Accueil Economie Notations souveraines et réformes : Les clés pour s’extirper de la zone d’incertitude

Notations souveraines et réformes : Les clés pour s’extirper de la zone d’incertitude

Une bonne nouvelle pour la Tunisie que celle de la notation de l’agence «Moody’s», révélée dernièrement, qui réévalue notre note souveraine qui passe de Caa2 à Caa1. Une information qui montre la résilience de la Tunisie certes, mais qui appelle à beaucoup de prudence.

Techniquement, en passant de Caa2 à Caa1 dans les petits carnets de «Moody’s», la Tunisie améliore légèrement sa perception du risque, mais reste, il faut le dire, dans la catégorie des investissements hautement spéculatifs. Ces derniers temps, la Tunisie a effectivement fait montre de résilience en réussissant malgré le contexte à payer l’ensemble de ses échéances, ce qui explique sans aucun doute cette réévaluation de la note souveraine de la Tunisie.

Moody’s motive effectivement sa décision de réévaluation par le fait que, depuis octobre 2023, la Tunisie a honoré ses échéances. Par ailleurs, en dépit des remboursements, la Banque centrale de Tunisie (BCT) a su maintenir des réserves de change stables au cours des deux dernières années. L’autre point fort de l’économie tunisienne qui a joué en sa faveur auprès de Moody’s est une certaine maîtrise, bien que limitée, du déficit budgétaire. En l’espace de deux ans, le déficit s’est rétracté de deux points passant de 8 % en 2022 à 6 % en 2024, avec la même tendance prévue pour 2025.

La résilience tunisienne

Contacté par La Presse, Mohsen Hassan, ancien ministre du Commerce et expert économique, estime qu’il y a effectivement des motifs pour se réjouir au vu des indicateurs positifs à saluer, et particulièrement la capacité de la Tunisie à continuer d’honorer ses engagements financiers, comme elle l’a toujours fait depuis son indépendance, mais également l’amélioration du déficit de la balance commerciale qui passe de -2.3 % en 2024, à -1,3 prévue en 2025. 

«Par ailleurs, la Tunisie a réussi à réduire son déficit budgétaire pour atteindre 6% du PIB, et ce, grâce à une amélioration des recettes fiscales et à une meilleure maîtrise de la masse salariale. Une masse salariale qui devrait s’établir à 13,1 % du budget en 2025, contre 16 % en 2019, marquant ainsi une amélioration nette », explique Mohsen Hassan. L’expert note également le rôle capital que jouent le tourisme et les transferts des Tunisiens résidents à l’étranger (TRE). Mais, en bon analyste, Mohsen Hassan ne s’arrête pas aux apparences, et insiste sur le fait que, malgré ces nets progrès, la situation, comme en témoigne la notation, reste spéculative et appelle à des réformes profondes pour sortir de cette zone d’incertitude. Pour lui, il est d’abord impératif de rétablir la confiance entre les acteurs économiques pour donner de l’élan à une dynamique de croissance pérenne. Une croissance pérenne qui n’est d’ailleurs possible, selon notre interlocuteur, que si la Tunisie développe une nouvelle politique économique orientée vers la création de valeur. 

«Pour ne citer que ceux-ci, je crois qu’il est indispensable de mettre l’accent sur les investissements à forte valeur ajoutée et les encourager et élaborer de nouvelles politiques sectorielles alignées sur une vision économique cohérente», précise-t-il. 

Par ailleurs, Mohsen Hassan recommande de se focaliser sur deux leviers essentiels pour redresser nos finances et retrouver une croissance saine : la promotion des exportations, un combat qu’il mène depuis des années, et l’urgence de mener à bien la transition énergétique. 

Un devoir de lucidité

En effet, si le déficit courant (différence entre les entrées nettes de devises et les sorties nettes de devises) s’est amélioré, le déficit commercial lui (Importations – Exportations) est en hausse. « Il est important que nous accordions davantage d’intérêt à la promotion d’exportation, car, croyez-moi, c’est bien de limiter les importations, mais je vous assure que 90 % de nos importations sont incompressibles », estime Mohsen Hassan. 

L’autre plaie de notre économie est le déficit énergétique, responsable à lui seul de 60 % de notre déficit commercial. Pour remédier à ce problème structurel de notre économie, Mohsen Hassan explique que la seule voie est d’encourager l’investissement dans le secteur énergétique, en particulier dans les hydrocarbures, où il faudra penser à la refonte du cadre juridique des explorations, mais également aller jusqu’au bout dans le développement des énergies renouvelables et propres. Sur les réformes de fond, l’expert précise qu’une réforme fiscale approfondie, basée sur la baisse de la pression fiscale et l’élargissement de l’assiette, doit être engagée. Selon lui, le redressement budgétaire passe également par une restructuration efficace et transparente des entreprises publiques, et une meilleure maîtrise de la masse salariale. « Il faut, dit-il, trouver une solution au sureffectif dans la fonction publique, via l’encouragement de l’entrepreneuriat et les départs à la retraite, c’est essentiel pour limiter les dérapages budgétaires».

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