
La 41e édition du Salon de la création artisanale, organisée par l’Office national de l’artisanat (ONA) du 23 mai au 1er juin 2025 au Parc des expositions du Kram, a, encore une fois, mis en lumière le génie des artisans tunisiens en matière de valorisation des matières premières naturelles et de savoir-faire ancestral. Plus qu’une valorisation, il s’agit d’un travail acharné, mené non sans passion, pour hisser le niveau de l’artisanat tunisien et le rendre plus attrayant car de qualité confirmée et parfaitement conforme aux exigences des clients tant nationaux qu’étrangers.
La Presse — Et dans cette panoplie euphoriquement exhaustive de produits humblement chics, l’on découvre ceux fabriqués à base de fibres naturelles. L’alfa, le «joummar», appelé aussi «Zaâf» (rotin), le «qsab» constituent les capitaux de moult ateliers artisanaux implantés dans tout le territoire tunisien. Ces toutes dernières années, les objets et les accessoires féminins conçus de fibres végétales chapeautent le podium des produits en vogue. Au salon de l’artisanat aussi, les fibres végétales brillent par leur simplicité amplement requise.
Au premier hall du Parc des expositions du Kram, plusieurs artisans et artisanes ont décroché des stands assez spacieux pour contenir des collections de produits en fibres végétales. Des sous-tasses aux grands lustres, en passant par des corbeilles, des paniers à linge, des sacs à main, des tapis en nattes dits «hassira», autant de produits pratiques et autres, de décoration, que nos aïeuls utilisaient au quotidien, mais à quelques différences près : les produits, désormais, gagnent plus en raffinement. Ils prennent une dimension universelle, atemporelle tout en étant autochtone.
Les secrets l’alfa
C’est la vision que concrétisent les produits proposés par Mariem Helali, une artisane provenant de Kasserine. Cela fait quatre ans qu’elle travaille dans ce créneau. Elle avait démarré seule puis a été adoptée par Créative Tunisia, — un projet de renforcement des chaînes de valeur de l’artisanat et du design en Tunisie et une composante du programme européen «Tounès wijhetouna» pour soutenir les artisans et faciliter leur accès aux marchés nationaux et internationaux—, lequel projet lui a ouvert les portes du Salon de la création artisanale pour la première fois en 2022.
Puis, Mariem a ouvert son atelier pour employer, actuellement, plus d’une soixantaine d’artisanes. «Nous faisons l’acquisition de la matière première à Kasserine, sinon dans les régions avoisinantes. La «hamla» ou le «khnegu» (soit la mesure appliquée à ll’alfa et qui équivaut à une énorme botte tenue entre une accolade) se vent à treize dinars. Nous faisons bouillir l’alfa dans de l’eau pour la délester de l’huile qui le couvre. Puis, nous le mettons dans de l’eau de Javel pour le purifier. Ensuite, nous optons pour des colorants naturels — comme le henné, le curcuma, la betterave — et autres, chimiques, pour lui conférer des couleurs et répondre, ainsi, à tous les goûts » explique-t-elle. Et d’ajouter que certains clients sont à la quête de produits cent pour cent bio. Aussi, préfèrent-ils des produits aux colorants naturels.
Chaque année, cette artisane oriente ses créations selon la tendance. Pour elle, il est impératif de procéder à une étude du marché avant de lancer la nouvelle collection. Cela dit, elle reste toujours réceptive aux recommandations des clients pour des commandes personnalisées. «L’année dernière, j’ai misé sur les sous-tasses, les sous-plats et tout ce qui relève de l’art de la table. Cette année, ce sont les paniers, les corbeilles et les tapis de paille ou «hassira» qui sont mis en valeur. Je dirais même que la «hassira» retourne en force. Elle se vend entre 120d et 180d le mètre carré», renchérit-elle.
Le «joummar» de Menzel Horr à l’honneur
Le stand qui se trouve en face de celui de Mariem offre aussi des produits en fibres naturelles, mais se distingue par une touche autre. Chaque artisan donne de lui-même, de ses goûts et de sa perception de la matière première pour créer un «monde» qui lui ressemble. Abdelmoeïne Ben Moaâouia, originaire de Menzel Horr à Nabeul, et son épouse ont monté leur atelier en 2017. Tous deux ont fait du rotin ou «Joummar» ou «Zaâf» une source d’inspiration. «Il faut que chaque artisan ait sa propre touche, sa propre signature. Pour ce qui est de nos produits, ils se distinguent par la combinaison de plusieurs matières premières, notamment le «joummar » qu’on appelle, une fois séché, «zaâf», ainsi que le «qsab», le «sonnar», etc,», souligne-t-il. Pour Abdelmoïne, l’artisanat doit nécessairement évoluer pour s’adapter aux exigences nouvelles. «Avant, poursuit-il, ce métier était axé sur le couffin traditionnel. Aujourd’hui, ce même couffin prend d’autres facettes pour servir d’autres finalités. On trouve les sacs à main, les sacs de plage. Le couffin peut se convertir en des paniers à pain, des paniers à linge et bien d’autres produits à la fois utiles et tendance».
Plus esthétique, plus durable
Cet artisan a pensé à renforcer les fibres végétales par des cannes «qsab» pour en créer des produits plus solides, tout en restant dans le purement naturel. Mission accomplie : des caisses de rangement, des plateaux, des paniers à pain promettent une durabilité infaillible. «Ces matières naturelles devraient se substituer au plastique. Grotesque et toxique, ce dernier a pris plus de place dans notre vie…», fait-il remarquer. Les produits que propose cet artisan oscillent entre cinq dinars et 120d.
Offre quatre saisons
Un peu plus loin se trouve le stand de Marouen Challadi, de Nabeul, un participant assidu au Salon. Il propose une multitude de produits fabriqués à base de fibres naturelles, notamment des sacs à main, des lustres, des miroirs, des couffins et même des meubles. «Notre métier est intrinsèquement lié aux saisons : un paillasson en paille se vend en hiver, un chapeau de paille en été.
Du coup, nous restons toujours fidèles aux exigences de la clientèle. Pour ce, nous offrons des produits saisonniers, tout au long de l’année», explique-t-il. Et comme la majorité de ses confrères, il a su innover pour être au diapason de la tendance.
«Nous avons introduit d’autres matières naturelles pour apporter une touche novatrice aux fibres naturelles dont le bois, le cuir et le fer.
Les prix des produits les plus sollicités par les clients oscillent entre deux dinars et 70d», ajoute-t-il.
Dans les stands spécial fibres naturelles, tout comme dans d’autres, les clients ne cachent pas leur penchant pour des produits à base de matières naturelles. «Ce sont des produits qui sentent bon, qui sentent la terre, le pays, l’odeur de peau des artisans…Ce sont des produits qui ont une âme», indique Malek, une visiteuse du Salon. Certes, mais tout ce qui lui tient à cœur risque, faute de traçabilité, de passer complétement inaperçu…