
Gardien de mémoire et martyr de la culture, Khaled Assaâd incarne l’amour absolu du patrimoine. Son sacrifice à Palmyre, joyau syrien menacé, nous invite à repenser notre propre rapport à l’histoire et à ces trésors silencieux que nous laissons, ici, s’effacer dans l’indifférence. Et si son exemple nous réveillait enfin ?
La Presse — Khaled Assaâd, archéologue syrien de renommée internationale, est devenu un symbole de résistance culturelle et de dévotion patrimoniale. Né en 1932 à Palmyre, l’antique Tadmor, il a consacré plus de cinquante ans de sa vie à l’étude, à la préservation et à la mise en valeur de ce site exceptionnel, joyau de l’histoire syrienne et carrefour des civilisations gréco-romaines, perses et arabes. Mais ô combien sont divers et précieux nos sites et monuments historiques qui souffrent l’inertie si ce n’est l’abandon !
L’âme de Tadmor
Tadmor, connue mondialement sous son nom gréco-romain Palmyre, est bien plus qu’un site archéologique : c’est une mémoire vivante du passé, un pont entre l’Orient et l’Occident. Khaled Assaâd en était l’âme. Directeur des Antiquités de Palmyre pendant près de quarante ans (de 1963 à 2003), il n’était pas simplement un conservateur des ruines : il en était le poète, le protecteur, le traducteur passionné du langage des pierres.
Sous sa direction, Palmyre a connu une importante campagne de fouilles, de restaurations et d’études. Il a participé à la redécouverte de trésors comme le Temple de Bêl, les tombeaux-tours, ou encore l’allée monumentale bordée de colonnes corinthiennes. Grâce à ses efforts, le monde a pu admirer la grandeur passée de Tadmor, ville caravanière du désert syrien, et comprendre son rôle dans l’histoire de la Méditerranée antique.
Une passion jusqu’au sacrifice
En 2015, alors que Tadmor tombait aux mains de Daech, Khaled Assaâd refusait de fuir. Malgré les menaces, malgré les pressions, il choisit de rester sur place, fidèle à sa ville natale et à son engagement envers le patrimoine de l’humanité. A 82 ans, il est arrêté, torturé puis exécuté publiquement par les djihadistes pour avoir, selon eux, protégé des trésors «païens». Son corps fut suspendu à une colonne antique qu’il avait jadis restaurée.
Sa mort tragique a ému le monde entier et a fait de lui un martyr de la culture. Par son courage, Khaled Assaâd a incarné cette idée fondamentale que l’héritage des civilisations ne peut être détruit par la violence, que la mémoire des pierres est plus forte que la barbarie.
L’amour comme acte de résistance
L’amour de Khaled Assaâd pour Tadmor n’était pas sentimental ; il était un acte de résistance. Il croyait que préserver les vestiges du passé, c’était sauvegarder l’identité d’un peuple, la dignité d’un pays, et le dialogue entre les cultures. A travers ses écrits, ses conférences et ses travaux archéologiques, il a transmis une vision profondément humaniste de l’histoire: celle d’un monde lié par les échanges, les idées, et les œuvres.
Khaled Assaâd n’est plus, mais Tadmor lui survit. Grâce à lui, la cité du désert ne parle pas seulement aux archéologues, mais à tous ceux qui croient en la beauté, au savoir, et à la paix entre les peuples.
En Tunisie, on a la Cité antique de Carthage, le Musée d’El Jem, le site de Dougga, Sufetula et Ksar Lemsa entre autres, sauf que leur silence et celui de nos archéologues interpellent et intriguent.
Et si Tadmor et son ange martyr nous inspiraient…