
C’est en vérité le titre de l’information qui nous a interpellés. Ainsi donc, un bureau de la Csea a été ouvert en Tunisie. Il est appelé à devenir une plaque tournante de la coopération médicale arabe. Il mettra en relief le rôle de la Tunisie et des pays du Maghreb au sein du Conseil, tout en valorisant l’école médicale tunisienne au double plan arabe et international, selon Moncef Maâloul, vice-président de la commission parlementaire de la santé.
Ce bureau, cette antenne, que l’on a décidé d’ouvrir en Tunisie est tout simplement une reconnaissance aussi bien arabe qu’internationale du rôle qu’a joué cette contrée dans le domaine de la médecine depuis… 2.500 ans, dans cette Ifriqiya punique, carthaginoise, à laquelle a succédé la prestigieuse École de médecine de Kairouan.
Tous ceux qui se targuent de bien des découvertes qu’ils ont attribuées à leurs praticiens en herbe ont oublié, ou plus exactement escamoté, le rôle de Carthage et de ses scientifiques.
Qu’on rembobine l’histoire et que l’on resitue dans quel état était le reste du monde avant d’arriver à l’époque de l’École de Kairouan qui a rayonné et mis en place les jalons qui ont permis au reste du monde de s’ouvrir à la science et aux découvertes dont nombre de «savants » en occident se sont attribué les mérites.
Constantin l’Africain s’est décidé un de ces jours d’embarquer sur une felouque tous les livres et documents qui lui sont tombés sous la main et s’est dirigé vers les côtés italiennes. Comme quoi la «harqa» vers notre voisin du sud ne date pas d’aujourd’hui.
Une forte tempête l’a délesté d’un grand nombre de documents. Il débarqua à Salerne et fort de ce qu’il avait ramené avec lui, on lui a tout de suite offert un refuge. Il se mit en quête de traducteurs qui commencèrent à mettre à la disposition des chercheurs de l’époque et des lieux le contenu du trésor dont il disposait. Et c’est ainsi que l’on a vu surgir les noms qui ont supplanté ceux des véritables hommes de science carthaginois ou ceux issus de l’École de Kairouan. Ils ne faisaient que confirmer que seuls les vainqueurs écrivaient l’histoire.
Dans nos gènes
Ces faits historiques, que nous devons au docteure Chedlya Leila Ben Youssef qui l’avait rappelé lors d’une conférence présentée à l’occasion du Sommet de la francophonie de Djerba, sur l’histoire de la médecine tunisienne à l’Ecole de santé de Tunis (qui ont d’ailleurs fait l’objet de nombreux congrès et conférences tenus à travers le monde) pour remettre les pendules à l’heure prouvent, si besoin est, que la médecine est dans les gènes des tunisiens, de leurs ancêtres depuis 2.500 ans.
Nous distinguons quatre périodes :
1) Médecine punique Esculape/ Eschmoun, étymologie punique du mot Esculape, caducée médical, médecine vétérinaire de Magon.
2) Médecine latine, Apulée, Vindicianus afer, Caelius aurélianus siccensis, Moschio.
3) Médecine arabe, Ecole de Kairouan (Ishaq ibn Omrane, Ishaq ibn Suleiman, Abū Jazzar, Constantin l’Africain, Chérif al Edrissi, Mohamed al Siqilly.
4) Médecine française, médecine moderne, du Protectorat à l’Indépendance, l’apport de la médecine tunisienne à la médecine universelle.
Les deux premières périodes englobant la médecine punique et la médecine latine ont été complètement occultées, passées sous silence dans les ouvrages relatant l’histoire de la médecine universelle.
Carthage était pourtant dédiée à la médecine. Appien, historien du 1er siècle ap. J.-C. dans son Livre africain parlait de ce sanctuaire majestueux de la guérison qui existait encore. On s’y rendait pour se faire soigner comme dans n’importe quel hôpital de nos jours.
Nous ne connaissons rien de la médecine punique. Tout a été détruit par les Romains. Tout a été effacé par le plus grand génocide de l’histoire perpétré en 146 av. J.-C.
Ont échappé au feu, les œuvres et recettes de Magon et son encyclopédie agricole, ramenées à Rome comme butin de guerre, transmises sur plus de 23 siècles en latin et en grec.
Seules les pierres qui ont résisté aux feux, ont gardé les vestiges de cette mémoire de tout un peuple. L’épitaphe trouvée sur la nécropole de Rabs (qui abrite près de 1.500 tombes de médecins) nous raconte l’histoire d’Abdeschmoun, un médecin de Carthage, serviteur d’Esculape, 3e siècle av. J.-C.
Nulle part, vous ne verrez dans ces ouvrages publiés de par le monde l’histoire de la médecine punique, africaine, c’est-à-dire celle de Carthage, de 814 à 146 av. J.-C. qui nous rappelle le temple d’Eschmoun, érigé au sommet de la colline de Byrsa, sauvé de l’oubli par des écrits grecs, latins et même arabes. Ce temple est enseveli sous la cathédrale de Carthage.
Notre système de santé
Voyez une des premières décisions prises et qui consiste à remettre sur pied notre système de santé mis à mal par des années de laisser-aller, de manipulations et de spéculations. Un travail immense qui nécessite des moyens qu’il fallait trouver, en dépit des difficultés économiques, pour rééquiper les hôpitaux, les renforcer en personnel médical et paramédical spécialisé dans le but de rapprocher ce secteur vital du citoyen obligé d’attendre des mois pour une visite et de parcourir des centaines de kilomètres pour se soigner.
Le démarrage des travaux de la cité médicale de Kairouan permettra à la médecine tunisienne d’accentuer la cadence et de consolider les acquis des facultés tunisiennes qui déversent à longueur d’années des praticiens de valeur qui font le bonheur de ceux qui, à travers le monde, leur déroulent le tapis rouge.
La Csea a donc ouvert son antenne dans un pays qui a, en dépit de tous les bouleversements de l’histoire, accordé à la médecine la place qu’elle mérite.
Il fallait qu’on le sache.