favoriser l’initiative privée. S’y ajoutent la lutte contre la corruption et la promotion de l’innovation et du secteur technologique en encourageant l’investissement dans les start-up  et les industries à forte valeur ajoutée pour diversifier l’économie.

L’économie tunisienne souffre, au demeurant, d’un modèle rentier et d’une influence excessive des lobbies, limitant son dynamisme et sa capacité à générer une croissance inclusive.

Le président de la République a bien fait de procéder à des réformes courageuses, annonçant une transition vers une économie plus compétitive et transparente, afin d’assurer un développement durable et équitable en Tunisie. L’arme la plus efficace contre cette  économie de rente reste encore la démocratie, où les abus sont mis en lumière et leurs auteurs punis.

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